L'Artiste patriote, ou la Vente des biens nationaux

L'Artiste patriote, ou la Vente des biens nationaux, comédie en cinq actes et en vers, de Dupuis de Bresse, 1er août 1791.

Théâtre français, comique et lyrique.

Titre :

Artiste patriote (l’), ou la Vente des biens nationaux

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

1er août 1791

Théâtre :

Théâtre français, comique et lyrique

Auteur(s) des paroles :

M. Du puis de Bresse

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Gueffier, 1791 :

L’Artiste patriote, ou la Vente des biens nationaux, comédie en cinq actes et en vers, Par M. Dupuis de Bourg-en-Bresse. Représentée pour la première fois à Paris, le premier Août, l’an troisième de la liberté.

Avant le texte de la pièce, une « Épitre dédicatoire à Thérèse :

        Qu'un autre vende à la richesse,
        Et son hommage et son encens,
        Et qu'il célèbre avec bassesse,
        Les sots, les rois, et les tyrans.
Moi, qui ne sent pour eux qu'une haine mortelle,
Qui méprise leur or, leurs titres et leurs rangs,
Je vais offrir mes vers aux vertus, aux talens.

Thérèse, des vertus vous êtes le modèle,
Vous avez mille attraits, qui captivent mes sens,
Thérèse, c'est à vous que j'offre mon hommage,
        Et que je consacre mes chants.
        Daignez recevoir mon ouvrage,
        Je l'embellis de votre nom.

        Ah ! si mon trop faible crayon
        Pouvait y tracer votre image,
Combien je le rendrais intéressant et beau !
Mais vous seule pouvez tracer votre tableau.
Quoique très-jeune encor dans l'art divin d'Appelles,
Vous sûtes acquérir de la célébrité.
L'amour qui vous chérit, vous a prêté ses aîles,
Pour arriver plutôt à l'immortalité.

Le Mercure universel et Correspondance nationale du 3 août 1791 (tome 5, n° 156, p. 47) annonce cet Artiste patriote ou la Vente des biens sous le titre de la Vente des Biens nationaux. Il promet un article pour le lendemain. Et il a tenu sa promesse

Mercure universel et correspondance nationale, tome 6, n° 156, du mercredi 3 août 1791, p. 47 :

Theatre François, Comique et Lyrique.

C’est une idée tout-à-la-fois neuve, piquante, patriotique et constitutionnelle, que celle de vendre des biens nationaux sur le théâtre. Cette conception a produit une comédie en 5 actes et en vers , intitulée la Vente des biens nationaux. Nous en parlerons demain.

Mercure universel et correspondance nationale, tome 6, n° 157, du jeudi 4 août 1791, p. 47 :

[L'article commence par un long plaidoyer du journaliste pour la liberté de critiquer les spectacles de second ordre (grands théâtres « ci-devant privilégiés » contre « théâtres subalternes ». Il revendique le droit de faire une large place à des œuvres morales jouées sur des scènes secondaires, plutôt que de se limiter à un répertoire consacré joué sur quelques scènes seulement. Ce début d'article est tout à fait original. Il revendique la liberté de parcourir des chemins inexplorés. En ce temps de révolution, temps de régénération, de liberté et de création. Ce n'est qu'après l'exposé de ce programme qu'il entreprend de parler de la pièce nouvelle, dont il résume l'intrigue, un combat entre un patriote et des partisans de l'ancien monde, qui veulent empêcher l'apparition d'une ère nouvelle. Les tenants de l'ancien régime sont qualifiés d« aristocrates forcénés », d'presseurs du peuple. La pièce est l'œuvre d'un tout jeune homme, et elle « respire l'amour du bien, de la paix, de la liberté ». Son héros est un jeune poète, qui récite un poème patriotique, provoquant la rage des suppôts de l'Église. Ses ennemis le provoquent en duel, mais il réussit à les vaincre et à sauver ainsi M. de Ferville, le bon patriote, et sa fille, parce qu'il faut bien qu'il y ait un mariage dans une pièce. Un seul petit reproche, la présence d'un « caractère épisodique », un personnage de vieille dame noble peu utile à l'action. L'auteur montre autant le cœur de l'auteur que son esprit, même si « des critiques pourront y trouver de la déclamation, des longueurs, des redites, ». Le journaliste se refuse pour sa part à critiquer une pièce au « patriotisme aussi pur ».Les acteurs principaux sont félicités, et l'article finit par une incitation aux directeurs de spectacles de province à faire jouer la pièce, preuve de « leur zèle pour le bien public » et promesse de succès.]

Theatre François Comique et Lyrique.

Quelques personnes, accoutumées, sans doute, à la routine des journalistes qui se renferment dans le cercle étroit des théâtres ci-devant privilégiés, s’étonneront peut-être de nous voir sortir de la ligne de démarcation tracée par un préjugé aveugle, pour parler quelquefois des bons ouvrages joués aux théâtres subalternes Nous leur demanderons d’abord laquelle des deux analyses est plus intéressante pour le public et plus utile aux progrès de l’art, de celle d’une très-mauvaise pièce, souvent dangereuse pour les mœurs, jouée sur ce qu’on appelloit un grand spectacle, ou bien de celle d’une bonne pièce, qui respire la vertu, jouée sur un théâtre que ceux qui se croyent grands appellent petit. Ensuite nous leur observerons que le devoir d’un journaliste éclairé n'embrasse pas seulement la nomenclature froide et stérile de quelques pièces jouées sur quelques théâtres, mais encore l’histoire du théâtre en lui-même, du progrès de l’art et de ses périodes ; sur-tout lorsque la révolution, qui régénère tout, embrasse le génie, électrise les âmes, et trace des routes nouvelles ; il en est mille pour plaire, il ne faut que les trouver, c’est alors que le journaliste, ami des arts, doit appui, secours à ceux dont la hardiesse fouille cette mine épuisable. Souvent un léger encouragement a produit des hommes. Pénétrés de ces principes, nous commençons l’extrait de la comédie intitulée la Vente des biens nationaux, ou l'Artiste patriote, en cinq actes et en vers, jouée hier au théâtre français, comique et lyrique.

Elle respire l’amour du bien, de la paix, de la liberté...... et c’est un jeune homme de 21 ans qui l’a faite.... M. Dupuis.

La scène se passe à la campagne, près d’une petite ville. M. de Ferville, excellent patriote, se propose d’acquérir des biens nationaux pour 200 mille livres ; le hasard veut qu’ils forment partie des bénéfices d'un certain Monseigneur, évêque sanguinaire, qu’un comte de Vernon, ami de Ferville, amène chez lui pour le détourner de faire cette acquisition, et l’impliquer dans les trâmes odieuses que ces aristocrates forcénés [sic] ourdissent pour saccager le canton, afin d’apprendre au peuple à respecter le saint siège et Dieu. Mais, à la lecture d’une pièce de vers patriotiques de Henry, jeune citoyen, peintre et poëte tout à la fois, leur courroux éclate ; ils lèvent le masque et se montrent tels qu’ils sont, c’est-à-dire, vils et méprisables : M de Ferville les fait chasser ignominieusement...... Mais un prêtre ne pardonne jamais, M. le comte de Vernan envoie un cartel à Henry, il s'v rend ; c’est une trahison, afin d’engager un massacre, et d’y envelopper tous les patriotes ; mais Henry, aidé des gardes nationales, parvient à dissiper ces brigands titrés, et à sauver M. de Ferville et son aimable fille, qui devient le prix de son amour et de ses ser vices.

Nous passons sous silence un caractère épisodique ; c’est une vieille comtesse qui se plaint du tort que la révolution fait à l’amour, et de ce qu'on ne se jette plus à ses pieds

Tel est le canevas de cette pièce, où brille le génie poétique, l'amour de la vertu, et sur-tout celui de la patrie.

Cet ouvrage fait autant d’honneur au cœur de M. Dupuis qu’à son esprit. Des critiques pourront y trouver de la déclamation, des longueurs, des redites, mais nous les défions de n’y pas trouver le sceau du talent. D’ailleurs nous faisons notre profession de foi, et avouons franchement que lorsqu’un patriotisme aussi pur caractérise une production, la plume nous tombe des mains pour la critiquer.

MM. Desprès et Leroi développent la plus grande intelligence, le premier dans le rôle de Henry, le second dans celui de l'évêque.

Nous croyons que cette pièce doit produire beaucoup d’effet en province. Les directeurs de spectacles qui l’y feront jouer, signaleront leur zèle pour le bien public, et peuvent espérer un succès soutenu.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 10 (octobre 1791), p. 334-335 :

[Le compliment le plus fort qu’on puisse faire à cette pièce, c’est qu’elle est patriotique. Sinon, elle a rencontré le succès, et elle l’a mérité par sa versification, « élégante, facile; bien coupée. Par contre l’action « nous a paru moins soignée que les vers », et « le fond n’est pas d’un comique très fort ». Mais l’auteur a l’excuse de la jeunesse, et son âge, 21 ans, peut servir d’excuse...]

THÉATRE FRANÇOIS, COMIQUE & LYRIQUE.

Le lundi premier août, on a donné, avec succès, la premiere représentation de l'Artiste patriote, ou la vente des biens nationaux , comédie en cinq actes & en vers, par M. Dupuis de Bresse.

Clerville, homme riche & bienfaisant, a chez lui un jeune artiste, nommé Henry, qui est son ami & l'amant discret de sa fille, dont il est instituteur. Un comte de Vermont, ancien ami de Clerville, vient pour ménager quelques soulevemens dans le pays, avec un évêque dont l'abbaye doit être vendue ce jour-là même. Ils ont, en commun, un valet, espece de Scapin dont ils se servent, l'évêque pour prêcher le peuple, & le comte pour se battre. Ils arrivent chez Clerville, sur le zele duquel ils comptent pour le succès de leurs manœuvres : mais Clerville, de la meilleure foi du monde, les accable par les transports de son enthousiasme patriotique. Il leur présente, avec emphase, les tableaux de son ami représentant le serment du jeu de paume, la prise de la Bastille, la fédération, &c. &c. Les deux monseigneurs dissimulent, & se proposent même d'emprunter de l'argent au patriote Clerville, pour payer la horde qui doit ravager ses terres & tout le pays. Mais dans le 3e. acte, leur emportement les trahit, & un domestique de la maison que leur valet capitaine & prédicateur a essayé de pratiquer, dévoile leurs complots. Ils sont rudoyés & éconduits. Le peintre, qui ne les a pas ménagés, reçoit un cartel : au-lieu du rendez-vous, il est assailli par des assassins. Revenu victorieux, une alarme générale le rappelle au combat ; à la tête des citoyens, il repousse les brigands, & sauve la vie à Clerville. La piece se termine par le mariage de Henry avec la fille de celui-ci, à la grande surprise de la vieille sœur de Clerville, qui, durant toute la piece, s'obstine à se croire adorée de Henry. Ses méprises, à ce sujet, forment des incidens piquans, mais connus au théatre.

L'auteur de cette piece, jeune homme de 21 ans, peintre & poëte lui même, comme Henry, a été demandé & accueilli avec de vifs applaudissemens. Sa versification est élégante, facile, bien coupée ; nous l'engageons à prononcer & à serrer avec plus de force l'action qui nous a paru moins soignée que les vers. Le fond n'est pas d'un comique très-fort.

On doit des éloges aux directeurs de ce théatre de présenter ainsi au public des pieces patriotiques ; la décoration d'ailleurs est jolie & bien entendue. Les acteurs ont joué avec intérêt.

D’après la base César, la pièce d’Amable-Joseph Dupuis a eu 12 représentations, du 1er août au 10 octobre 1791.  Il arrive que le titre et le sous-titre soient inversés : la Vente des biens ou l'Artiste patriote, et que le mot nationaux précise la nature des biens en vente.

Ajouter un commentaire

Anti-spam