L'Avis aux mères, ou les Deux fêtes, comédie en un acte, en vers, par M. Dupaty ; 14 janvier 1813.
Théâtre Français.
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Titre :
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Avis aux mères (l’), ou les Deux fêtes
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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14 janvier 1813
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Théâtre :
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Théâtre Français
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Auteur(s) des paroles :
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Dupaty
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Almanach des Muses 1814.
Mme de Derlon et Mme de Mérinval, jeunes veuves, et mères, l'une d'une fille, l'autre d'un fils, sont liées, depuis leur enfance, de la plus étroite amitié. Mme de Derlon est une folle aimant la dépense et le plaisir ; Mme de Mérinval est une femme économe et sensée. Il est question de les fêter toutes deux le même jour ; les préparatifs se font, et le jeune homme, la jeune personne, se voient, se promettent une soirée charmante, lorsque Mme de Derlon apprend la perte d'un procès qui lui enlève sa fortune. Cet événement l'accable, la porte aux plus tristes réflexions, aux plus humilians aveux, sur sa dissipation, vis-à-vis de sa fille même. Son amie, par bonheur, vient à son secours, et hâte le mariage des jeunes gens, pour qui l'exemple de Mme de Derlon doit être une bonne et profitable leçon.
Beaucoup d'esprit, des vers heureux, des traits piquans ; mélange, peut-être extraordinaire, dans un pareil ouvrage, du rire et des larmes.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome I, p. 175-176 :
[De cette pièce à succès, le critique ne dit pas grand chose : que c’est une image exacte d’un certain milieu social (dont il condamne implicitement les mœurs), que c’est peu de chose (« peu d'intrigue, mais de jolies scènes, de très-jolis vers, un rôle d'ingénue charmant », et que ce peu permet « un succès brillant ». D’autres critiques sont plus prolixes.]
THÉATRE FRANÇAIS.
L’Avis aux Mères, ou les deux Fêtes, comédie en un acte et en vers, jouée le 14 janvier 1813.
Cette petite comédie est un tableau assez vrai de ce qui se passe dans certaines maisons, où le luxe le plus effréné est voisin d'une chûte totale, et où l'on donne des fêtes la veille du jour où l'on doit aire banqueroute.
Il y a peu d'intrigue, mais de jolies scènes, de très-jolis vers, un rôle d'ingénue charmant, et joué par Mademoiselle Mars, comme elle joue tous ses rôles. En voilà plus qu'il ne falloit pour un succès brillant.
L'auteur, M. Dupaty, a été nommé au milieu des applaudissemens.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1813, tome II (Février 1813), p. 282-288 :
[Le compte rendu de l’Avis aux mères est particulièrement riche, et d’un intérêt exceptionnel. Un court paragraphe suffit à dire l’essentiel : un bouquet de compliments sur la qualité de l'œuvre, esprit, écriture, peinture des mœurs, sur le succès. Puis le critique entreprend l’analyse minutieuse de la pièce. L’intrigue est fondée sur l’opposition de deux mères, l’une frivole (et l’image donnée de la frivolité de ce temps est bien mise en valeur), l’autre, sérieuse et pleine de bon sens. Il s’agit bien sûr de marier la fille de l’une avec le fils de l’autre – et le critique s’étonne d’ailleurs que la femme « sérieuse » consente à ce mariage (« donner son fils à une jeune étourdie qui promet de renouveller toutes les folies de sa mère ») – . Pour célébrer l’anniversaire des deux femmes, La femme sensée sollicite un ami poète, chargé de célébrer son amie frivole et sa fille qui ne l’est pas moins. L’mai entreprend de la dissuader de marier son fils dans une telle famille – et le critique pense que ce n’est pas dans une comédie qu’on peut placer ce genre de propos moralisateurs (au théâtre, ce qui importe, c’est « le mouvement et l'action ») : il faut que la morale « sorte du fonds même du sujet », et ce n’est pas le cas ici. Le rebondissement, dans ce monde insouciant, vient de la situation financière d ela femme frivole, dont les « folles dépenses » sont en train de provoquer la ruine. Quand arrive l’huissier, la mère veut donner une leçon salutaire à sa fille, ce qui fait pleurer tout le monde – et le critique, sans s’opposer un mélange du rire et des larmes, souhaiterait que ce mélange soit moins frappant, qu’il y ait « assez d'intervalle pour en adoucir le contraste », au nom de la nécessaire harmonie qui doit régner entre « les situations, les caractères, le style ». Or la « conversion » de la frivole « n’est pas assez préparée ». Le dénouement se devine : la sage aide la frivole de sa fortune, et « s'empresse d'unir ensemble les deux jeunes amans », tout le monde profitant de la rude leçon reçue. Après ce compte rendu partisan, le critique entreprend de montrer (beaucoup plus rapidement) qualités et défauts de la pièce : elle n’est pas très originale (situations, caractères, dénouement, le style est un peu trop recherché ; mais elle est pleine d’esprit. Il suffira de quelques retranchements pour améliorer encore la pièce. L’auteur est présenté comme débutant sur le Théâtre Français : il devrait y connaître de grands succès, à condition « d'appliquer son talent à des compositions plus fortes ». Pour finir, l’interprétation : elle est excellente, tout le monde étant féliicté, sauf Armand qui devrait adopter « un costume plus grave, un débit moins évaporé », plus proche de son personnage.]
L'Avis aux Mères, ou les deux Fêtes.
C'est un ouvrage écrit avec beaucoup d'esprit, d'élégance et de facilité, semé de vers heureux, de traits agréables et piquans, animé par des peintures de mœurs vives, fidèles et bien choisies ; c'est une production telle qu'on pouvait l'attendre de M. Emmanuel Dupaty, qui en est l'auteur. La représentation a eu le plus grand succès.
Deux femmes jeunes encore, veuves l'une et l'autre, et mères, l'une d'un fils, l'autre d'une fille à-peu-prés du même âge, sont, depuis leur enfance, unies par la plus tendre amitié; mais elles ont un caractère et des goûts fort différens. Mme. de Derlon (si toutefois c'est là son véritable nom ; mais le nom ne fait rien à l'affaire), légère et coquette, se plait dans toutes les jouissances du luxe, de la dissipation et des frivolités du grand monde ; elle a des chevaux, des équipages ; elle aime à se faire remarquer par l'élégance de ses manières, la richesse et l'éclat de ses fêtes. Elle a fait élever sa fille dans un de ces pensionnats si follement recherchés de nos jours, où l'on donne tout aux arts d'agrément, rien aux connaissances utiles ; où l'on apprend aux jeunes personnes à rivaliser de graces, de talent et de parure, jamais à rivaliser de qualités et de vertus ; où l'on enseigne tout, excepté ce qu'il faudrait enseigner. Julie arrive de cette maison, l'esprit plein d'idées fausses et romanesques, convaincue que rien au monde n'égale la musique et la danse ; que le suprême mérite d'une femme consiste à faire les honneurs d'un salon, à donner des fêtes, à briller dans un cercle, à éblouir les yeux par le faste et la magnificence ; déjà elle se forge une félicité sans bornes. Elle sait qu'on se dispose â la marier, et son cœur ne se sent pas d'aise. Armand, qu'elle a vu, est charmant ; elle sera maîtresse, elle n'aura de lois que ses caprices et ses volontés ; son mari s'empressera de satisfaire tous ses désirs ; il ne sera plus question dans le monde que d'elle et de sa mère ; car sa mère est citée partout, c'est le modèle du goût et de l'élégance.
C'est au milieu de ces extravagances que se prépare la double fête qu'on doit donner aux deux amies ; car elles sont nées le même jour, elles habitent la même maison, et quoique fort opposées d'habitudes et d'inclinations, elles aiment souvent à se réunir. Mme. de Merinval sent tous les travers de Mme. de Derlon ; mais elle est elle-même si disposée à l'indulgence, qu'elle lui pardonne tout, et voit même avec intérêt le projet d'hymen qui doit unir les deux familles. Tout cela pourra bien ne pas paraître vraisemblable. Comment concevoir qu'une femme de bon sens consente à donner son fils à une jeune étourdie qui promet de renouveller toutes les folies de sa mère ? Mais ce défaut est racheté par l'agrément des détails, et surtout par quelques traits de morale qui ont été fort applaudis.
Dans une fête, il faut un poète. Quelle est la petite maîtresse, la financière ou la bourgeoise qui n'ait pour sa fête son Tibulle tout prêt ? Mais qui fera les vers ? Mme. de Merinval se charge d'y pourvoir : elle a pour ami un homme d'un cœur noble et d'un esprit délicat (M. de Mericourt) qui se plaît à chanter le mérite et la beauté. Elle s'adresse à lui et lui demande des vers, non pas pour elle, mais pour sou amie, pour la fille de son amie.
Quand on est poëte, rien de plus facile que de chanter les personnes qui nous inspirent ;; mais que faire quand on n'est point inspiré ni pour Mme. de Derlon, ni pour sa fille ; il représente à Mme. de Merinval, qu'il n'est pas de ces poètes mercenaires toujours prêts à flatter la richesse et la puissance. Il lui fait de justes observations sur ses liaisons avec Mme. de Derlon, et les dangers de l'alliance qu'elle projette.
Rien, assurément, n'est plus respectable que la morale ; mais dans une pièce de théâtre, il faut qu'elle sorte du fonds même du sujet ; on n'aime point les personnages qui n'arrivent que pour prêcher : un des grands défauts des ouvrages du dernier siècle, c'est ce goût des sentences et des sermons philosophiques qui s'était introduit dans les tragédies et dans les comédies. La première qualité d'une pièce de théâtre est le mouvement et l'action : tout ce qui les retarde est de trop. Mericourt est un personnage épisodique qui semble n'avoir été amené que pour débiter de belles maximes. Son prône a paru un peu long, et ses traits contre les poëtes de société, un peu trop nombreux : il ne faut pas s'armer de pied en cap pour combattre des pygmées.
Malgré les observations de Mericourt, les préparatifs de la fête ne se continuent pas moins activement. Les deux amans se voient, se félicitent mutuellement de leur bonheur, se promettent une soirée ravissante, lorsque tout-à-coup la scène change.
Depuis quelque temps, Mme. de Derlon n'était pas sans inquiétude ; ses folles dépenses lui avaient fait contracter des dettes : elle avait à soutenir un procès grave dont la perte pouvait entraîner sa ruine ; elle en attendait l'issue avec la plus grande anxiété. Tout-à-coup une lettre arrive ; c'est un coup de foudre : le procès est perdu. Une saisie est ordonnée jusqu'à la concurrence de dix mille écus, et Mme. de Derlon est sans argent. Dans cette cruelle situation, des réflexions tardives arrivent ; toutes les folies passées de Mme. de Derlon se présentent à sa pensée ; elle est effrayée et du présent et de l'avenir ; elle a fait et son propre malheur et celui de sa fille : cette fille a été élevée dans les plus mauvais principes ; elle se précipite dans toutes les erreurs qui ont fait le malheur de sa mère. Plus de ressources, plus d'espérances. Elle pleure, elle s'accuse, elle veut au moins, dans cette cruelle extrémité, donner une leçon à sa fille. Un huissier arrive pour procéder à la saisie ; elle appelle sa fille pour qu'elle soit témoin du dernier affront. Elle lui en apprend les causes ; elle fait devant elle les plus humilians aveux : les larmes de la fille se mêlent à celles de la mère, et la situation prend tout-à-fait la couleur du drame.
Ce mélange du rire et des larmes, du touchant et du comique, n'est pas rare sur notre théâtre ; mais il a besoin d'être ménagé habilement. Dans une pièce en cinq actes, on peut mettre entre ces diverses nuances assez d'intervalle pour en adoucir le contraste ; on n'a pas la même ressource dans une pièce en un acte. L'art exige un accord extrême dans toutes les parties : les situations, les caractères, le style, tout doit être dans une harmonie parfaite. Mme. de Derlon change trop tôt de caractère ; sa conversion n'est pas assez préparée : il faut laisser à la grâce le temps d'agir ; aussi ses douleurs ont-elles produit peu d'effet ; et la partie comique a été beaucoup mieux accueillie que la partie touchante et pathétique.
Ou imagine bien que Mme. de Merinval n'abandonne point son amie dans la crise horrible où elle se trouve. Elle vole à son secours, elle lui offre toute sa fortune, et touchée de ses gémissemens et de son repentir, elle s'empresse d'unir ensemble les deux jeunes amans, qu'une si bonne leçon ne peut manquer d'affermir dans les voies de la sagesse.
Il y a beaucoup de mérite et des défauts assez graves dans cet ouvrage. On désirerait plus d'invention et d'originalité dans les situations, les caractères et le dénouement. Le style, quoique généralement pur, facile, élégant, n'est pas toujours exempt de recherche et de prétention. M. Dupaty a beaucoup d'esprit ; quand on est aussi bien servi par la nature, on a tort de vouloir être plus riche. Le goût lui indiquera quelques retranchemens à faire. Les lectures de société trompent les auteurs ; la représentation les éclaire : et M. Dupaty a l'œil trop judicieux et trop exercé pour avoir besoin d'autres conseils que des siens.
C'est je crois, la première fois que sa muse se produit sur le Théâtre-Français. Ce début est du plus heureux augure ; l'auteur paraît appellé à des succès plus grands, il ne s'agit que d'appliquer son talent à des compositions plus fortes.
La pièce est très-bien jouée. Mlle. Mars est charmante dans le rôle de la jeune pensionnaire. Mlle. Leverd, qui a pris un rôle de mère, le joue avec beaucoup d'intérêt ; Fleury est agréable, spirituel et piquant dans le rôle de Mericourt. Quoique la nature ne semble point avoir appellé Mlle. Mézeray au genre sentimental et larmoyant, elle rend d'une manière touchante les douleurs de Mme. de Derlon. Thénard est fort gai dans ses saillies de valet ; un rôle d'huissier, rempli par Baptiste cadet, a beaucoup amusé le parterre. On aurait désiré dans Armand un costume plus grave, un débit moins évaporé, plus assorti, enfin, au personnage qu'il représente.
D’après la base la Grange de la Comédie Française, l’Avis aux mères, ou les deux Fêtes, comédie en un acte en vers de Louis-Emmanuel-Félicité-Charles Mercier Dupaty a été créé le 14 janvier 1813. Il a connu 9 représentations, toutes en 1813.
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