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Baudouin, comte de Provence, ou le Retour des Croisades

Baudouin, comte de Provence, ou le Retour des Croisades, mélodrame en trois actes, de Mardelle, musique de Quaisain et Morange, ballet de Richard, 19 mars 1807.

Théâtre de l'Ambigu-Comique.

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1807 :

Baudouin, comte de Provence, ou le retour des croisades, mélodrame en trois actes et à grand spectacle : Par M. Mardelle ; Musique de MM. Quaisain et Morange, Ballet de M. Richard, pensionnaire de l'Académie Impériale de Musique ; Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 19 Mars 1807.

Courrier des spectacles, n° 3691 du 20 mars 1807, p. 2 :

Le Mélodrame donné hier à l’Ambigu-Comique, sous le titre de Beaudouin, Comte de Provence, a réussi. L’auteur est M. Mardelle.

Courrier des spectacles, n° 3692 du 21 mars 1807, p. 2-3 :

[Un long compte rendu qui s'ouvre par ce qui peut passer pour un hors-sujet : le rappel d'un article de M. de Bonald sur la nécessité de respecter l'ordre divin, et donc la morale. Ironiquement, le précepte est appliqué dans le nouveau mélodrame, le criminel étant puni. Commence alors le résumé de l'intrigue, où il est difficile de ne pas sentir le persiflage du critique, qui trouve dans la pièce tous les poncifs du genre : à son retour le comte Baudouin trouve que sa femme a été assassinée, et que l'assassin règne sur son trône. Mais le jeune fils du comte a échappé à la mort, et le maire du Palais (car l'auteur a doté le comte de Provence d'un maire du Palais au temps des Croisades a soigné l'éducation du jeune Prince, par ailleurs amoureux de sa cousine, que le tyran assassin aime aussi. L'infâme Milon entreprend de faire mourir son rival, mais sa ruse – très classique : il l'envoie porteur d'un message qui le condamne à mourir, mais « un autre ministre » évente la ruse. Pendant ce temps (le critique ne craint pas de sauter d'un personnage à l'autre), le comte Baudouin arrive « pauvre, aveugle, sans azyle » et il trouve heureusement un vieux paysan qui le reconnaît et veut l'amener auprès du maire du Palais qui lui est fidèle. Hélas il est en prison, et Baudouin le rejoint dans un cachot. Quand le fils du comte arrive, il porte un message disant qu'il doit devenir le commandant de la ville, et qu'on doit libérer le maire du Palais : les ordres sont obéis, tout le monde est libre. Il ne reste plus qu'à punir Milon, que ses soldats refusent de suivre quand il leur demande de le soutenir. Retour sur la question de la morale au théâtre : après ce long résumé un peu ironique d'une intrigue convenue et bien embrouillée, le critique admire la valeur morale de la pièce, très supérieure sur ce plan à bien des œuvres célèbres à la fin desquelles le méchant n'est pas puni (et il donne les exemples les plus glorieux, Voltaire, Corneille, Racine, pour dire que ce mélodrame est "fort au-dessus" au moins sur ce plan). Plus sérieusement, il juge la pièce comme « l'essai d'un auteur qui annonce du talent », il y trouve des défauts (trop d'incidents, trop de répétitions, un style « pas toujours pur »), mais aussi des qualités (« des scènes bien faites, des détails intéressans »). Les accessoires (décors, costumes) sont jugés positivement, tout comme les ballets, simplement un peu longs. Il ne reste plus qu'à citer tous les auteurs, paroles, musique et ballets.]

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

Beaudouin , Comte de Provence, ou le Retour des Croisades.

Il y a quelques jours qu’un des rédacteurs du Mercure de France, en traitant de la partie morale des théâtres, nous disoit que Dieu avoit établi l’ordre dans le monde, que cet ordre consistoit à donner à chaque chose ses justes dimensions, un commencement, un milieu, une fin ; que pour obéir à Dieu en faisant une pièce de théâtre, il falloit observer l’ordre et lui donner une fin qui fût conforme aux vues du ciel ; c’est-à-dire, qu'il falloit, pour qu’une action dramatique fût complette et bien ordonnée, que le crime fût puni et la vertu récompensée. Il paroit que l’auteur du nouveau mélodrame s’est nourri de ces pensées édifiantes. Tout se passe dans son poëme d’une manière conforme aux idées de M. de Bonald et le tyran Milon, qui a fait assassiner la femme de son Prince, et s’est emparé de la couronne, finit par être envoyé au supplice, ce qui est d’un fort bon exemple pour tous les tyrans du monde.

Ce Milon n'est qu’un seigneur de Provence. Son suzerain, le comte Beaudouin, emporté .par un beau zèle pour les chrétiens, étoit allé combattre les infidèles dans !a Palestine. Un philosophe a dit que quand on s'est éloigné long-tems de ses foyers, il faut se dire, lorsqu’on y revient : Ma maison est brûlée, ma femme est infidèle, ma fortune anéantie, etc. Voilà à-peu-près ce que trouve le pauvre Beaudouin à son retour chez lui. Un comte Milon, profitant de son absence, a fait tuer la Comtesse de Provence, s’est lui-même mis sur le trône, et règne paisiblement. Un Maire du Palais (car l’auteur a jugé à-propos de donner des Maires du Palais aux Comtes de Provence, et de faire durer cette dignité jusqu’au tems des croisades) un Maire de Palais, nommé Ingelbert, a sauvé le fils de son prince, et le fait élever sous le nom de Réginard.

Dans toute pièce de théâtre, dès qu’il y a un jeune prince, il faut aussi-tôt une jeune princesse dont le prince est amoureux ; et si, outre le jeune prince il y en a encore un vieux, il est convenu que le vieux sera rival du jeune ; mais qu’il finira par être éconduit. Ingelbert a donc aussi dans son palais une jeune et jolie princesse, cousine de Réginard, et qu’il élève avec une affection et des soins particuliers. Réginard en devient amoureux, et pour obtenir sa main, il se propose de se distinguer dans les combats, par les exploits les plus éclatans ; mais le comte Milon est lui-même fort épris de la jeune Princesse, et ce n’est qu’avec un extrême courroux qu’il apprend les projets de Réginard. Il fait aussitôt arrêter Ingelbert, et se rend à l’armée dont Réginard avoit le commandement. Il lui enjoint de retourner à Arles, et lui remet un ordre secret pour Beroald, son ministre affidé. Cet ordre portait de mettre Réginard en prison, et de l’y faire périr avec Sigelbert. Heureusement un autre ministre nommé Olivier, et dévoué à Réginard, soupçonne ce dessein criminel. Il étoit porteur d’un blanc seing du comte Milon ; il remplit ce blanc seing et le substitue à l’ordre dont Réginard étoit porteur. Le jeune Prince se met en route pour Arles.

Laissons-le aller, et occupons-nous de Beaudouin. Le vieux Comte de Provence, après avoir eu les yeux crevés par les Sarrasins, revenoit pauvre, aveugle, sans azyle. Il trouve enfin dans la pitié d'un jeune paysan quelque consolation à ses malheurs. L’oncle de ce paysan reconnoît le Prince, et le conduit secrettement à Arles, dans le dessein de le remettre au fidèle Ingelbert. Celui-ci étoit en prison. Le ministre affidé de Milon est instruit du retour de Beaudouin ; il le fait arrêter et jeter dans un cachot.

Cependant Réginard arrive, et présente ses dépêches ; elles portoieut l’ordre de remettre le commandement de la ville à Réginard, et d'accorder la liberté à Ingelbert. Le ministre, malgré son étonnement, n’ose désobéir. Ingelbert rendu à la liberté, découvre à Regiuard le secret de sa naissance, et le prévient que le Comte de Beaudouin est en prison Le jeune Prince le délivre, et fait mettre à mort le ministre de Milon. Celui-ci se hâte de revenir dans sa capitale ; il trouve tous les esprits dis posés contre lui ; il invoque le secours de ses soldats ; tous se rangent sous les drapeaux de Beaudooiu et de Reginard , et l’usurpateur désarmé marche au supplice que lui ont mérité ses crimes.

Ce dévouement est, comme on voit, très-conforme aux règles de la morale ; et si M. de B. fait un jour un article sur la partie morale des mélodrames, il est vraisemblable que celui-ci sera cité avec éloge, et mis fort au-dessus de Mahomet, de Henri IV, des Horaces, de Britannicus, et de beaucoup d’autres pièces où le crime reste impuni.

Le mélodrame de Beaudouin est l’essai d'un auteur qui annonce du talent. Cette composition est chargée de beaucoup d’incideus qui se nuisent par leur multiplicité. Les répétitions y sont aussi trop fréquentes. Le style n’en est pas toujours pur, mais on y trouve des scènes bien faites, des détails intéressans.

Les décorations sont d’un bel effet, les costumes soignés et les ballets, quoiqu’un peu longs, agréablement dessinés. Nous avons dit que les paroles sont de M. Mardelle. Il faut ajouter que la1 musique est de messieurs Morange et Quaisin, les ballets de M. Richard.

Mémorial dramatique, ou Almanach théatral pour l'an 1808, p. 167-168 :

Baudouin, comte de Provence, ou le Retour des Croisades, mélodrame en 5 actes, de M. Mardelle. (19 mars.)

Baudouin, comte de Provence, avant son départ pour les croisades, avait confié le gouvernement de ses états au sir Angilbert, son ami Milon, un des vassaux du comte, est parvenu pendant l'absence de son souverain à usurper l'autorité, dont il a délégué une partie à Béroald son complice. L'épouse de Baudouin, victime des deux traîtres, a perdu la vie. Ses deux enfans ont été sauvés par Angilbert, qui finit par tomber lui-même au pouvoir des conspirateurs, et qui est resserré dans une étroite prison. Argant, écuyer d'Angilbert, l'a supplée [sic] dans la conservation des deux héritiers de Baudouin, Alexide et Roger, qui a été déguisé sous le nom de Réginald. Plusieurs années se sont écoulées, lorsque Baudouin, devenu aveugle et long-tenus retenu en captivité chez. les Sarrazins, est rendu à la liberté. Suivi de Marcel, simple paysan, et travesti lui-même sous un vêtement grossier, il arrive dans sa capitale ; mais il est bientôt reconnu par Béroald, confident de Milon, qui le fait arrêter, et qui se dispose à le faire périr avec Angilbert. Sur ces entrefaites, Roger, à qui on a révélé le secret de sa naissance, arme un puissant parti, défait les rebelles et sauve la vie à son père et à son ami.

Ce mélodrame est chargé de nombreux incidens qui se nuisent par leur multiplicité ; mais on y remarque des scènes bien faites et des détails intéressans ; d’ailleurs ce sujet est traité avec la dignité et la pompe qu’il comporte, et joué avec beaucoup de talent par les meilleurs acteurs de la troupe. Il faut ajouter qu’on doit des éloges pour la musique à MM. Morange et Quaisain, et à M. Richard pour les ballets.

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