Astolphe et Alba, ou A quoi tient la faveur,

Astolphe et Alba, ou A quoi tient la faveur, opéra en deux actes, de Ségur jeune. musique de Tarchi, 21 vendémiaire an 11 [13 octobre 1802].

Théâtre de l'Opéra Comique, rue Favart.

Titre :

Astolphe et Alba, ou A quoi tient la faveur

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

21 vendémiaire an 11 [13 octobre 1802]

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique, rue Favart

Auteur(s) des paroles :

Ségur jeune

Compositeur(s) :

Tarchi

Almanach des Muses 1804

Un tuteur, une pupille, un amant, un déguisement, une reconnaissance, un mariage ; …. une chûte.

Courrier des spectacles, n° 2043 du 21 vendémiaire an 11 [13 octobre 1802], p. 2 :

[Le compte rendu commence par des propos polémiques : en France, impossible de faire réussir un opéra s'il n'a pas un bon poème (alors que les opéras italiens peuvent réussir malgré « un poëme foible ». La première représentation s'est mal passée : après un début calme, lors du deuxième acte, le public a montré son impatience, et la pièce est allé « à peine », c'est-à-dire avec peine au dénouement. Le critique résume ensuite l'intrigue, effectivement assez surprenante, avec un oiseau de proie qui cause la perte de son maître, une jeune femme qui se déguise pour rejoindre son amant, et une rivale qui convainc celui qu'elle a su séduire de revenir à ses premières amours. Le critique parle de rire empêchant de suivre l'intrigue, avant de dire tout le mal qu'il pense du dénouement de la pièce nouvelle, mauvaise imitation d'une pièce bien meilleure : « ni caractères, ni scènes, ni situations » et style faible lui aussi. Seule la musique trouve grâce à ses yeux. Et s'il a été possible d'aller au bout de l'opéra, il faut en féliciter les interprètes (qui sont en effet les grandes vedettes de l'Opéra-Comique).]

Théâtre de l'Opéra-Comique, rue Feydeau.

Première représentation d'Astolphe et Alba.

Le succès de cette pièce est une nouvelle preuve qu’un poëme foible et sans intérêt sera mal accueilli des Français, malgré la plus jolie musique, malgré le jeu des acteurs.

Le premier acte a été entendu patiemment, parce qu’on attendoit quelques situations neuves et piquantes au second. Ce dernier n’ayant point répondu à l’espoir du public, a été sifflé, et la pièce a été à peine jusqu’au dénouement.

Astolphe, amant d’Alba, et possesseur d’un superbe autour, oiseau de proie, a été appelé à la cour du duc de Ferrare, grand chasseur, qui l’a comblé d’honneurs et l’a fait son favori. Alba laissée dans son village par Astolphe, et sachant qu’il destine à Fabio son frère une place de page auprès du Duc, prend le costume de ce frère, et se présente ainsi aux yeux de son amant que la chasse a conduit jusques dans les lieux où elle réside.

Accompagnée de son père, elle arrive à Ferrare, et là elle voit Astolphe prodiguer ses hommages à Clara, jeune personne d’une naissance illustre. Cependant l’autour qui avoit fait la fortune d’Astolphe, a disparu, et le prince qui accuse son favori de la fuite de cet oiseau, lui ôte sa protection. . . .

Ici les éclats de rire ont tellement troublé la représentation que nous n’avons pu suivre la pièce. Nous avons remarqué seulement qu’Astolphe aussi-tôt qu’il apprend la disparition de son autour et sa propre disgrâce, retombe subitement amoureux de sa chère Alba, que Clara qui a appris le malheur d’Astolphe et l’amour de la malheureuse Alba, engage Astolphe à reprendre sa première chaîne, et qu’Alba amenée par son père sous son véritable costume , est unie à son amant.

Ce n’étoit pas la peine d’imiter si mal le dénouement de Claudine de Florian. Il n’y a dans Astolphe et Alba ni caractères, ni scènes, ni situations, le style n’en est pas des plus forts ; la musique seule où il y a de belles choses, a soutenu l’ouvrage. On y a reconnu une touche pure, délicate, et des morceaux dignes de nos grands maîtres. Mais la pièce étoit froide, la plus belle musique ne pouvoit l’animer.

Si cet opéra a été jusqu’à la fin, les auteurs ont bien des grâces à rendre aux cit. Elleviou, Solié et à mesdames Saint-Aubin et Philis aînée ; on peut dire qu’ils n’ont rien négligé pour coopérer au succès de l’ouvrage.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, huitième année, tome III (an XI-1802), p. 258 :

[Chute inattendue, malgré des interprètes de choix et l’abondance des costumes pour la cantatrice. Et pourtant ! tout était prêt pour répondre au succès... Intéressant de voir comment on pouvait anticiper l’impression des affiches avec le nom des auteurs, qu’on ne donne pourtant qu’en cas de demande du public.

Théâtre Feydeau.

Astolphe et Alba, ou A quoi tient la faveur.

Les auteurs n'ont pas été heureux ce mois-ci.

Astolphe et Alba, opéra en deux actes, est tombé tout-à-fait, le 21 vendémiaire, quoiqu'il fût joué par Elleviou, Solié et M.me Saint-Aubin, et quoique cette dernière changeât quatre fois de costume dans la pièce. On étoit cependant si sûr du succès, que l'on avoit donné d'avance à l’imprimeur, les noms des auteurs, et qu'on avoit annoncé sur l'affiche du lendemain, que la pièce étoit du C. Ségur jeune, et la musique du C. Tarchi.

Mercure de France, tome dixième (an XI), n° LXVIII (24 Vendémiaire an 11), p. 174-177 :

[La pièce est mauvaise, et elle est tombée. Jusque là, rien d’étonnant. L’intérêt de ce compte rendu est ailleurs : dans tout ce qu’il dit de l’atmosphère d’une représentation manquée : « parterre en goguettes », chasse aux « fausses prétentions », aux applications possibles (et quand on cherche, on trouve). La pièce est en retard sur son temps : « Il y a douze ans que le parterre aurait trouvé très-philosophiques et la nullité du duc de Ferrare, et les petites réflexions sur les petites intrigues, et la grande morale sur les dangers de l'ambition ». Autres éléments notables : le comportement des dames dans les loges : elles devaient savoir qui étaient les auteurs pour manifester avec tant d’ardeur leur enthousiasme (une claque peu commune ?) ; le comportement des acteurs et des musiciens, qui n’ont pas à s’applaudir, ou à applaudir le compositeur (« Autrefois le public n’aurait pas souffert cela ; ou plutôt les acteurs ne l’auraient pas osé »). Mlle Philis a également droit à des conseils concernant son attitude quand elle chante : qu’elle lève la tête, tout le monde pourra l’entendre !]

Théâtre Feydeau

Astolfe et Alba, ou à quoi tient la faveur ! dernier opéra donné à ce spectacle, n'a point eu de succès. La prétention philosophique qui se trouve dans le second titre, annonçait suffisamment que la pièce serait ennuyeuse ; en effet, c'est son défaut capital.

Astolfe, élevé par un oncle d'Alba, au moment d'unir son sort à cette jeune personne, est rencontré par un duc de Ferrare, que l'auteur n'a point produit sur la scène, parce qu'il l'a fait plus bête qu'il n'appartient à aucun souverain de l'être. Ce duc de Ferrare aime la chasse. Astolfe avait élevé un autour qui chassait fort bien, et cet oiseau devient la source de sa fortune. Astolfe va à la cour, est fait capitaine des chasses, pousse l'ambition jusqu'à l'espoir d'être créé intendant de la maison du duc, et, tout enivré de son sort, il oublie sa maîtresse. Cet oubli dure depuis cinq ans, lorsque la pièce commence, et nous montre dans Alba une espèce de folle qui adore toujours son amant, quoiqu'elle ne le pleure plus faute d'avoir encore des larmes à verser : ses extravagances sentimentales ont excité la pitié des paysans, ce qui n'étonne pas, car elle est hors de toute mesure et de toute bienséance. Une chasse amène Astolfe près des lieux habités par sa maîtresse. Quoiqu'il ne l'aime plus, il l'aime encore ; quoiqu'il ait oublié les bienfaits de celui qui l'a élevé, il s'en souvient toujours ; aussi il parle tout bas de son amour, et propose tout haut une place de page pour le frère de sa belle. La place est acceptée, et c'est Alba elle-même qui, en habit de garçon, va suivre son infidèle. Une belle dame de la cour de Ferrare est mêlée dans tout cela; ses mœurs paraissent un peu équivoques, et son ton paraît encore plus hasardé que ses mœurs. On soupçonne que ses complaisances lui donnent de l'empire sur le duc, et qu'elle voudrait faire un sot d'Astolfe, assez disposé à s'y prêter.

Le second acte se passe à la cour de Ferrare, toujours sans que le duc s'y montre. Alba, qui était folle, devient intrigante ; elle tourne la tête de la belle dame, fait condamner le projet d'une fête arrangée par son infidèle, donne la clef des champs à l'autour, source de sa fortune, et la faveur qu'il avait obtenu par cette source, s'envole avec l'oiseau. Le duc ordonne à son capitaine des chasses de retourner à sa première vocation. Dans ce moment, Alba reparaît sous les habits de son sexe. Quelle reconnaissance ! son amant qui l'avait abandonnée lorsqu'elle était ingénue, l'épouse lorsqu'elle a fait preuve de folie et d'esprit d'intrigue, ce qui est très-moral et très-rassurant pour l'avenir.

Le public a voulu se procurer par lui-même une gaîté qu'il ne trouvait pas dans la pièce ; rien n'est plus français. Le parterre en goguettes est plus aimable que lorsqu'il siffle ; rire des fausses prétentions, est la plus sûre manière de les corriger. Chaque fois qu'il se présentait une application, elle était saisie ; chaque fois sur-tout qu'il était question du malheureux autour, les éclats partaient de tous les points de la salle ; il est devenu la source de beaucoup de bruit. Il y a douze ans que le parterre aurait trouvé très-philosophiques et la nullité du duc de Ferrare, et les petites réflexions sur les petites intrigues, et la grande morale sur les dangers de l'ambition ; mais l'ambition d'être intendant paraît aujourd'hui bien ridicule à un peuple qui a vu des milliers d'hommes partir de plus loin qu'Astolfe, pour arriver à la prétention et presqu'à la possibilité de bouleverser le monde.

On n'a point demandé les auteurs. Il faut que le poète ou le musicien soit quelqu'un de bien comme il faut, car la plupart des loges paraissaient dans la confidence d'un succès prévu, et jamais je n'ai vu plus de femmes se jetter en avant pour montrer qu'elles applaudissaient. Ce qu'on ne voit encore qu'en France, et ce qu'on n'y voit que depuis la révolution, c'est...... aurai-je le courage de le dire ? oh !-non, je serais un objet de scandale, si je remarquais qu'il est indécent que les acteurs du théâtre où l'on joue une pièce nouvelle, se mettent en évidence, et applaudissent toujours les premiers et les derniers. Autrefois le public n'aurait pas souffert cela ; ou plutôt les acteurs ne l'auraient pas osé. Autrefois encore l'orchestre ne se permettait pas d'applaudir parce que les instrumens sont faits pour servir les intentions du compositeur, et non pour témoigner en sa faveur. Pour peu que cela continue, il n'y aura plus que les spectateurs payans qui ne diront pas ce qu'ils pensent.

La musique a presque le même défaut que les paroles, elle ennuie, et, pour la première fois, le parterre a sifflé un trio qui ne finissait pas. Les connaisseurs ont pu s'appercevoir que le musicien sait fort bien son métier comme compositeur ; il a seulement oublié de calculer la patience du public. Le parterre n'a pas gâté les acteurs : il faut lui en faire compliment.

Si un seul chanteur pouvait soutenir deux actes sans gaîté et sans intérêt, l'auteur aurait dû son succès à Elleviou. Mlle. Philis, qui chante très-bien aussi, a le défaut de ne pas vouloir s'adresser aux secondes loges ; elle baisse sa voix et sa tête vers le parterre, et ne laisse arriver dans le haut de la salle que des roulades, charmantes sans doute, mais dont on ne peut apprécier le mérite, quand on n'entend ni ce qui les précède, ni ce qui les suit. Elle chanterait pour tout le monde, si son maintien était plus noble, ou du moins plus assuré.

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 141, la pièce a eu 1 seule représentation.

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