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L'Avide Héritier, ou l'Héritier sans héritage

L'Avide Héritier, ou l'Héritier sans héritage, comédie en trois actes et en prose, de Jouy, 2 avril 1807.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Avide Héritier (l’), ou l'Héritier sans héritage

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

en prose

Musique :

non

Date de création :

2 avril 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Jouy

Almanach des Muses 1808.

Dorfil a un oncle et une tante dont il convoite la succession. Sa tante est assez bien disposée en sa faveur, et se montre sensible à ses soins. Mais son oncle sait qu'il n'est qu'un intrigant, et est décidé à ne rien lui laisser. Ila cependant, par suite des bonnes graces de sa tante, l'espoir d'épouser Victorine, niece de celle-ci, qui, par malheur pour lui, aime une jeune homme, nommé Césanne. Le hasard veut qu'au moment où il est deshérité par son oncle, son parrain meure, et lui laisse, à défaut d'héritiers légitimes, huit cent mille francs. Il les offre à Victorine ; mais par malheur encore son parrain avait un légitime héritier dans son rival, dans Césanne, à qui il se voit forcé de céder et le legs de son parrain, et la main de sa prétendue.

De l'esprit, des détails agréables ; un rôle de valet très piquant ; pas assez d'intérêt.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Antoine-Augustin Renouard, 1807 :

L'Avide héritier, comédie en trois actes, par V. Jouy ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de l'Impératrice, le 12 avril 1807.

Courrier des spectacles, n° 3905 du 3 avril 1807, p. 2 :

[Le compte rendu commence par l'énumération des torts de l'auteur : sujet pas original, trois pièces en une (chaque acte est indépendant), « aucun personnage intéressant (sa pièce est soporifique). L'auteur est cependant un homme d'esprit, comme le montre le rôle d'un valet aussi inutile que spirituel. Mais ses saillies ont le grand tort de porter « sur des objets dont on n’a guères coutume de rire ». L'analyse de la pièce se fait donc acte par acte, un acte chez la tante, un acte chez l'oncle, un acte dans la maison dont l'héritier croit avoir hérité. Chacun de ces actes est centré sur la tentative de l'héritier de s'emparer de la richesse de ses vieux parents, sans y parvenir d'abord, puis en héritant enfin de son parrain, jusqu'à ce qu'apparaisse le véritable héritier de ce parrain, qui lui souffle l'héritage, et la nièce de la tante, qu'il comptait bien épouser. Tout tourne dans la pièce autour de ces questions d'héritage, et la pièce n'a pas passionné le public, qui a laissé nommer l'auteur, dont certains ont dit qu'il avait voulu faire une farce à son public (un 2 avril...) en l'ennuyant à ce point.]

Théâtre de l'Impératrice.

L'Avide Héritier, ou l'Heritier sans héritage.

L’auteur a eu un premier tort, celui de traiter un sujet déjà traité avec succès. Il a eu un second tort, celui de faire trois pièces au lieu d'une ; car chaque acte est une pièce complette. Il a eu un troisième tort, celui de n’offrir aucun personnage intéressant, et de porter son auditoire au sommeil, dans un tems où la Gazette de Santé nous assure que les affections soporeuses sont devenues presque épidémiques ; mais malgré tous ses torts, on reconnoît de tems en tems l’homme d'esprit. Le rôle du Valet est conçu d’une manière piquante ; son action est presque nulle, mais ses discours sont fréquemment animé par des saillies spirituelles. On desireroit seulement qu’elles ne portassent pas sur des objets dont on n’a guères coutume de rire. Voici à-peu-près de quelle maniere la- pièce est conçue :

Un homme nommé Dorfil a deux vieux parens, une tante et un oncle dont il est héritier. Il attend avidement leur succession, et n’épargne aucun soin pour se faire porter largement sur leur testament. Il commence- d’abord par l’Oncle, parce qu’il croit qu’il mourra le premier ; mais le bonhomme résistant à tout l’art des médecins, il reporte ses attentions à sa Tante, dans l’espoir qu’elle précédera l’oncle. Le premier acte se passe chez la Tante. Il s’empare si bien de son esprit, qu’elle conçoit pour lui la plus vive affection. Comme elle a une nièce nommée Victorine, elle forme le projet de la donner en mariage à Dorfil ; mais cette jeune nièce a un amant nomme Sézanne, qu’elle préfère, comme de raison. Après une longue suite d’assiduités, Dorfil se lasse, et retourne chez Durfort, son oncle, pour s’assurer s’il ne seroit pas disposé à mourir un peu plutôt que la Tante.

Le second acte se passe chez cet Oncle. Celui-ci est d’un caractère tout opposé à la Tante ; il sait que Dorfil n’est qu’un intrigant, il contrefait le malade pour le mettre à l’épreuve ; il fait venir sa sœur pour la désabuser sur le comte de Dorfil ; il fait son testament, et ne laisse rien à son neveu. Mais la scène change tout-à-coup ; un parein de Dorfil meurt, et laisse à son filleul une succession de 800,000 fr. à défaut d’héritiers légitimes. Dorfil aussi hypocrite qu’avide, offre cette fortune à Victorine,. et la quitte pour aller prendre possession de son hôtel.

Le troisième acte se passe dans cet hôtel ; on y voit encore des notaires, on y voit un avocat, des hommes en deuil, avec des pleureuses ; on parle d’apposition et reconnoissance de scellés, etc. ; et l’on découvre enfin que le parrein Verneuil a un héritier légitime, et que cet héritier est Sezanne lui-même. Dorfil se retire eu gémissant, et Sezanne épouse Victorine.

Cette pièce a été entendue avec beaucoup d’indulgence et dans un calme profond. Après la représentation, quelques voix ont demandé l’auteur, et l’on a prononcé dans le même calme le nom de M, Jouy. Quelques malins prétendoieut que M. Jouy avoit assez d’esprit pour amuser son auditoire, mais qu’il avoit voulu lui donner un poisson d’avril.

Les Quatre saisons du Parnasse, troisième année, été 1807, p. 322-323 :

[La pièce de Jouy est présentée comme ayant reçu un accueil contrasté : si le début a été applaudi, la fin a été sifflée. Il faut dire que le critique montre qu’elle n’a pas une intrigue unique, mais deux, et il n’a pas l'air d’apprécier le dénouement.]

THÉÂTRE DE L'IMPÉRATRICE.

L'AVIDE HÉRITIER, ou L'HÉRITIER SANS HÉRITAGE, COMÉDIE EN TROIS ACTES ET EN PROSE, DE M. JOUY.

Cette pièce a obtenu des critiques et des éloges. Un jeune homme s'attache à une vieille tante et la brouille avec son frère dans l'espoir de se faire coucher seul par elle sur son testament. Par malheur pour lui la tante a une pupille fort aimable, la pupille a un amant, et tous deux se réunissent pour duper l'avide héritier. On lui fait croire que son oncle est au lit de mort; il abandonne sa tante pour aller le faire tester. On amène la tante chez son frère ; on les raccommode pendant l'absence du neveu en montrant que lui seul les a brouillés par ses intrigues ; et lorsqu'il revient avec son notaire, il trouve oncle et tante en bonne santé, et se voit éconduit par l'un et par l'autre. La pièce finiroit, si, dans ce même moment, notre neveu n'apprenoit qu'il vient d'hériter réellement d'un oncle mort en Amérique, qui lui laisse huit cent mille francs. Cette seconde pièce, qui commence au troisième acte de la première, se dénoue fort simplement. La succession de l'oncle américain se trouve devoir douze cent mille francs au rival de son neveu; et comme il ne l'a point acceptée sous bénéfice d'inventaire , il demeure créancier de quatre cent mille francs envers le susdit rival. Le premier acte de cet ouvrage a été applaudi, et le second souffert ; mais on a sifflé le troisième.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 12e année, 1807, deuxième trimestre, tome VI (juin 1807), p. 278-281 :

[Le sujet, traité au même moment par deux auteurs, est considéré ici comme « si triste », et le rappel de pièces antérieures d’auteurs prestigieux, en montre la difficulté. Le compte rendu passe d’ailleurs d’une pièce à l’autre sans qu’on les distingue très bien. Si l’avide héritier a connu le succès, le coureur d’héritages paraît bien moins bien loti, et le critique est moins tendre envers lui. Le compte rendu s’achève par un éloge du directeur du théâtre, Picard, qui a organisé une représentation en faveur d’un acteur qui s’est donné la mort.]

Lorsque l'avide Héritier, de M. Jouy, parut au théâtre de l'impératrice, on apprit qu'un autre auteur avait traité le même sujet, sous un titre à peu près semblable ; et que le Coureur d'héritages succéderait bientôt au même théâtre à l'avide Héritier. On s'étonna qu'un sujet si triste, que toute la gaîté de Regnard, son style libre, facile et piquant font à peine pardonner, eût paru favorable à deux auteurs, et eût fourni la matière de plusieurs actes. Molière n'y avait trouvé qu'une scène ; mais aussi elle est frappante de vérité, et effrayante de comique : le grand maître l'a tracée rapidement, et ne s'y est point arrêté. Les auteurs modernes ont cru pouvoir développer ce que Molière avait indiqué par un de ces traits qui décèlent le génie.

Les représentations de l'avide Héritier se sont succédées [sic] avec rapidité et avec succès : on y a reconnu une conception assez hardie, du comique dans les situations, et de l'originalité dans le dialogue. Le nouvel auteur, celui du Coureur d Héritages, a imaginé une action plus simple, mais aussi beaucoup plus vide et souvent languissante : il place entre le frère et la sœur, l'un veuf, l'autre célibataire, et tous deux riches, un parent éloigné qui convoite leur héritage et l'attend pour prix de ses complaisances éternelles, et des flatteries dont il rend tour-à-tour l'objet, la vieille sœur qu'il cajole et le frère dont il attend le testament. A cet intrigant, l'auteur oppose un jeune médecin plein de talent et de droiture, que l'amour et l'amitié conduisent dans la maison. L'un cherche à plaire, à séduire, à corrompre ; l'autre seulement à servir, et à intéresser : l'auteur a tiré de ce fonds, deux situations qui sont loin d'être neuves au théâtre, mais qui auraient pu faire plaisir si elles eussent été plus habilement traitées : dans la première, il est forcé de sonder son rival sur ses dispositions, sur ses prétentions, sur son amour, et de lui promettre son appui ; dans la seconde, persuadé qu'il fait dresser un testament, c'est un contrat de mariage que va lui faire signer une femme prête

D'immoler à l'amour soixante ans d'innocence.

Ces deux situations sont plaisantes en elles-mêmes, mais l'auteur n'a pas assez habilement manié le dialogue : rien ne peut excuser l'erreur mutuelle des personnages : le quiproquo n'a pas de vraisemblance, et le public qui est tout-à-fait dans la confidence, trouve que les personnages s'abusent trop facilement sur le sens des paroles qui n'en ont évidemment qu'un.

Cet ouvrage est écrit en vers, et c'est son principal mérite : ces vers ont en général un tour facile, de la correction et de la pureté ; mais l'antithèse y domine, et la sorte de symétrie qu'elle entraîne après elle, lorsqu'elle est trop fréquemment employée, est dans la pièce, et sur-tout dans le premier acte, une tache sensible. On a applaudi beaucoup de vers très-bien tournés, quoiqu'ils eussent ce défaut, et d'autres d'un assez bon comique de situation et d'une expression libre et franche : ces derniers sont en petit nombre ; mais ils ont été remarqués par le public avec une bonne foi et une impartialité qui serait un grand moyen d'émulation pour les auteurs, s'ils consentaient d'y voir une garantie toujours sûre pour eux, quand leurs écrits sont avoués par le goût et dus à une heureuse inspiration.

La pièce a été bien jouée, et le sera bien mieux aux représentations suivantes, par Vigny, Perroud et Valville, Mmes. Léger et Pélissier, etc. L'auteur est M. Justin.

Une bonne action vaut mieux qu'un bon ouvrage.

M. Picard vient d'étendre le sens de ce vers en faisant servir de bons ouvrages à une bonne action ; il a donné une représentation au profit de la veuve d'un ancien comédien (Beaulieu), beaucoup moins distingué par un talent original que par un caractère estimable, lequel, victime de circonstances malheureuses, a eu le tort affreux d'y chercher un remède dans un suicide. L'assemblée était assez nombreuse, et une partie des vœux que l'infortuné faisait pour sa famille en quittant la vie, s'est réalisée par les soins généreux de M. Picard : l'exemple qu'il donne fera le reste.            S....

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