Arlequin Jacob et Gilles Esaïe ou le Droit d'aînesse, folie-vaudeville en un acte d'Hapdé, 13 frimaire an 6 [3 décembre 1797].
Théâtre des Jeunes Artistes.
Courrier des spectacles, n° 286 du 14 frimaire an 6 [4 décembre 1797], p. 2-3 :
[L'intrigue est une variation arlequinesque sur l'histoire biblique, le mérite de la pièce consistant à rendre comique une aventure qui l'est beaucoup moins. Pour donner du sel à la pièce, il fallait une histoire de mariage, et deux détails amusant montrant la ruse de Jacob permettent de faire de celui-ci l'aîné et le mari de Rachel. Et la conclusion d'Isaac ne manque pas d'ironie : Esaü n'avait pas besoin d'aller à la chasse. La pièce est drôle, et l'auteur est couvert d'éloges : le critique lui promet une belle carrière. Juste un petit reproche : pourquoi faire évoquer par Jacob les mœurs des Français ? Il n'est pas possible que les Juifs de l'Ancien Testament les connaissent... Chacun jugera à sp, gré le reproche...]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Tout le monde connoît le passage de l’écriture sainte, qui nous apprend que Esaü, fils d’Isaac et de Rebecca, vendit pour un plat de lentille son droit d’aînesse à Jacob son frère, et que celui-ci lui enleva ensuite la bénédiction que son père vouloit lui donner. C’est le sujet du vaudeville réprésenté hier pour la première fois au théâtre des Jeunes Artistes, sous le titre d’Arlequin Jacob et Gilles Esaü ou le Droit d'aînesse. Voici comment il a été traité par le cit. Hapdé, connu à ce théâtre par de fréquens succès.
lsaac a résolu de marier Gilles Esaii son fils aîné avec Rachel fille de Laban. En vain Arlequin Jacob, qui aime Rachel veut-il faire changer son père de résolution, Rebecca n’a pas plus de pouvoir ; le droit d'aînesse d'Esaü est le motif de la résolution d’Isaac, et rien ne peut l’en faire changer. Jacob a recours à la ruse ; il a préparé un plat de beignets pour son père, et il profite de la gourmandise d’Esaü, que les beignets tentent fort pour se faire céder son droit d’aînesse. Mais lsaac vient pour donner la bénédiction nuptiale à Esaü et à Rachel. Comme i1 est aveugle, Arlequin Jacob imagine de passer pour Gilles, qui est allé à la chasse. Son embarras redouble, lorsque lsaac déclare qu’il veut que Jacob soit présent à la cérémonie. Il ne reste à ce dernier que de jouer les deux rôles ; c’est ce qu’il fait, et il a reçu la bénédiction lorsqu’Esaü arrive de la chasse. Tout se découvre, et le bon Isaac, qui ne vouloit que marier Rachel à l’aîné de ses fils, confirme son mariage avec Jacob, satisfait de pouvoir punir la gourmandise d’Esaü.
Ce petit vaudeville qui offre de charmans couplets, annonceroit seul beaucoup d’esprit dans son auteur, s'il n’en eût pas déjà donné des preuves ; mais comme il est probable qu’il ira beaucoup plus loin dans cette carrière, je crois devoir l’engager à mieux ménager les convenances. Il est ridicule d’entendre Jacob par1er à son père des Français et de leurs mœurs. Comme nous n’avons pas les vertus de ces anciens Juifs, de même ils ne connoissoient pas nos vices.
L. P.
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