Arvire et Évélina, Tragédie lyrique en trois actes, de Guillard, musique de feu Sacchini et de Rey, 29 avril 1788. Paris, Delormel, in-4°.
Opéra
Almanach des Muses 1789
Sujet fondé sur un fait historique, & qui a été traité en Angleterre par M. Mason, sous le titre de Caractacus.
Poëme qui a remporté un prix au concours de 1787. Des scènes intéressantes.
Très-belle musique. Le troisième acte est de M. Rey, Directeur de l'Orchestre de l'Opéra.
Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, Etc., tome 15 [Paris, Garnier frères, 1881], p. 254-255 :
Le sujet d'Arvire et Évélina est tiré de la tragédie anglaise de Caractacus, de M. William Mason, donnée à Londres en 1776. Caractacus fut un des rois qui gouvernaient I'Angleterre lors de la conquète des Romains ; ce roi résista plusieurs années aux plus grands capitaines de I'empereur Claude ; il fut enfin vaincu par Ostorius, sa femme fut prise et emmenée captive a Rome, et Caractacus se sauva parmi les druides, dans I'île de Mona, où il échappa longtemps aux recherches du vainqueur ; mais enfin il fut trahi par une reine de Brigante ou de Lenox, secrètement alliée des Romains : Elfrida se servit de ses fils pour découvrir et livrer ce malheureux roi a ses ennemis. Ils le conduisirent k Rome, où sa fermeté lui concilia la bienveillance de l'empereur Claude, qui le combla de présents et le renvoya dans ses États. Cet extrait d'un avertissement que M. Guillard a mis en tête de son poëme nous a paru nécessaire pour jeter quelque jour sur une action dont on aurait, sans ce secours, beaucoup de peine à démêler I'exposition.
Le succès de cet ouvrage n'a point répondu à l'attente générale ; l'action en a paru froide. Il était difficile que ce fait historique pût intéresser sur le théâtre de I'Opéra, il paraît même presque impossible qu'une trahison, qui n'est pas produite et justifiée en quelque sorte par une grande passion, puisse intéresser sur aucun théâtre. Telle est cependant celle de Vellinus, qui, sans autre motif pour ainsi dire que celui d'obéir aux ordres d'un général étranger, ne balance pas un instant à se prêter aux plus vils mensonges pour découvrir et livrer un vieillard malheureux aux ennemis de son pays. La vertu d'Irvin ne peut guère intéresser davantage, parce qu'on le voit y manquer, y revenir ensuite avec une facilité qui annonce trop un prince sans caractère, défaut qui ne réussit pas mieux sur la scène qu'ailleurs. Quant au vieux Arvire, on le connait trop peu et il agit trop peu par lui-même et pour lui-même pour qu'on s'intéresse à lui. Le rôle d'Évélina, si on en excepte la scène où elle ramène Irvin aux sentiments d'honneur qui font armer ce prince pour elle et pour son père, ce rôle même n'est pas plus attachant que les autres. C'est cette absence d'intérêt qui a nui le plus essentiellement au succès du poëme.
La musique a paru digne du grand maître à qui nous devons tant de chefs-d'œuvre ; peut-être même est-ce un des ouvrages où il a déployé le plus de force et de vigueur. Les morceaux que M. Rey a ajoutés à cette composition, quoique très-loin sans doute du charme et de la suavité qui distinguaient si éminemment le talent de Sacchini, ont paru du moins supportables, et c'est un assez grand éloge. Ce musicien a eu le bon esprit de terminer I'opéra par un quintette entièrement parodié de Sacchini, et cette attention lui a fait pardonner tout ce qu'il était impossible qu'il ne laissât pas à désirer dans les trois scènes de l'ouvrage qui lui appartiennent.
La pièce à l'opéra :
Joué 3 fois en 1788, 11 fois en 1789, 8 fois en 1790, 1 fois en 1791.
Cinq reprises de 1797 à 1811 (1797, 1801, 1803, 1809, 1811). Au total, 78 représentations de 1789 à 1811 pour une pièce jouée presque chaque année de 1797 à 1811.
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