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Aspasie

Aspasie, Opéra, en trois actes, de Morel, musique de M. Grétry, représenté le 17 Mars 1789. Paris, Delormel, in-4°.

Académie royale de Musique.

Titre

Aspasie

Genre

opéra

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

vers

Musique :

oui

Date de création :

17 mars 1789

Théâtre :

Opéra

Auteur(s) des paroles :

M. Morel

Compositeur(s) :

M. Grétry

Chorégraphe(s) :

M. Pierre Gardel

Almanach des Muses 1790

Intrigue légère, qui n'est qu'un cadre pour amener des fêtes & des ballets.

Spectacle très-brillant.

Mercure de France, n° 13 du 28 mars 1789, p. 178-181 :

[Après l’indication du lieu, de la date et du nom des auteurs (librettiste, puis compositeur, dans cet ordre, en omettant le chorégraphe), un court paragraphe constate, et excuse, la minceur du sujet : l’opéra est fait pour « amener des Fêtes agréables, variées, & le spectacle le plus brillant ». Le critique analyse ensuite, acte par acte une intrigue amoureuse effectivement bien mince et peu vraisemblable. La pièce connaît le succès : après une première où il a été contesté, le succès n’a cessé d’être éclatant (on sait que les premières sont des épreuves redoutables, et que la réaction du public n’est pas toujours très spontanée...). Le livret n’est pas parfait, l’écriture en est perfectible. Certains personnages ont un caractère bien dessiné, la musique de ballet, considérée comme « l’objet principal » est remarquable, comme certains airs, où on reconnaît la patte du maître. Jugement très positif aussi sur les ballets, œuvre de Gardel, gage de qualité, et sur la pantomime qui termine l’acte 2 : et pourtant la pantomime, « Art trop cultivé en France », est « déjà un peu épuisé[e] ».]

ACADÉM1E ROYALE DE MUSIQUE.

Le Mardi 17 de ce mois, on a donné la première représentation d'Aspasie, Opéra en trois Actes, paroles de M. Morel, musique de M. Grétry.

L'intrigue en est légère, ainsi que l'Auteur l'avoue lui-même ; mais elle est très suffisante pour un Ouvrage Lyrique, qui ne peut jamais admettre de développement, & dont le but est d'amener des Fêtes agréables , variées, & le spectacle le plus brillant : nous allons donner une courte analyse de cette Pièce.

La première scène représente le Lycée d'Athènes ; l'Auteur a eu l'idée ingénieuse de copier le Tableau si connu & si superbe de Raphaël. Les Philosophes Anaxagore & Zénon sont au milieu de leurs Disciples ; d'un autre côté, on voit Anacréon entouré de jeunes Filles d'Athènes ; plus loin, aux pieds de la statue de Vénus, sont Aristophane & Phidias. Après une invocation au Dieu des Arts & de l'Harmonie, mêlée des leçons que donnent chacun de ces Philosophes, d'après leur caractère, Hipparette, jeune Athénienne, vient leur demander des conseils sur l'art de fixer un Amant. Cette Hipparette doit recevoir pour époux Alcibiade, qu'elle adore, & qu'on regarde comme le soutien de l'Etat. Anacréon lui conseille d'imiter Aspasie, dont tous les Philosophes célèbrent à l'envi les graces, l'esprit & les talens. Aristophane les accuse d'en être amoureux, il les raille sur ce penchant qui s'accorde si mal avec leurs principes, & leur apprend qu'Alcibiade, qui vient d'être couronné aux Jeux Olympiques par cette Belle, en est aussi passionnément épris que tendrement aimé. Cette nouvelle est un coup de foudre pour Hipparette, elle s'évanouit. Aspasie arrive, elle espère retrouver dans les leçons de la Philosophie, le calme que son cœur a perdu. On force l'entrée du Temple ; c'est Alcibiade qui, ne pouvant plus vivre sans Aspasie, la poursuit jusque dans ce lieu sacré. La résistance de cette Héroïne, les reprimandes des Philosophes, & l'ardeur impétueuse d'Alcibiade , forment un morceau de musique par lequel l'Acte est terminé.

Dans le second, Aristophane retrace à ce jeune homme ses devoirs, & lui rappelle ses premiers engagemens, mais sans parvenir à triompher de ce cœur trop plein d'Aspasie. Il exécute un autre projet , il conseille à Hipparette de s'adresser à Aspasie elle-même, pour l'engager à renonce r à son Amant. La scène où Hipparette fait cette proposition délicate, est filée avec adresse & intérêt. Ce triomphe sur son propre cœur est cruel pour Aspasie ; mais il est digne de la noblesse de son ame, & elle parvient à l'obtenir. Elle a une scène avec Alcibiade, qui prépare le dénoue ment, quoiqu'elle ne semble promettre à ce jeune Héros qu'un rendez-vous au Temple de Vénus & l'aveu le plus flatteur. L'Acte finit par une Orgie en l'honneur de Bacchus.

Dans le troisième, Aristophane, qui voudroit éloigner les Philosophes d'Aspasie,se plaît à les tourmenter par les traits de son caractère satirique. Aspasie les met tous d'accord, en appréciant leurs talens divers. On voit le Temple de Vénus ; Hipparette sous l'habit de cette Déesse, & environnée de toute la Jeunesse Athénienne, se cache derrière un rideau si-tôt qu'Alcibiade paroît. Ce jeune Amant adresse d'abord ses vœux à la belle Aspasie ; mais elle exige qu'il jure d'être fidèle à ses premiers sermens ; elle lui nomme Hipparette, & la lui fait voir dans tout son éclat : cette vue rallume dans le cœur d'Alcibiade une passion mal éteinte, & le rappelle au devoir.

Cet Ouvrage, principalement fait pour amener des Fêtes & du Spectacle, comme nous l'avons dit, a eu à la première représentation, un succès contesté ; mais il s'est relevé avec éclat dès la seconde. On a reproché de la négligence à l'Auteur des paroles, parce qu'en effet ce sujet paroissoit susceptible de tous les charmes de style, mais on auroit dû distinguer quelques morceaux écrits avec soin. Le caractère d'Aspasie & celui d'Aristophane nous paroissent mériter des éloges. La musique des Ballets est très variée & très-piquante, & dans cet Ouvrage, elle doit être regardée comme l'objet principal. Plusieurs Airs, & notamment un Trio du 2e. Acte, ont obtenu de grands applaudissemens. On reconnoît dans la plupart la touche élégante & spirituelle de ce Maître. Les Ballets, qui sont tous de la composition de M. Gardel, sont délicieux. Celui du 1er. Acte, pendant que l'on chante l'Air, Que ces tableaux sont charmans, offre en effet une suite de tableaux les plus variés & les plus piquans. Celui du 2e. Acte, l'Orgie de Bacchus, présente une scène & un site tout-à-fait pittoresques , animés, de la manière la plus ingénieuse par différens groupes de Danseurs. La Pantomime qui le termine est pleine d'intérêt & parfaitement exécutée. M. Gardel a trouvé le secret de produire des effets neufs dans un Art trop cultivé en France , pour n'être pas déjà un peu épuisé.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome V (mai 1789), p. 340-344 :

[La pièce a réussi, et le critique le reconnaît, même s’il multiplie conseils et mises en garde.]

OPÉRA.

Le mardi 17 mars, on a donné la premiere représentation d'Aspasie, opéra en trois actes, paroles de M Morel, musique de M. Grétry,

On ne doit regarder le sujet d'Aspasie, tel qu'il est traité dans cet opéra, que comme un cadre heureux dans lequel on peut multiplier les fêtes & les prolonger, pour ainsi dire, à volonté. L'intrigue en est légere, & les caracteres des principaux personnages y sont seulement indiqués.

Aspasie, fameuse courtisane, brilloit à Athenes autant par les charmes de son esprit & de ses talens que par sa beauté & ses graces. Elle est choisie pour donner la couronne au vainqueur dans les jeux olympiques. Le jeune Alcibiade, l'espoir de la Grece & promis à Hipparette, fille d'un des principaux citoyens d'Athene, obtient la victoire. Frappé de la beauté d'Aspasie, à laquelle il est présenté, il en devient amoureux, & cette belle courtisane ne résiste pas elle-même aux graces du héros. Hipparette, instruite de I'infidélité de son amant, ne sachant comment le ramener, est conseillée par Aristophane de s'adresser à Aspasie elle-même. La jeune Grecque, par la naïveté de son récit, par la franchise de sa démarche & par les louanges qu'elle prodigue à sa rivale, parvient à intéresser la générosité d'Aspasie, qui , jalouse d'ailleurs d'obtenir le suffrage universel, se détermine à faire le sacrifice de son amour.

Alcibiade reçoit la couronne des mains d'Aspasie pendant la célébration de la fête de Bacchus qui termine le second acte.

Aspasie promet à Alcibiade de couronner son amour dans le temple qu'elle doit consacrer à Vénus. Le jour même Alcibiade se présente ; l'autel est caché derriere un rideau. Aspasie lui demande s'il est prêt de jurer d'être fidele à celle dont il est aimé. Alcibiade fait le serment. Le rideau se leve. On voit Hipparette sur l'autel en habit de Vénus. Alcibiade revient facilement à son premier amour, & la piece se termine par l'inauguration de la statue.

La scene se passe d'abord dans le lycée d'Athenes & en présence du peuple, des philosophes Zenon, Anaxagore , Anacréon & leurs disciples, & du poëte Aristophane. Anacréon, fidele à son systême, enseigne les amours & les jeux ; les autres, plus séveres dans leurs discours & plus réservés, sont épris des charmes de la belle Aspasie, & lui donnent des conseils intéressés qui sont relevés avec plus ou moins de malignité par Aristophane.

L'auteur, M. Morel , déja connu avantageusement par des succès dans ce genre, n'ayant eu en vue, comme il l'annonce lui-même dans un avertissement imprimé à la tête de son ouvrage, que de faire concourir à la pompe & à la splendeur du spectacle, la poésie, la musique, la danse & la peinture, a parfaitement rempli sa tâche. La premiere décoration met en action le fameux tableau de Raphaël, représentant le lycée d'Athènes. La premiere fête est celle d'Apollon, la seconde celle de Bacchus, & la derniere la fête de Vénus. Ces trois fêtes offrent des tableaux variés & des décorations analogues, dont l’exécution fait le plus grand honneur aux artistes qui en sont chargés. On ne peut se figurer en effet rien de plus pompeux & de plus séduisant dans les arts que le concours de la jeunesse athénienne, superbement vêtue, célébrant des jeux publics en l'honneur d'Apollon, de Bacchus & de Vénus, sous les yeux des autres peuples de la Grece.

Le mérite de M. Grétry, auteur de la musique, est tellement reconnu, que nous nous dispenserons de tout éloge. Les rôles d'Anacréon & d'Arislophane sont pleins de graces & de facilité : le caractere d'Aspasie est bien prononcé. La scene, entre Aspasie & Hipparette, scene principale de cet opéra, est parfaitement conduite & modulée avec intérêt. Plusieurs chœurs ont excité de grands applaudissemens, & les airs de danse, qui sont très-nombreux, ont paru plaire généralement. Cependant, malgré tous ces avantages, la piece a éprouvé, à la premiere représentation, beaucoup de momens de langueur, & plusieurs scenes des deux derniers actes ont excité de grands murmures. Le mécontentement a commencé à se manifester d'une maniere bruyante à la scene où Hipparette vient se confier à Aspasie elle-même ; mais aux représentations suivantes, ce spectacle a été généralement applaudi, au moyen de corrections heureuses.

Ce qui nous paroît plus difficile à exécuter, c'est de jetter plus d'intérêt sur le rôle des philosophes. Nous pensons que le comique des situations où ils se trouvent n'est pas senti, parce que l'auteur des paroles n'a pas répandu assez de gaîté dans la coupe du dialogue, & qu'il n'a pas donné aux plaisanteries d'Aristophane autant de finesse & de mordant qu'on est en droit de l'attendre de ce personnage.

Il est également malheureux que le compositeur n'ait pas saisi, pendant le cours des derniers actes, comme il l'a fait dans le premier, quelques momens dans les scenes des philosophes pour animer la partie comique. Ces morceaux auroient vivifié la totalité de l'ouvrage.

On a entendu avec plaisir le retour du jeu de l'ouverture, sur laquelle le dernier ballet se termine. M. Grétry en a donné le premier exemple dans l'opéra de Panurge Il seroit peut-être à désirer que cet exemple fût suivi, puisque le public semble rejetter le genre des chaconnes, qui, auparavant, pouvoient seules terminer une fête avec chaleur : d'ailleurs cela forceroit les compositeurs à mettre de la variété dans les ouvertures, & à les travailler avec soin.

D'après le détail qui précéde on voit que les fêtes sont, pour ainsi dire, le principal objet de cet opéra : il étoit d'autant plus important qu'elles fussent bien composées & bien exécutées ; elles sont toutes de la composition de M. Gardel, & font le plus grand honneur à son talent : à l'exception de celle de Bacchus , à laquelle on paroît reprocher trop de symmétrie, toutes sont parfaitement dans le style qui convient à leur objet. On a applaudi avec transport la grace, la noblesse & la variété des tableaux formés par les grouppes exécutés dans le lycée pour la fête d'Apollon. L'expression vive d'Aristrophane, qui rend compte de l'effet que ces tableaux produisent sur ses sens, rend ce moment d'autant plus intéressant. La pantomime qui termine le spectacle est pleine d'intérêt & parfaitement exécutée. M. Gardel a trouvé le secret de produire des effets neufs dans un art trop cultivé en France, pour n'être pas déja un peu épuisé.

(Mercure de France ; Journal de Paris.)

Panurge dans l'Isle des lanternes, opéra de Morel de Chédeville, musique de Grétry, créé le 25 janvier 1785, repris sur le Théâtre des Arts le 4 germinal an 4 [24 mars 1796]

Félix Clément et Pierre Larousse, Dictionnaire lyrique ou Histoire des opéras, 1876-1881, p. 59 :

Aspasie, opéra en trois actes, paroles de Morel, musique de Grétry, représenté à l'Opéra, le 17 mars 1789. Cette partition, qui n'a pas été gravée, n'est plus connue aujourd'hui que par le duo resté longtemps célèbre : Donne-la-moi, dans nos adieux.

Dans la base César, quinze représentations, du 17 mars 1789 au 4 août 1789.

Carrière à l'Opéra :

14 représentations en 1789 (17/03 – 04/08) (et non pas 15, comme indiqué dans Chronopéra : le 26 avril, le Journal de l’Opéra indique une représentation d’Orphée et Eurydice, et non d’Aspasie)

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