Armide, opéra, de Gluck.
Théâtre des Arts.
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Titre :
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Armide
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Genre
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opéra
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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reprises en 1799 (31 décembre) et en 1813
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Théâtre :
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Théâtre des Arts
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Auteur(s) des paroles :
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Quinault
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Compositeur(s) :
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Gluck
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Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome V, p. 272 :
[Il s’agit d’une reprise du fameux opéra de Gluck. le moins qu’on puisse dire, c’est que cette reprise n’a pas donné satisfaction : musique maltraitée (trop bruyante), interprétation défectueuse, décorations vieilles ou laides, c’est selon, bricolage sur la partition (répétition absurde d’un air dont toute la valeur vient de son unicité), accessoire mal conçu (trop mesquin). Bref, rien n’allait.]
THÉÂTRE DES ARTS.
Armide.
On s'attendoit, d'après l'annonce et le doublement du prix des places, à des merveilles ; et jamais attente n'a été plus trompée ; la musique a été gâtée par des parties de trombones et de tymbales. L'opéra a été mal joué et mal chanté; les décorations sont vieilles ; et la dernière, la seule qui soit neuve, est triste et sombre, et a l'air d'une décoration de confiseur en transparent. On a maltraité ce malheureux Gluck, jusqu'à répéter deux fois, votre général vous rappelle ; ce qui atténue ce trait sublime dans la musique, et est aussi ridicule que si on répétoit le moi de Médée ou le qu'il mourût des Horaces.
Nous ne parlerons pas du diamant à facettes qu'Ubalde présente à Renaud, et dans lequel celui-ci doit voir sept à huit cents petits Renauds d'un millimètre de hauteur. Ce bouclier doit être une glace, supposée de diamant, qu'Ubalde découvre au moment où il dit, votre général vous rappelle, et dans lequel Renaud voit l'indigne état où il est réduit. Cette image réfléchie aux yeux des spectateurs motiveroit l'action et doubleroit l'intérêt.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome III, p. 163-168 :
[Nouvelle reprise de l’opéra de Gluck, et longue analyse à la gloire du compositeur, et de son interprète, la débutante mademoiselle Paulin, qui a droit elle aussi à de grands éloges, et à un poème à sa gloire.]
ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.
Représentation d'Armide. — Début de Mademoiselle Paulin,
Dans Armide, comme dans Alceste et Iphigénie en Aulide, Gluck a voulu que l'ouverture fût en quelque sorte le résumé de la pièce. On y trouve dessinés les caractères des principaux personnages. Par exemple, l'ouverture d'Armide présente tour-à-tour des formes guerrières et passionnées : tantôt c'est Armide, tantôt c'est Renaud que l'on croit entendre. Le spectateur est déja préparé aux effets de la scène.
La toile se lève. Armide arrive avec ses deux confidentes, qui la félicitent de ses triomphes dans le camp ennemi. Elle ne répond rien d'abord, et se révèle enfin dans ce vers :
Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous.
Ici, tout l'orchestre accompagne le récitatif, tandis que les altos seulement accompagnoient le chant des confidentes.
Armide rappelle le songe où elle a vu Renaud. Mademoiselle Paulin le nuance avec beaucoup de sentiment, et détache très-bien le dernier vers :
Dans le fatal moment qu'il me perçoit le cœur.
Hidraot, magicien, oncle d'Armide, exprime dans un air des regrets sur sa gloire passée. Comme la mort le menace, il engage Armide à se choisir un époux. La réponse d'Armide, d'un chant suave et qui révèle la passion qu'elle ignore (cæco carpitur igni , est accompagnée par des notes syncopées, image du trouble de son ame.
La joie des danses est bientôt troublée par l'arrivée d'Aronte, qui annonce qu'un seul guerrier chrétien a délivré les captifs.
La répétition d'un seul est de Gluck ; mais peut-être détruit-elle l'effet du cri d'Armide : c'est Renaud.
Le chœur : Poursuivons jusqu'au trépas, montre dans les deux premiers vers une vengeance concentrée, qui éclate ensuite comme un volcan. On peut dire de Gluck composant ce morceau : La flamme du génie voltigeoit alors autour de sa tête.
C'est dans le second acte qu'on entend le beau duo des enchantemens : Esprits de haine et de rage. Gluck y a déployé toute la vigueur du Michel-Ange de la musique, laquelle fait mieux ressortir encore la scène suivante, où il en est le Raphaël. Renaud se trouve, sans le savoir, dans les jardins d'Armide. Il contemple, il admire. Le murmure des eaux, le parfum des fleurs, le chant des oiseaux, tout le plonge dans une ivresse voluptueuse qui le conduit par degrés au sommeil. Pour juger des progrès que l'art a faits de Lully à Gluck, voyez comment l'un et l'autre ont traité ce morceau. Lully a composé un air d'un chant naturel et agréable, avec un mouvement d'un accompagnement doux et presque uniforme. Gluck, qui a considéré son art en véritable poète, a senti que la partie instrumentale devoit exprimer ici toutes les sensations que Renaud éprouve, et que des phrases coupées, d'un chant simple, dévoient peindre la langueur que l'enchantement magique a jeté dans son ame. Les danses et les chants qui bercent le sommeil du héros, complètent l'illusion, et achèvent un des plus beaux tableaux que l'imagination ait créés.
Tout le charme est détruit par un mouvement d'orchestre qui annonce l'arrivée d'Armide. Elle accourt pour immoler
Son fatal ennemi, son superbe vainqueur.
A sa vue, le poignard tombe de ses mains, et sa haine fait place au plus ardent amour.
Tout le monde se plaint aujourd'hui de la langueur et du peu d'effet qui règne dans le récitatif du monologue : Enfin, il est en ma puissance.
M. Rey, directeur de l'orchestre de l'Opéra, et qui tenoit. de Gluck lui-même la tradition des mouvemens, avoit soin dans cet endroit d'accélérer les phrases coupées du récitatif, et lui donnoit ainsi le plus vif intérêt. Il faisoit mieux ressortir le chant placé sur les vers: Ah ! qu'elle [sic] cruauté de lui ravir le jour, etc., et charmoit l'auditoire dans cet air brillant : Venez, secondez mes désirs, où Armide toute livrée à sa passion, s'enlève avec Renaud sur l'aile des Zéphirs.
Le troisième acte offre une très-belle transition. Armide, voyant qu'elle ne doit l'amour de Renaud qu'à ses enchantemens, et qu'elle est asservie au joug de son vainqueur, appelle la Haine à son secours, La Haine se présente avec toute sa suite, et fait des imprécations pour que l'amour sorte du cœur d'Armide. Le chœur : Plus on connoît l’amour, est d'une harmonie vraiment infernale. L'orchestre, pour l'effet, devroit accélérer le mouvement, en cet endroit : Amour, sors pour jamais, sors d'un cœur qui te chasse. Le ballet des Démons est digne de ceux qui le dansent. On y admire un des plus beaux morceaux fugués qu'il y ait sur la scène lyrique.
Armide, partagée longtemps entre l'amour et la haine, finit par céder à l'amour; et s'écrie :
Amour, puissant Amour, viens calmer mon effroi,
Et prend pitié d'un cœur qui s'abandonne à toi.
Ces vers ne sont point dans l'opéra de Quinault. Ils sont de Gluck, qui les a crus nécessaires pour motiver la situation d'Armide, au moment que la Haine vient de la quitter. Tandis qu'elle les chante, prêtez l'oreille aux instrumens de l'orchestre, et vous entendrez les palpitations du cœur d'Armide, qui sort de cette scène avec la Haine , encore plus amoureuse qu'auparavant.
Au quatrième acte, la scène s'ouvre par Ubalde et le Chevalier Danois. Leur duo fait beaucoup d'effet. Le reste de l'acte est rempli par des danses charmantes. Qui ne sait par cœur les airs : Voici la charmante retraite ; Jamais dans ces beaux lieux, etc. ! Remarquez bien que pendant une demi-heure, Gluck reste constamment dans le ton de fa, et produit un charme inconcevable ; au lieu que nos compositeurs actuels, changeant de modulations presque à chaque mesure, étranglent le plus petit trait de chant qu'ils parviennent à trouver.
Le cinquième acte d'Armide vaut à lui seul tout un opéra. Un beau récitatif entre Armide et Renaud, ouvre cet acte, et prépare ce duo enchanteur : Aimons-nous, pour lequel Gluck avouoit lui-même qu'il méritoit bien d'être damné. Mademoiselle Paulin et Nourrit l'ont chanté d'une manière ravissante.
Des danses viennent charmer Renaud, et le distraire de l'absence d'Armide. C'est là que se trouve un menuet du caractère le plus noble.
Ubalde et le Chevalier Danois profitent du moment où Renaud est seul, pour l'emmener avec eux. Comme ils s'éloignent, Armide accourt, et veut retenir son amant. Gluck déploye dans ce dialogue toute son énergie dramatique, et Mademoiselle Paulin l'exprime admirablement. Mais le morceau où elle se surpasse elle-même, c'est le monologue : Le perfide Renaud me fuit. Elle fait frémir dans le passage où elle est en délire ; et les derniers accens de sa voix ont toute la force que peuvent donner la vengeance et le désespoir.
Un amateur a adressé à Mademoiselle Paulin les vers suivans :
Belle Paulin, tu parais ; c'est Armide ;
Et tes accens enflamment tous les cœurs.
Tu veux dompter un guerrier intrépide,
Qui, seul, résiste à tes charmes vainqueurs.
Avec l'enfer ton art d'intelligence
Déjà s'apprête à remplir ta vengeance ;
Et le pouvoir de tes enchantement
A son insçu, dans tes jardins l'attire.
Du fier Renaud l'ame s'émeut, soupire....
Et le sommeil se glisse dans ses sens.
L'essaim ailé des Songes ravissant
Et de Plaisirs une foule empressée
Viennent bercer mollement sa pensée.
Soudain Armide, accourant à grand bruit,
Trouve Renaud dans le piège conduit.
Pour l'immoler, son œil le considère,
Et dans le piège elle est prise à son tour :
A cette vue expire sa colère ;
Toute sa haine a fait place à l'amour.
Que tu peins bien les transports d'une amante,
La fièvre enfin de ses nouveaux désirs,
Des voluptés quand l'ivresse charmante
Te guide aux cieux sur l'aile des Zéphirs !
Bientôt, pleurant ta liberté ravie,
A ton amour tu crains d'être asservie.
Ton foible cœur aux enfers a recours
Pour appeler la Haine à ton secours.
Elle s'élance et se montre à ta vue.
Dieux ! quels combats dans ton ame éperdue !
Deux sentimens t'agitent tour-à-tour,
Mais tu finis par céder à l'amour.
Avec Renaud ta voix enchanteresse
De tes plaisirs chante la douce ivresse....
Ce court bonheur va te fuir sans retour.
Que dis-je ? il est expié par tes larmes.
Renaud te laisse en proie au désespoir.
Comment sitôt abandonner tes charmes,
Et pour jamais renoncer à te voir ?
Mais le Public, qui te reste fidèle,
Emerveillé de tes brillans succès,
De l'art en toi présageant le modèle,
Y voit l'honneur de l'Opéra français.
5 représentations en 1789 (04/01 – 26/02).
12 représentations en 1790 (13/03 – 02/12).
10 représentations en 1791 (02/01 – 03/07).
17 représentations en 1793 (06/09 – 18/12).
23 représentations en 1794 (03/01 – 10/07).
1 représentation en 1799 (31/12).
19 représentations en 1800 (03/01 – 06/11).
3 représentations en 1801 (04/02 – 04/06).
13 représentations en 1802 (15/06 – 24/10).
10 représentations en 1803 (02/01 – 20/09).
4 représentations en 1805 (08/02 – 08/10).
10 représentations en 1811 12/06 – 06/12).
6 représentations en 1812 (03/01 – 17/07).
15 représentations en 1813 (29/01 – 19/12).
7 représentations en 1814 (11/02 – 18/11).
4 représentations en 1815 (07/03 – 11/08).
159 représentations de 1789 à 1815.
Total général, selon la Bibliothèque musicale du théâtre de l’Opéra, tome 1, p. 292.
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