Les Artistes, pièce en quatre actes et en vers, de J. F. Collin-Harleville. 19 brumaire an 5 [9 novembre 1796].
Théâtre de la République
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Titre :
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Les Artistes
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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19 brumaire an 5 [9 novembre 1796]
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Théâtre :
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Théâtre de la République
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Auteur(s) des paroles :
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J. F. Collin d’Harleville
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Almanach des Muses 1798.
A la première représentation, un accueil assez équivoque : aux représentations suivantes, du succès, l'action étant plus resserrée ; plus de succès encore à la lecture.
Une intrigue assez mince, et peu de comique : des tableaux délicieux ; des détails remplis de graces et de la plus aimable facilité. On voit qu'ils sont tous sortis de l'ame de l'auteur : car pour exprimer ainsi le charme des lettres et des arts, il faut en être soi-même bien pénétré. Point d'envie, point de satyres, point de passions haineuses ; mais l'amitié la plus franche et la plus pure entre un peintre, un poète et un musicien, tous trois jeunes, tous trois enthousiastes de leur art. Le beau rôle est ici pour le peintre. Il se nomme Armand ; il est amoureux et pauvre. Le musicien, qui est riche, est plus hardi par conséquent ; il demande assez brusquement en mariage la voisine de son ami, sans se douter que celle-ci est secrètement aimé ; il le presse même de le servir auprès d'Emilie. C'est une jolie veuve qui, depuis quelque temps, apprend à graver, pour rendre par le burin un des meilleurs tableaux du jeune peintre. On découvre à la fin cette occupation chérie, et l'on apporte son ouvrage, qui, comme de raison, est un vrai chef-d'œuvre. Dans le même instant, on vient annoncer qu'Armand, qui a concouru pour le prix, l'a remporté. Son père, bon fermier, est arrivé le jour même ; il vouloit absolument le ramener à la charrue : il finit par approuver les goûts de son fils et son union avec Emilie.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez L. C. Villeflose, an 5, 1797 :
Les Artistes, pièce en quatre actes et en vers, par J. F. Collin-Harleville. Représentée, pour la première fois, à Paris, le 19 brumaire, l'an cinq, (9 Novembre 1796).
. . . . De la vie humaine égayant le chemin,
Marchent tous à la gloire, en se donnant la main.
Les Artistes, acte III, scène première.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 2e année, 1796, tome IV, p. 395-397 :
[Quand un grand auteur fait jouer une pièce qui ne réussit pas, que faire ? Le critique commence son article en exprimant sa déception : la pièce ne répond pas à ce qui était attendu. Puis vient le résumé de l’intrigue. Le jugement porté sur l’ouvrage est sévère : la pièce, dont l’idée est pourtant jugée intéressante, ne répond pas à ce qu’on attend d’une pièce de Colin d’Harleville, « on n’y trouve point ce mordant comique qui attache et qui plaît ». La cause invoquée, le fait que « « Colin d’Harleville semble toujours se peindre lui-même dans chacun de ses personnages », ce qui fait qu’on ne trouve que des personnages positifs, et qu’il n’y ait pas d’opposition entre eux. Une opposition nécessaire entre bons et méchants : il faut exposer le vice « dans sa honteuse nudité ». Le milieu des artistes est riche en intrigues et en ridicules, les peindre aurait conduit au succès. Son ouvrage, déjà réduit en quatre actes, pourrait être encore ramené à trois, en se centrant sur Armand et Emilie. Cet échec est dommageable : la pièce, qui est pleine de détails charmants, aurait donné une leçon utile à des gens qui en ont bien besoin, et qu’en l’état elle ne peut séduire. De l’interprétation, le critique de retient qu’un acteur. Tant pis pour les autres...]
Un de nos littérateurs les plus estimable et les plus distingués, le citoyen Colin.d'Harleville, vient de donner deux grands ouvrages,mais non pas avec un égal succès, et même sans obtenir pour aucuns d'eux ces applaudissemens universels qui ont été !e juste tribu [sic] payé à toutes ses autres productions.
Le premier de ces ouvrages est intitulé les Artistes, comédie en cinq actes; jouée au théâtre de la Republique. On espéroit voir des artistes de tous les genres mis en scène ; mais il s'est borné à quatre, un poëte, un peintre, un riche amateur qui cultive tous les arts, et qui réussit principalement dans celui de la musique, enfin un graveur.
Armand, jeune peintre annonçant un grand talent, est logé près d'une aimable veuve pour laquelle il a pris de l'amour ; il enseigne la peinture à son jeune frère ; Armand est l'ami de Dorval, poëte dramatique qui a déja obtenu plusieurs succès, et de Sinclair, homme riche, qui réunit à un intérieur intéressant, aux qualités les plus aimables, le goût ou plutôt la passion des arts ; il est lui-même excellent musicien-compositeur. Ces trois amis n'eut qu'un sentiment, qu'une même manière de voir ; ils forment une société charmante. Armand a fait confidence à Dorval de son amour pour Emilie, mais n'en a rien dit à Sinclair ; celui-ci est touché de sa vertu, de sa beauté ; il apprend qu'elle n'est pas aussi riche qu'elle est digne de l'être ; il lui veut offrir sa fortune et sa main, 'et il prie Armand de la lui rendre favorable. Armand, l’ame déchirée, ne fait rien connoître à ses amis,et veut assurer le bonheur d'Emilie, en la décidant à ce mariage ; mais Emilie partage les sentimens d'Armand, elle l'aime et cet amour social l'a fait réussir dans un art pour lequel elle avoit déjà quelques dispositions : elle a appris à graver d'un maître nommé Hubert, personnage ridicule par sa vanité, et qui préfère la gravure à la peinture. Emilie a emprunte à Armand un de ses plus beaux tableaux, dans lequel, ayant pris pour sujet le retour deTobie, il a peint les mouvemens de la tendresse filiale et paternelle ; mais c'est un secret. Hubert, fier d'avoir formé une telle écolière, a gardé une épreuve de la gravure et Sinclair, instruit par Dorval des sentimens d'Armand, dévoile, pour servir cet ami si cher, l’amour d’Emilie, en montrant cette gravure, qu’il tient d’Hubert. Dans le moment, Dorval vient annoncer à Armand qu’il a remporté le grand prix de peinture. Armand, heureux par les arts, l'amour et l’amitié, épouse Emilie. Son vieux père, respectable fermier, qui étoit venu pour le ramener aux champs, comprend alors l’excellence d’un art dont il méconnoissoit le mérite, et serre des liens qui doivent faire le bonheur de son fils.
L’idée de ce drame est intéressante ; mais on n’y trouve point ce mordant comique qui attache et qui plaît. Malheureusement, le citoyen Colin d’Harleville semble toujours se peindre lui-même dans chacun de ses personnages ; il ne leur donne que des qualités, des talens et des vertus, mais cela ne produit point d’opposition. Molière aimoit sans doute aussi la vertu ; mais pour faire haïr le vice, il l’exposoit dans sa honteuse nudité, et il châtioit en riant les ridicules. Si le citoyen Colin nous eût montré, dans ses artistes, les intrigues de la médiocrité jalouse contre la supériorité des talens, les ridicules de la vanité ; s’il eût présenté les scènes variées qui pouvoient naître de son sujet, il auroit eu un succès plus décidé. Il n’a produit qu’un drame qu’il a réduit en quatre actes, mais qu’il faudroit encore resserrer en trois. On verroit alors avec plaisir non les artistes, mais Armand et Emilie. Sa prose renferme, d’ailleurs, des détails charmans, et les amis des bonnes mœurs doivent regretter qu’un ouvrage fait pour inspirer d’aussi bons sentimens, dont la représentation seroit si utile, ne puisse pas attirer précisément ceux qui auroient le plus besoin d’y venir chercher des leçons.
Le citoyen Damas a fait preuve d’un vrai talent dans le rôle de Sinclair.
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