Ardres sauvée, ou les Rambures, mélodrame héroïque et historique, en trois actes, à spectacle, de J.-G.-A. Cuvelier et de Pierre Villiers, musique de L. Morange, le 23 pluviôse an 11 [12 février 1803].
Théâtre de la Gaîté.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au théâtre de la Gaîté, an 11-1803 :
Ardres sauvée, ou les Rambures, mélodrame héroïque et historique, en trois actes, à spectacle. Paroles de J.-G.-A. Cuvelier, associé correspondant de la société Philotechnique, et de Pierre Villiers. Musique de L. Morange, citoyen de Calais. Représenté sur le Théâtre de la Gaîté, le 23 pluviose, an 11.
Le texte de la pièce est précédé de deux courts poèmes, écrits par les auteurs :
AUX HABITANS D' ARDRES.
De vos aieux, de leurs nobles travaux,
Nous traçons faiblement l'histoire ;
Mais, chez un peuple de héros,
On est sûr du succès, en chantant la victoire.
Consultant moins notre esprit que nos cœurs,
De ce croquis nous vous offrons l'hommage ;
Enfans de Pierre Rose, en son noble héritage,
Gardez une part aux auteurs.
Cuvelier, Citoyen de Boulogne sur mer.
De vos aïeux, de leurs exploits guerriers,
Nous avons crayonné l'histoire,
Et nous l'offrons aux héritiers
De leurs vertus et de leurs gloire,
Villiers, ancien capitaine, au 3e. régiment de dragons. 70 ans.
Courrier des spectacles, n° 2170 du 24 pluviose an 11 [13 février 1803], p. 2 :
[Le mélodrame est un succès pour ce théâtre qui vient d'ouvrir. Et son premier mérite est d'avoir un sujet emprunté à l'histoire nationale. Le critique entreprend de faire l'historique de la place forte d'Ardres, avant de résumer l'intrigue. Tout tourne autour de la trahison d'un régiment composé de soldats étrangers, qui souhaitent livrer la place aux Espagnols. Leur trahison est dénoncée, et l'attaque espagnole échoue. Mais il faut punir les coupables, et parmi eux un officier français (le seul de son régiment), qu'on veut accuser alors qu'il a tout fait pour dénoncer les traîtres. Son amante (il faut qu'il y ait une amante, dans un mélodrame) tente de le faire évader (le héros va toujours en prison, dans un mélodrame, et il faut qu'il s'évade avec l'aide de son amante, quitte à être repris), elle se trompe, mais finalement la vérité éclate : le traître meurt, et le héros est rendu à la liberté. Le critique trouve le dénouement, qui se « fait en récit », trop froid et propose une fin qu'il juge plus intéressante. Mais la pièce est pleine d'intérêt, et si on peut trouver qu'il y a trop de pantomime, et des ballets trop longs, on a aussi applaudi la danse du second acte, jugée ingénieuse. Costumes et musique sont cités de façon élogieuse, et les divers auteurs sont nommés, paroles, musique, ballets.
La pièce montre la résistance d'Ardres, attaquée par les Espagnols alliés aux Rambures, qui complotent contre Louis XIV (on est à l'époque de la Fronde).]
Théâtre de la Gaité.
Première représentation d’Ardres sauvée, ou les Rambures.
La nouvelle administration vient de signaler l’ouverture de ce théâtre par un succès. L’auteur n’a point puisé le fonds de sa pièce dans la fable, ou dans la féerie, ou dans les romans, mais dans l’histoire de son pays ; et tandis que tant d’autres courent après les sujets étrangers, c’est un mérite de plus d’offrir aux Français des sujets nationaux, on peut avec justice lui appliquer ces vers d’Horace :
Vestigia Græca
Ausi deserere et celebrare domestica facta.
L’action se passe au commencement du règne de Louis XIV, lorsque le cardinal Mazarin gouvernoit la France pendant la minorité de ce monarque. Ardres étoit alors une place frontière très importante : le marquis d’Hérouville en étoit gouverneur. Dans la garnison étoit un régiment composé de gens braves, mais indisciplinés, et formé par le comte de Rembure, étranger ; il n’avoit admis dans ce corps qu’un seul Français, c’étoit le capitaine St-Just. Le colonel de concert avec ses officiers forme le projet de livrer la place aux Espagnols, et envoie au gouverneur de St-Omer le capitaine St-Alme qui revient bientôt sous des habits de paysan avec le plan entièrement ratifié. La nuit suivante, le gouverneur et les habitans doivent être passés au fil de l’épée, et les Espagnols introduits. Mais St-Just en instruit son hôte nommé Pierre-Rose, qui va tout découvrir au marquis d’Hérouville. Celui-ci prend ses mesures, repousse les Espagnols et fait arrêter tous les officiers des Rembures, qui sont condamnés et exécutés sur-le-champ. Le colonel seul et St-Just, que son amante, pour le soustraire à la fureur du peuple, a couvert de l’habit de paysan porté par SaintAlme, sont jugés en dernier lieu. Le gouverneur et tout le conseil de guerre s'intéressent en faveur de St-Just, mais Rembure l’accuse à son tour, et pour preuve il montre l’habit que porte le capitaine, et dans lequel il déclare que se trouve le plan concerté avec le gouverneur de St-Omer. St-Just est anéanti, il n’a rien à répondre ; il est condamné à mort avec le comte qui dédaigne de se défendre. La fille de Pierre-Rose s’introduit dans la prison pour sauver son amant, et dans l’obscurité, trompée par l’uniforme, elle facilite l’évasion de Rembure ; mais ce traître n’échappe point aux sentinelles, et il est tué sur le rempart. En mourant il proclame l’innocence de St-Just, qui est rendu à la liberté.
Ce dénouement fait en récit a paru froid ; nous croyons que le retour de Pierre-Rose pouvait produire plus d’effet, sur-tout lorsqu’il auroit arrêté les gardes entraînant St Just au supplice et déclaré son innocence. Ce mélodrame d’ail leurs offre beaucoup d’intérêt ; il y a peut-être un peu trop de pantomime dans les momens où il faut agir ; les ballets aussi sont trop longs. On a beaucoup applaudi cette partie de la danse du second acte, où les danseurs attendent le signal du combat. L’idée en est ingénieuse. Les costumes sont soignés et la musique agréable. Les auteurs sont les citoyens Cuvelier et Villiers pour le mélodrame, Morange pour la musique, et Blondin pour les ballets.
F. J. B. P G***.
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