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Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande
Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande, tragédie d'Antoine-Marin Lemierre, 30 juin 1790.
Théâtre de la Nation.
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Titre :
Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande
Genre
tragédie
Nombre d'actes :
5
Vers / prose ?
vers
Musique :
non
Date de création :
30 juin 1790
Théâtre :
Théâtre de la Nation
Auteur(s) des paroles :
Antoine-Marin Lemierre
Almanach des Muses 1792
Pièce long-temps proscrite par l'ancien gouvernement.
Sujet qui réunit le mérite de la simplicité à un grand exemple d'héroïsme patriotique.
Le terme de la trève entre l'Espagne et la Hollande est sur le point d'expirer. Il ne tient qu'aux Provinces-Unies de la renouveller, et elles y sont intéressées, puisqu'elles en ont besoin pour achever de reprendre des forces après les secousses d'une longue et pénible révolution. C'est l'avis de Barnevelt, Grand-pensionnaire, et l'objet de toute sa politique : mais cette politique contredit les vues du Stathouder Maurice de Nassau, que la guerre seule peut servir. Maurice, en conséquence, traverse de tout son pouvoir les vues de Barnevelt, et exécute le hardi projet de le faire conduire en prison. Ne pouvant l'ébranler par la crainte, il le fait accuser d'une prétendue intelligence avec les ennemis de la République. Barnevelt est condamné : mais son supplice même est son triomphe ; la trève avec l'Espagne est prolongée comme il l'avoit desiré, et l'ambitieux Nassau qui a commis un crime inutile ne recueille que des remords.
Des traits sublimes de patriotisme. Le caractère de Barnevelt un des plus beaux du théâtre. Une sorte d'âpreté dans la versification, qui sied toutefois à l'austérité du sujet.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez la Veuve Duchesne, 1791 :
Barnevelt, tragédie de M. Le Mierre, de l'Académie Françoise. Représentée pour la premiere fois sur le Théâtre de la Nation, le 30 Juin 1790.
La pièce est précédée d'une longue préface, pages v-xiv :
[Cette longue préface est essentiellement politique : elle réfléchit sur la liberté et sur le changement du temps. La pièce, que la censure ne pouvait que condamner à l’époque de son écriture, est maintenant en harmonie avec les nouvelles idées, autour de la personne du roi, garant des libertés.]
PRÉFACE.
Cette Tragédie faite depuis plus de vingt ans, apprise, répétée & arrêtée subitement à la veille d'être représentée, a toujours été défendue depuis de ministère en ministère : & il n'a pas moins fallu que la révolution. pour obtenir qu'on levât cette défense.
S'il étoit si difficile de faire représenter la Piece, il ne l'étoit gueres moins peut-être de traiter le sujet. Car de quoi s'agit-il ? d'un procès au Criminel & d'une dispute de Théologie. Ce ne sont pas là des matériaux bien dramatiques ; mais j'avois à peindre Barnevelt dont le nom seul réveille toutes les idées de patriotisme & de vertu : la sienne a quelque chose de si imposant que je n'ai pu résister au désir de tracer ce grand caractère qui tient à quelques égards de celui de Socrate. Leurs malheurs ont aussi des rapports : l'un fut accusé d'impiété, l'autre d'avoir porté atteinte à la Religion du pays, l'un & l'autre furent calomniés, furent à-peu-près au même âge condamnés à la mort, & montrèrent la même constance : mais Socrate si célèbre comme Philosophe, n'étoit qu'un particulier d'Athènes ; Barnevelt étoit à la tète d'une République, & par conséquent offroit un personnage plus théâtral.
J'avois à tracer en opposition le caractère du Prince Maurice, grand homme d'un autre genre, fils de Guillaume de Nassau, premier Stathoudre , & pour lequel on créa cette dignité en faveur des services qu'il avoit rendus à la République. Maurice de Nassau fut aussi grand capitaine que son pere, .& rendit vraie pour lui cette maxime qu'Horace n'établit qu'en flatteur d'Auguste en faisant l'éloge de Drusus.
Fortes creantur fortibus.
II est rare en effet qu'on s'élève à la même hauteur qu'un pere, lorsqu'il a laissé une grande renommée. Les Henri IV, les Czar Pierre n'ont point eu d'égaux dans leurs enfans, ils n'ont eu que des héritiers & point de successeurs.
Maurice de Nassau étoit donc un grand homme & sa carrière eut été glorieuse d'un bout à l'autre, s'il n'eut pris l'ambition pour la gloire ; ce fut cette malheureuse passion qui étouffa en lui, j'oserai presque dire la nature, puisqu'ayant perdu son pere de si bonne heure, il en avoit retrouvé un dans Barnevelt.
J'ai tâché de peindre Maurice tel qu'il .étoit fier, ambitieux, intrépide. J'ai chargé un subalterne de la fabrication des fausses lettres dont on se servit pour perdre Barnevelt : c'est ainsi qu'Œnone dans la tragédie de Phèdre se charge d'accuser Hippolyte.
A l'égard de la femme de Barnevelt, son caractère m'étoit donné tout entier par cette belle réponse qu'elle fit à Maurice, qui s’étonnoit qu'elle lui demandât la grâce de son fils & non celle de son mari.
Mon époux est sans crime & mon fils est coupable.
Act. V. Sc. II.
Un des fils de Barnevelt, nommé Stautembourg ne conspira contre Maurice qu'après la mort de Barnevelt ; j'ai rapproché cette conspiration, & l'ai mise dans ia piece même, j'ai usé du privilège qu'ont les Auteurs dramatiques d'altérer. l'histoire en conservant les caractères, pour montrer un fils dans une situation déchirante, cherchant à sauver son pere d'une mort ignominieuse .par un moyen terrible & neuf dans la circonstance.
La. catastrophe de cette piece ne pouvoit être que malheureuse. Aristote préfère ces sortes de dénoûmens, & croit qu'il vaut mieux renvoyer le Spectateur navré que soulagé : mais en général les dénoûmens heureux sont plus satisfaisans, & surtout plus moraux. Je ne connois gueres que celui d'Inès de Castro qui perdît à être heureux.
Aussi quoique le sujet de Barnevelt soit patriotique; & plein de gravité , il ne me présentoit pas les mêmes ressources que j'ai trouvées en traitant le sujet de Guillaume Tell. Dans Barnvelt c'est la Liberté attaquée ; dans Guillaume Tell, c'est la Liberté conquise. Dans Barnevelt c'est le patriotisme qui succombe : dans Guillaume Tell il triomphe.
D'ailleurs la Liberté dans Guillaume Tell a plus d'attrait, on sent qu'elle est en Suisse sur son terrein : elle devoit naître dans les rochers. Les montagnes semblent appartenir à la Liberté : ce sont des remparts naturels où elle se retranche contre les Tirans, elle se plaît de préférence sous les chaumières d un peuple agriculteur & laborieux, & s’y-conserve par les mœurs qui en sont la premiere sauve-garde. Dès qu'il n'y eut plus de mœurs à Rome, il n'y eut plus de Liberté. Celle des Suisses n'avoit été pour ainsi dire qu'interrompue par la tyrannie des Gouverneurs sous Albert I. Rodolph son pere, Prince juste & humain avoit respecté les privilèges de ce peuple. Le Gouverneur qui expose à un danger de mort le fils de Tell par la main même du pere,. ressemble par le despotisme à Appius Clodius, qui veut ôter l'honneur à la fille de Virginius : dans les deux époques ce fut la même violence, ce fut la nature si énergique sur-tout chez les Peuples non corrompus, qui fut le ressort d'une révolution, & qui dans le canton d'Uri, fit secouer le joug de l'Autriche, comme elle avoit causé à Rome, la destruction du Décemvirat ; c'était la haine de la violence qui avoit de même chassé les Tarquins.
Mais pour revenir à Barnevelt, sa mort ne leva point les obstacles à l'ambition de Maurice, & ne fut pas plus l’époque de l'asservissement de la république, que la mort de César dans le sens inverse n'avoit été l'époque de la liberté Romaine ; ce fut la mort d'un grand Citoyen, & non celle de la liberté Hollandoise, comme la mort de César fut celle du tyran, & non celle de la tyrannie ; la défaite de Pompée à Pharsale avoit détruit la liberté ; & quand Pompée auroit vaincu César, Rome n'en eut pas été moins esclave ; ce n'étoit ni César ni Pompée, c'étoit le vainqueur qu'elle avoit à craindre. Rome dès long-temps n'étoit plus, & la liberté avoit reçu déjà trop de plaies par le massacre des Gracques & par les fureurs des premières proscriptions.
Le supplice de Barnevelt, loin d'avoir été en Hollande une époque de servitude, ranima les courages; Barnevelt emporta les regrets de ses Concitoyens, mais non la liberté d'une Patrie pour laquelle il étoit mort. Elle trouva dans le même siécle de nouveaux défenseurs dans les deux Wits, dont la mort violente fut encore infructueuse pour la tyrannie.
J'ai tâché de conserver à Barnevelt dans ma piece ce caractère de vertu, cette constance qui a également honoré sa mort & sa vie : j'ai tâché de faire ensorte par l’impression qu'il laisse, que sa ruine parut préférable au cruel & inutile succès de son rival : Barnevelt meurt, mais regretté généralement, la trêve avec l'Espagne est prolongée comme il l'avoit désiré : Maurice est obligé de la signer, il ne recueille de son crime que la haine publique ; c'est Maurice qui remporte, mais c'est Barnevelt qui triomphe ; c'est Maurice qui se venge, mais qui perd sa vengeance ; c'est Maurice qui est malheureux. L'un meurt plein de vertus & d'années ; l'autre vit, mais en proie à des chagrins, dont ne le peuvent distraire de nouveaux succès militaires ; il meurt avant le terme ordinaire de la vie humaine, & presqu'au milieu de sa carriere, ne pouvant jouir ni de son crime ni de ses exploits.
C'est une chose digne de remarque que Maurice ait conservé la réputation de grand homme, quoiqu'il ait fait périr un personnage tel que Barnevelt ; c'est une espece d'énigme où l'on croit voir au premier coup-d'œil le scandale de la vertu, & la chimère de la morale. César & Maurice ne seront jamais confondus avec Catilina ; ils ont pourtant été tous les trois des conspirateurs contre leur Patrie ; pourquoi donc cette différence dans les jugemens qu'on porte d'eux ? Qui a donc sauvé du mépris César & Maurice ? Qui leur a conservé une partie de leur gloire ? La force du caractere, & l'éclat des vertus guerrieres.
D'ailleurs peut-être a-t-on pris les chagrins de Maurice pour des remords : on prétend que sa raison étoit quelquefois si troublée, que lorsqu'on lui servoit du poisson, il croyoit voir la tête de Barnevelt, comme on dit que Théodoric voyoit celle de Symmaque dans un brochet. Peut-être le peu de succès des desseins de Maurice, le peu de temps qu'il a survécu à Barnevelt, a-t'il paru expier en partie les effets monstrueux de son ambition : on a regardé son crime comme un véritable égarement, & cette honte des dernieres années de sa vie n'a point reflué sur ses autres années si glorieuses.
Qu'on me permette au reste de me féliciter d'avoir choisi mes sujets dans des Républiques plus modernes que celles de Rome & d'Athenes, dont les exemples peuvent paroître suspects d'exagération ; mais qu'on ne dise pas pour cela que l'imagination se fatigue à traverser un si grand nombre de siécles, pour chercher dans les Républiques anciennes des leçons de patriotisme ; qu'on ne cherche pas à nous décourager, en nous disant que les vertus spartiates ou Romaines sont aussi loin de nos sentimens que de nos tems. Les vives impressions que nous venons d'éprouver aux représentations de Brutus, prouvent que ces traits d'héroïsme ne sont pas si hors de notre portée ; & Voltaire rayeroit aujourd'hui de sa préface de Zaïre, cette réflexion que les Anglois battent des mains au mot de Patrie, & les François au mot d'amour.
Qu'on me permette encore de me savoir gré d'avoir traité des sujets patriotiques si long-tems avant la révolution, & lorsqu'il étoit impossible de prévoir le grand changement qui devoit arriver dans notre Monarchie ; c'est un hommage prophétique que je rendois d'avance à l'esprit public dont nous devions être un jour animés sous un Roi vertueux, qui dès son avènement au trône a repoussé la flatterie, & mérité dès-lors de régner sur un Peuple libre.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 28 du samedi 10 juillet 1790, p. 93-95 :
[La pièce de Lemierre a, semble-t-il été jouée en 1784 à Lyon. Mais les débuts de la Révolution lui donnent à la fois la liberté de paraître sur la scène parisienne, et une actualité politique tout à fait évidente. Le jugement que le critique porte sur elle est largement positif : seul le cinquième acte est en retrait par rapport au reste de la pièce, à la fois par la force des caractères des personnages et les beautés du style.]
THÉATRE DE LA NATION.
Depuis long-tems on savoit que M. Lemiere avoit dans son porte-feuille une Tragédie, intitulée Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande. Cet Ouvrage, que l'ancien despotisme avoit éloigné de la scène Françoise, y a paru, avec un succès qui ne s'est un peu rallenti qu'au cinquieme acte.
La Hollande continuera-t-elle sa trève avec l'Espagne, ou déclarera-t-elle la guerre ? voilà le sujet de cette tragédie. Les personnages mis en action, sont le Stadhouder, Maurice-Nassau, & Barnevelt. Ce dernier, vertueux magistrat, & bon citoyen, opine pour la trêve, & Maurice, militaire ambitieux qui aspire à la royauté, veut faire décider la guerre, pour se rendre plus nécessaire à la Hollande, & acquérir par là une prépondérance utile à ses projets Tout le premier acte est consacré à développer les vûes ambitieuses de l'un, & le courageux patriotisme de l’autre.
Le stadhouder emploie auprès de son rival, dont il craint l’influence, tous les moyens de séduction, les prières, les menaces ; mais il perd tous ses efforts. N'ayant pu ni le gagner , ni l'intimider, il se décide à le perdre, & le fait arrêter & emprisonner comme coupable de haute trahison. Il a supposé des lettres, & il parvient à le faire condamner.
Il vient alors dans la prison même pour tenter un dernier effort. Il propose à Barnevelt sa grace, s'il veut donner sa démission ; celui-ci, qui ne verroit dans cette retraite qu'une lâcheté condamnable, préfère la mort à l'ignominie. Son fils, jeune-homme impétueux & ardent, forme un parti pour le délivrer ; mais ce vertueux vieillard condamne cette entreprise, comme une coupable rébellion, refuse ses secours, se dispose à marcher à l'échafaud, & le fils lui-même est retenu en prison, comme criminel envers les Loix.
La femme de Barnevelt devoit naturellement figurer dans cette tragédie ; elle vient solliciter le Stadhouder en faveur de son époux & de son fils ; & M. Lemiere nous a conservé ce mot fameux qu'elle lui adresse : Je te demande la grace de mon fils, parce qu'il est coupable, mais non celle de mon époux qui est innocent.
Enfin Barnevelt marche au supplice ; mais le projet du Stadhouder échoue ; car la trêve est confirmée, & la femme & le fils de Barnevelt, par de justes imprécations contre le Stadhouder, viennent lui reprocher son crime,inutile.
La vertu républicaine de Barnevelt est tracée dans cet ouvrage avec autant de force que de vérité ; il y a dans le style de beaux mouvemens, & de très beaux vers qui ont été vivement applaudis. Nous croyons que le caractère du Stadhouder auroit pu être un peu plus soigné ; qu'il pouvoit défendre un peu mieux sa mauvaise cause. Le cinquième Acte a paru foible ; & ce qui a pu nuire à son effet, c’est le voisinage du quatrième qui est véritablement beau, & du plus grand intérêt.
Madame Vestris, & M. Vanhove ont très-bien joué, l’un le rôle de Barnevelt, l’autre celui de la femme, comme M. St-Fal celui du jeune homme.
L'Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome VIII, août 1790, p. p. 333-335 :
[L‘article de l’Esprit des journaux reprend très largement celui du Mercure de France, à quelques exceptions près : ajout d’un court paragraphe initial, purement informatif ; ajour d’un exemple de « très-beaux vers qui ont été vivement applaudis » ; et toute la suite, sur les qualités et défauts de la pièce.]
Le premier de juillet on a donné Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande, tragédie de M. Lemierre.
Depuis long-tems on savoit que M. Lemiere avoit dans son porte-feuille une tragédie, intitulée Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande. Cet ouvrage , que l'ancien despotisme avoit éloigné de la scene françoise, y a paru, avec un succès qui ne s'est un peu rallenti qu'au cinquieme acte.
La Hollande continuera-t-elle sa treve avec l'Espagne, ou déclarera-t-elle la guerre ? voilà le sujet de cette tragédie. Les personnages mis en action , sont le Stadhouder, Maurice-Nassau, & Barnevelt. Ce dernier, vertueux magistrat, & bon citoyen, opine pour la treve, & Maurice, militaire ambitieux qui aspire à la royauté, veut faire décider la guerre, pour se rendre plus nécessaire à la Hollande, & acquérir par là une prépondérance utile à ses projets Tout le premier acte est consacré à développer les vûes ambitieuſes de l'un, & le courageux patriotisme de l’autre.
Le stadhouder emploie auprès de son rival, dont il craint l’influence, tous les moyens de séduction, les prieres, les menaces ; mais il perd tous ses efforts. N'ayant pu ni le gagner , ni l'intimider, il se décide à le perdre, & le fait arrêter & emprisonner comme coupable de haute trahison. Il a supposé des lettres, & il parvient à le faire condamner.
Il vient alors dans la prison même pour tenter un dernier effort. Il propose à Barnevelt sa grace, s'il veut donner sa démission ; celui-ci, qui ne verroit dans cette retraite qu'une lâcheté condamnable, préfere la mort à l'ignominie. Son fils, jeune-homme impétueux & ardent, forme un parti pour le délivrer ; mais ce vertueux vieillard condamne cette entreprise, comme une coupable rébellion, refuse ses secours, se dispoſe à marcher à l'échafaud, & le fils lui-même est retenu en prison, comme criminel envers les loix.
La femme de Barnevelt devoit naturellement figurer dans cette tragédie ; elle vient solliciter le stadhouder en faveur de son époux & de son fils ; & M. Lemiere nous a conservé ce mot fameux qu'elle lui adresse : je te demande la grace de mon fils, parce qu'il est coupable, mais non celle de mon époux qui est innocent.
Enfin Barnevelt marche au supplice ; mais le projet du stadhouder échoue ; car la treve est confirmée, & la femme & le fils de Barnevelt, par de justes imprécations contre le ſtadhouder, viennent lui reprocher son crime,inutile.
La vertu républicaine de Barnevelt est tracée dans cet ouvrage avec autant de force que de vérité ; il y a dans le style de beaux mouvemens, & de très beaux vers qui ont été vivement applaudis. Parmi les vers nombreux qu'on a applaudis avec ivresse, nous citerons de préſérence ceux-ci que dit Barnevelt en parlant de Henri IV :
Le ciel de ce héros sembloit avoir fait choix,
Pour réconcilier la terre avec les rois.
On voit que cette tragédie est d'un intérêt politique, genre qui a besoin de grandes ressources pour réussir. Le personnage du fils y ajoute, au quatrieme acte sur-tout, un intérêt de cœur. La scene qui le termine, entre Barnevelt & son fils, est d'une beauté majeure, & a reçu les plus grands applaudissemens. Les deux caracteres de Barnevelt & de sa femme sont fort bien dessinés, & cet ouvrage est un de ceux de M. Lemierre, où les beautés de style sont plus nombreuses Le cinquieme acte a paru foible ; & ce qui a pu nuire à son effe , c'est le voisinage du quatrieme, qui est vraiment beau, & du plus grand intérêt.
La piece est très-bien jouée par Mme. Vestris & par MM. Vanhove, Saint-Fal, Dorival & Naudet
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 25 du samedi 18 juin 1791, p. 117 :
[Publication de la brochure. C’est l’occasion de rappeler que la pièce a été persécutée sous le despotisme, mais qu’elle n’est même plus « hardie aujourd’hui », signe du changement des temps. L’auteur est présenté comme un amoureux de al liberté.]
Barnevelt, Tragédie de M. Lemierre, de l'Académie Française, représentée pour la premiere fois, sur le Théatre de la Nation, le 30 Juin 1791. Prix, 1 liv. 10 s. A Paris, chez la veuve Duchesne & fils, Libr. rue St-Jacques, Nº. 47.
Cette Piece, qui ne doit pas avoir moins de succès à la lecture qu'à la représentation, a été retardée long-temps par le Despotisme. Elle ne paraît pas même hardie aujourd'hui : cependant elle est écrite avec cette énergie qui caractérise tous les Ouvrages de M. Lemierre, & elle respire le saint amour de la Liberté.
L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-deuxième année, tome IX, septembre 1793, p. 204-205 :
[L'article évoque successivement les œuvres de Lemierre. Il arrive à Barnevelt: Le compte rendu est très nettement en retrait de celui de 1790 : ni l’intrigue, ni les personnages, ni le style ne trouvent grâce aux yeux du critique.]
Barnevelt vaut un peu mieux ; il y a quelques beautés ; la scene entre le grand pensionnaire & son fils, imitée de l'Edouard de Gresset, dans lequel l'ami de Vorcestre, Arondel, exhorte son ami prisonnier & innocent à se dérober par une mort volontaire à un supplice injuste, est fort inférieure à la scene original, mais elle finit par un vers sublime :
Caton se la donna — Socrate l'attendit.
Du reste, la piece est froide, aussi seche de sentiment que de style, toute en discussions politiques, mal conduite & mal dénouée ; le rôle de Mme. Barnevelt est postiche, & ne sert qu'à recevoir des confidences déplacées : c'est un ouvrage mort-né, qu'un beau vers ne sauroit faire revivre.
Dans la base César :
- titre complet, Barnevelt, grand pensionnaire de Hollande.
- Une représentation à Lyon en 1784 (date non précisée).
- 7 représentations à Paris, du 30 juin 1790 au 18 août 1790.
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