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Arlequin mannequin

Arlequin mannequin, comédie-parade en un acte, mêlée de vaudevilles, par M. Théodore, 25 août 1793.

Date fournie par L.-Henry Lecomte, l’Histoire des théâtres de Paris, les Variétés amusantes (Paris, 1908), p. 211.

Théâtre des Variétés Amusantes.

Titre :

Arlequin mannequin

Genre

comédie parade mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

25 août 1793

Théâtre :

Théâtre des Variétés Amusantes

Auteur(s) des paroles :

Théodore

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 6 (juin 1794), p. 281-285 :

[Avant de rendre compte de la nouvelle pièce, un point de vue général sur les « comédies-parades » : toutes les mêmes, et le critique rappelle le fonctionnement de ce genre de pièce, qui permet de faire une belle carrière pas trop compliquée, à condition de le faire « sans offenser les mœurs & le bon goût ». Le résumé est annoncé comme un moyen si on doit lui reprocher quelque chose. Résumé sans surprise, bien sûr, l’ensemble s’achevant sur le mariage – forcé – attendu. Le caractère convenu de l’intrigue est d’ailleurs souligné par des formules comme « comme on s'y attend bien, » ou « sans doute ». Après avoir montré le vide de l’intrigue, il est facile de conclure : rien de neuf dans cette histoire de mannequin. Ce ne serait pourtant pas une mauvaise pièce, si elle ne reposait pas sur un »motif immoral » et si le style était plus soigné, ce qui vaut à M. Théodore la répétition du propos de Boileau sur le besoin de travailler. Si M. Théodore veut réussir dans le vaudeville, qu’il suive le conseil de Boileau ! Le critique cite ensuite deux couplets pour montrer qu’ils « ont de la tournure ». Bien sûr, il doit presque s’excuser de mettre sous les yeux de l’honorable lecteur de telles « âneries ».]

THÉATRE DES VARIÉTÉS AMUSANTES.

Arlequin mannequin, comédie-parade en un acte, mêlée de vaudevilles ; par M. Théodore.

Qui voit une comédie-parade, les voit toutes à-peu-près. C'est toujours Cassandre qui fait les fraix de la crédulité, Gilles, de la sottise, Léandre, de la vanité, Arlequin, de l'espiéglerie, Colombine, de la malice, & Isabelle de la finesse. Lorsque tout cela a été développé dans plus ou moins de scenes, & que l'auteur est parvenu à faire un ou deux mariages, le rideau tombe & la farce est jouée. Trop heureux celui qui parcourt cette carriere avec gaieté & sans offenser les mœurs & le bon goût !

Rendons compte d’Arlequin mannequin, & nous verrons ensuite si nous avons quelques reproches à lui faire. Le peintre Cassandre est décidé à marier sa fille avec Gilles, son éleve : c'est un bon garçon, dit-il, qui promet beaucoup, & je ne saurois mieux faire que de lui donner Colombine. C'est une affaire décidée, & Cassandre la terminera en rentrant.

Pendant l'absence du bon homme, on apporte un mannequin qu'il a demandé ; Gilles le fait mettre dans l'attelier. Or, comme on s'y attend bien, c'est Arlequin qui tient la place du mannequin, & qui se sert de cette ruse pour pénétrer chez sa maîtresse. Finette n'a rien de plus pressé que d'éloigner Gilles, & lorsqu'elle y est parvenue, Arlequin embrasse sa Colombine, en lui disant, sur l'air : Avec les jeux dans le village.

O cher objet de ma tendresse,
Arlequin voudroit bien souvent,
Dans l'excès de sa folle ivresse,
D'un seul baiser en faire cent.
Mais souvent aussi, chere amie,
Quand je ne crains pas d'importun,
En te voyant aussi jolie
De mille je n'en ferois qu'un.

Lorsqu'on a fait un compliment à. sa maîtresse, & qu'elle l'a écouté favorablement, on a bien de l'empire sur elle. Faut-il s'étonner que Colombine se laisse entraîner par Arlequin au boulevard, où ils vont dîner ?

Mais qui est surpris, si ce n'est Gilles, lorsqu'en rentrant il ne trouve ni sa future, ni le mannequin ? II se désole ; Cassandre survient pour se désoler à son tour : on va, on vient, Finette prétend qu'elle n'est pas du secret, on crie, on se chamaille ; enfin, au bruit qu'on fait dans la maison, Arlequin paroît, déguisé en commissaire. Cassandre, qui croit sans doute que tous les commissaires ont la figure noire comme celui-ci, ne s'arrête pas à cette singularité, & il demande qu'on dresse procès-verbal du rapt de sa fille.

Le commissaire propose un arrangement ; Cassandre ne veut point y entendre. Pour achever de le décider, le faux commissaire lui dit qu'il fera tout ce qu'il voudra, mais que soit qu’il refuse, soit qu'il consente, dans trois mois il n'en sera pas moins grand-pere. Le bon homme crie à l’impudeur, impudence seroit mieux le mot, il jette feu & flammes. Toutefois, pour finir la piece, il finit par s'appaiser, & il accorde au libertinage de sa fille, ce qu'il n'auroit peut-être pas accordé à ses sentimens. Colombine paroît, Arlequin se découvre, & leur mariage forcé forme le dénouement de la piece.

D'après tout cela il est bien décidé que le fond d’Arlequin mannequin n'est rien, & que son sujet se trouve par-tout. Le Sculpteur, l'Amant statue, Colombine Mannequin, le Mannequin, &c., nous en fournissent la preuve. Mais cette parade renferme des détails qui ont de la gaieté, & c'est vraiment dommage qu'ils soient salis par le motif immoral, qui amene le dénouement. Le style pourroit être plus soigné. Puisse M. Théodore n'oublier jamais que la facilité est le plus grand ennemi des auteurs!

» Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, & le repolissez ;
Ajoutez quelquesois, & souvent effacez. «

Malheureusement quand on est jeune, on se hâte de jouir, sans songer que quand on jouit vîte, on ne jouit pas long-tems. Si M. Théodore se pénetre un jour de la vérité de ces réflexions, & se résout à suivre le conseil de notre grand-maître, l'immortel Despréaux, il pourra réussir dans le vaudeville. Ses couplets ont de la tournure. En voici deux qui, pour tenir directement à la parade, ne prouvent pas moins que nous avons raison. Gilles vient de peindre une âne, il se mire dans son ouvrage, & il s'écrie sur l'air de la fanfare de Saint- Cloud.

Pour fair' eune copi' si belle,
Bien d'autres auroient pris soin
De se pourvoir d'un modele ;
Moi j' n'en ai pas eu d' besoin.
Des grands geni' c'est le système,
Et je n' les imite pas mal :
Car j' puis dir' q’ c'est dans moi-même
Q’ j’ai pris un original !

Ah! j'sis sûr, ajoute le lourdaud, qu'on n'a jamais vu d'âne comme ça. Grand, gros & gras, qu'ça fait plaisir à voir ! II chante ensuite sur l'air : Trouver le plaisir en famille.

J' m'attendris en voyant c'tableau,
C'n'est pas-là z'un an'ordinaire :
Y ressemble com'deux gouttes d'eau
A celui de défunt' ma mere.
Je m'souviens que chacun l'aimoit
A caus' de son humeur gentille,
Et vraiement avec moi c’étoit
L'enfant gâté de la famille.

Quelques lecteurs délicats se plaindront peut-être de ce que nous avons osé mettre les ánerìes de Gilles sous leurs yeux. Mais on voit partout tant d'âneries à côté de chef-d'œuvres,,que nous n'avons pas balancé de faire figurer celles de Gilles dans notre galerie dramatique.

(Journal des spectacles.)

La base César ne connaît qu’un Arlequin mannequin, joué au Variétés Amusantes, Comiques et Lyriques, mais il donne comme date de première représentation le 18 décembre 1794, ce qui est incompatible avec la publication d’une critique en juin 1794...

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