Bianco, ou l'Homme invisible

Bianco, ou l'Homme invisible, mélodrame en trois actes, de Plancher de Valcour, d'après Quérard, créé au Théâtre de la Cité, le 19 nivôse, an 11 [9 janvier 1803].

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 11 (1803) :

Bianco, ou l'Homme invisible, mélodrame en trois actes, représenté sur le théâtre de la Cité, à Paris, le 19 nivose an 11.

Liste des personnages :

PERSONNAGES.

ACTEURS.

Le comte de VILMONT.

Villeneuve.

CONSTANCE, femme du Comte.

Mme. Désarnaud.

ROSA, nièce et pupille du Comte.

Mme. Lenormand.

VILMONT, fils, sous le nom de Robert, amant de Rosa.

Mlle. Rivet.

SOLANGE.

Galimard.

BIANCO.

Verteuil.

GERTRUDE, vieille gouvernante.

Mme. Pothier.

UN NOTAIRE.

Pacard.

Un Témoin.

Domestique du Château.

Villageois et Villageoises.

La scène se passe sur le territoire de Venise.

Lors de l'annonce de la pièce dans le Courrier des spectacles, 19 nivôse, an 11 [9 janvier 1803], la pièce est présentée comme une « pièce en 3 actes, à spect. ».

Courrier des spectacles, n° 2136 du 20 nivôse an 11 [10 janvier 1803], p. 2 :

[Le compte rendu de la pièce créée commence par une longue attaque contre le mélodrame (le mot n'est pas employé, le critique parle de « drame, ou plutôt [… de] tragédie bourgeoise » pour qualifier la pièce nouvelle). Sous le prétexte de l'adoption prochaine d'une législation interdisant ce genre de pièce (ce n'est toutefois qu'une rumeur), il s'en prend à une production très abondante, signe pour lui de la hâte des auteurs et des directeurs de profiter encore d'une veine si féconde : les théâtres sont remplis de « tyrans le poignard à la main », en face desquels on met « ou des génies tutélaires, ou des hommes bienfaisans », un dénouement moral étant une « foible compensation des horreurs » qu'on a imposées au public. Cette mise au point terminée, le critique peut entreprendre la difficile tâche de résumer une intrigue pleine de tous les clichés du mélodrame : un mari qui veut faire mourir sa femme pour pouvoir épouser sa pupille, mais qui utilise les services d'une vieille femme pour l'empoisonner, mais bien sûr celle « qu'il croit dans ses intérêts le trahit ; un serviteur qui cache sous l'apparence d'un étranger et qui a introduit au château un jeune homme qui passe pour imbécile, et qui est amoureux de la pupille. Ce jeune homme, c'est le fils du comte et de la comtesse, puisque bien sûr le méchant est comte, un fils disparu quand il avait trois ans. La fin de la pièce est un imbroglio bien confus : le comte épouse une femme voilée qu'il prend pour sa pupille, mais c'est son épouse qui a été substituée à celle qu'il voulait épouser. Le comte, furieux quand il voit qu'il a été trompé, n'écoute pas les appels au repentir, et se poignarde. On peut supposer que le fils du comté épouse la pupille, mais le critique ne nous le dit pas. Après le coup de poignard que le comte se donne, l'article s'achève sur une phrase neutre qui donne le nom de « l'auteur de cette production »,  sans rien laisser paraître de ce qu'il pense, sans parler de toutes les questions qu'on veut évoquer à propos d'une pièce, la cohérence du plan, la qualité du style, la musique (pas de mélodrame sans musique), les ballets (également indispensables dans un mélodrame), les interprètes. Et tous ces manques ne s'expliquent peut-être pas par le manque de place...]

Théâtre de la Cité.

Première représentation de Bianco, ou l’Homme invisible.

On dit que parmi les rêglemens dont on s’occupe en ce moment pour les théâtres, il en est un que réclamoient depuis long-tems les mœurs et le goût. La révolution a introduit sur la scène française des monstruosités dont on a déjà fait justice. Mais on n’a pas encore frappé toutes ces productions qui sur les autres théâtres se succèdent chaque jour et habituent les yeux d’un public peu éclairé et curieux de choses extraordinaires, à un spectacle souvent hideux et repoussant.

Cachots, poignards, poisons, on ne voit plus que cela ; voilà les moyens aimables qu’on emploie pour amuser le peuple.

On prétend que l’on est sur le point de proscrire ce genre ; et depuis qu’il en est question il semble que le nombre de ces pièces se multiplie. Les auteurs s’empressent de tirer de leur portefeuille ces enfans d’une imagination déréglée ; les directeurs s’empressent de les adopter, et les amateurs s’empressent de les voir et de les applaudir.

Par-tout on ne rencontre que des tyrans le poignard à la main ; par-tout c’est l’image du crime. Il est vrai que pour consoler le public on lui offre en opposition ou des génies tutélaires, ou des hommes bienfaisans : il est vrai que l’on finit par la punition du crime et par le triomphe de la vertu ; foible compensation des horreurs dont on a été témoin durant toute une pièce de longue haleine.

Ces réflexions viennent naturellement après avoir vu la représentation de Bianco, dont nous allons faire connoitre le sujet.

Ce drame, ou plutôt cette tragédie bourgeoise, a obtenu du succès, quoique le style n’en soit pas très-correct : mais on n’y regarde pas de si près, les grands moyens sont tout.

Le comte de Vilmont a perdu au jeu tout son bien, celui de Constance son épouse, et une grande partie de la dot de Rosa, sa pupille. Pour réparer tant de pertes il médite le crime le plus atroce. Il veut empoisonner sa femme et épouser Rosa. Il charge la vieille Gertrude, qu’il croit dans ses intérêts, de jeter du poison dans le vase de Constance : mais Gertrude sous des dehors brusques cache une ame sensible et compâtissante ; elle mêle au breuvage du contre-poison ; Constance tombe en défaillance ; Vilmont se croit délivré de cette vertueuse épouse et il n’en poursuit qu’avec plus d’ardeur ses odieux projets.

Il a près de lui un serviteur de la comtesse, qui sous le nom de Bianco et à l’aide d’un jargon italien, s’est fait passer pour étranger et a gagné sa confiance. C’est lui qui a introduit jusques dans le château un jeune homme de dix-sept ans qui dit se nommer Robert et qui contrefait l’imbécille. Bianco déguisé lui a , sans se faire connoitre, donné les instructions nécessaires. Ce jeune homme qui n’a pu voir Rosa sans l’aimer, et qui a appris de sa bouche qu’il est Auguste, fils du Comte et de la Comtesse, enlevé à ses parens à l’âge de trois ans, lui fait l’aveu de ses sentimens. Vilmont furieux veut le poignarder, lorsque Bianco l’arrête en lui disant que c’est lui qui a envoyé exprès Robert pour préparer Rosa à lui accorder sa main. Effectivement Rosa, prévenue par Bianco et par Gertrude, ne résiste plus à l’invitation que Vilmont lui fait de le suivre à l’autel. Le contrat se signe, mais Rosa en se retirant a fait place à Constance qui est cachée dans ce souterrain ; le -comte prend celle-ci par la main et lui déclare, croyant toujours parler à Rosa, qu’il va faire renfermer Auguste son fils dans le cachot où est le tombeau de Constance. Il en ouvre la porte ; des gardes l’arrêtent ; Solange, frère de la comtesse, prévenu par Bianco, paroit à leur tête. Vilmont s’écrie que Rosa est sa femme ; elle s’avance du fond du théâtre ; il va vers la dame voilée qui a signé avec lui, il souleve le voile, c’est Constance. Solange veut en vain le rappeler à la vertu ; Vilmont tire son poignard et se perce le sein.

L’auteur de cette production est le cit. Valcour.

F. J. B. P. G***.          

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