La Bastille, ou le régime intérieur des prisons d'état, pièce en trois actes, par M. J. J. Thomas, soldat-citoyen, 6 juin 1791.
Théatre François, lyrique et comique, rue de Bondi.
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Titre :
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Bastille (la), ou le régime intérieur des raisons d'état
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Genre
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[sorte de drame]
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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6 juin 1791
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Théâtre :
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Théâtre français, lyrique et comique
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Auteur(s) des paroles :
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J. J. Thomas et Guillaume Laforme
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La pièce est d'abord connue sous un titre incomplet, la Bastille ou le Régime intérieur, ce qui n'est pas très clair.
Mercure universel, n° 106, du mardi 14 juin 1791, p. 224 :
[C’est dans ce journal qu’on a enfin le titre complet, qui devient ainsi plus compréhensible que la version incomplète, la Bastille, ou le Régime intérieur. Ce régime intérieur concerne bien sûr la situation des prisonniers sous l'Ancien Régime.
Bien sûr le critique loue les intentions patriotiques des auteurs, qu’il trouve « très louables », il en vante la conduite, « très sage », le style, qui « a de l'élan et de la verve », mais il ose tout de même signaler « des incorrections et quelques traits de mauvais goût qu’il seroit aisé de faire disparoître ». Il ajoute in fine que la pièce a été jouée « avec zèle », et que les deux rôles du prisonnier et du fils du gouverneur (les « patriotes ») ont été bien tenus. Le critique est satisfait de constater que les auteurs comme les acteurs ont fait preuve d'un grand zèle patriotique.]
THÉATRE FRANÇOIS COMIQUE ET LIRIQUE.
Ce ne seroit point remplir la tâche que nous impose le titre de Mercure Universel, si nous omettions de parler de ce théâtre, lorsqu'il donne un ouvrage digne de fixer l'attention du public.
Celui que nous annonçons, a excité une vive sensation ; il est intitulé la Bastille, ou le Régime intérieur des prisons d'état.
Un malheureux prisonnier, plongé depuis cinq ans dans l'horreur d'un cachot de la Bastille, arraché à son état, à sa femme, à ses enfans, à toute sa famille, séparé de la nature entière, pour avoir eu le courage de dénoncer des abus; persécuté par un ministre infâme qui tente vainement de séduire sa femme, n'ayant en un mot pour consolation que le désespoir, pour espérance que la mort, recouvre enfin la liberté à l'époque de la prise de la bastille, c'est-à-dire au moment terrible du réveil d'un grand peuple. Instruit par ses libérateurs de l'insurrection françoise, il s'écrie, en quittant son cachot : « Puisse le lâche qui seroit tenté de regretter l'ancien régime, passer seulement ici trois mois » !
Le but et l'intention de cette pièce sont très-louables ; elle abonde en pensées prises dans la nature : la conduite en est sage, le style a de l'élan et de la verve ; mais il offre des incorrections et quelques traits de mauvais goût qu'il seroit aisé de faire disparoître. Les auteurs (MM. J. J. Thomas et Guillaume Laforme) ont amené très à propos au second acte une scène d'histoire entre deux officiers de la garnison, dont l'entretien roule sur les projets de la cour et l'état allarmant de la capitale à l'époque du 13 juillet. En général, les auteurs se sont acquis des droits à l'estime des bons citoyens, qui double le prix d'une réputation littéraire, et sans laquelle les avantages du talent doivent être comptés pour rien. Nous avons eu le plaisir de voir que les acteurs jouoient avec zèle une pièce patriotique. On a sur-tout distingué M. Després dans le rôle du prisonnier, et M. Leroi dans celui du fils du gouverneur.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 297-301 :
[Le compte rendu se limite, outre le récit détaillé de l’intrigue acte par acte, à souligner le patriotisme qui anime cette pièce. Rien n’est dit sur la construction de l’intrigue, ni sur le style, ni même sur le jeu des acteurs. Tout s’efface devant le caractère édifiant de l'œuvre. Et l'auteur a droit à tout un paragraphe à sa gloire : il a toutes les vertus patriotiques. Son coauteur est moins bien traité.]
On a donné lundi [6 juin 1791] à ce théâtre, une .piece qui, par l’importance de son objet, son mérite & son succès, nous a paru digne de fixer l'attention du public. Le titre est : la Bastille. En voici l'analyse.
Le théâtre représente un cachot de la Bastille. Dorval est le nom du prisonnier qui l'habite. Privé de son état par une de ces injustices si communes sous le règne ministériel, il s'en plaint avec énergie, & ce crime a été puni par une captivité de cinq ans. Pendant ce tems, il n'a eu aucune nouvelle de son pere, de sa femme & de ses enfans, qu'il a laissés sans fortune. Dans l'excès de son désespoir, il murmure contre la providence même, qui permet l'oppression des hommes vertueux ; mais bientôt il revient à lui-même. Un geolier paroît ; il s'efforce en vain d'en arracher un mot. Le porte-clef attendri, se hâte de se dérober à sa propre sensibilité, &, dans son trouble, remporte la cruche d'eau qu'il avoit apportée, laissant ainsi l'infortuné en proie aux horreurs de la soif. Un ami de Dorval vient le visiter ; long-tems il a ignoré le sort de son ami : enfin, à force de sollicitations, il s'en est assuré ; mais le ministre met une condition à l'élargissement de Dorval.. C'est le déshonneur de sa femme. Fureur de Dorval, à peìne appaisée par la nouvelle que sa femme a obtenu la permission de le voir. L'heure se passe dans des gémissemens mutuels ; Dorval succombe, & les impitoyables geôliers arrachent Damon de dessus le corps inanimé de son ami.
Au second acte, on voit l'appartement du gouverneur. Il endoctrine son fils, auquel il destine sa survivance, & pour l'en rendre digne, l'exhorte à visiter les cachots. L'excellent jeune-homme, bien diffèrent de son pere, accepte avec transport, dans l'intention de consoler les prisonniers. La femme de Dorval paroît avec un ordre du ministre. Le gouverneur, prévenu par une lettre, la reçoit fort mal. Egarée par la douleur, elle appelle, sur la tête du scélérat, toutes les vengeances du ciel. II n'ose la retenir, & la fait jetter dehors ; mais, pour servir la passion du ministre & sa vengeance, il donne ordre d'ôter la ration de son mari. Deux officiers de la garnison rentrent de la ville, l'un, nourri dans tous les principes de la gentilhommerie, l'autre, quoique gentilhomme, estimant encore plus le titre d'homme, ennemi de l'oppression & plein de la vraie noblesse, celle du cœur. Ils s'entretiennent ensemble de l'état des affaires, & dans cette scène du plus grand intérêt, l'auteur a su placer habillement [sic] l'historique de tout ce qui a précédé la révolution. Le major a donné des inquiétudes sur les dispositions de la garnison. Le gouverneur le traite durement & fait venir les sous-officiers invalides. Ils sont prêts à verser leur sang pour la patrie ; mais ils ne verseront pas celui de leurs concitoyens. Le gouverneur les renvoie brusquement, comme des rebelles, & sort avec les deux officiers.
Au troisième acte, on revoit Dorval, qui revient à peine de son long évanouissement. Au milieu de ses angoisses, paroît le bon porte-clef, chargé d'enlever la ration du malheureux. Le despotisme enchaînoit sa langue, l'humanité la délie ; .au risque de la mort, il apporte au prisonnier son dîner & du vin. Pendant qu'il jouit de la consolation qu'il verse dans le cœur d'un infortuné, infortuné lui-même, victime de son attachement pour un maître mort à la Bastille, & dont les confidences lui sont devenues funestes, on entend du bruit. Le porte-clef éperdu, se cache derrière la pierre qui sert de lit au prisonnier. Le fils du gouverneur entre ; il a bien de la peine à dissiper les préventions & les soupçons d'une ame aigrie par le malheur ; mais la candeur de ses sentimens & l'ingénuité de son âge, si naturellement porté à la vertu, en triomphe par degré. Dorval rassuré, fait alors sortir le porte-clef de l'endroit où il se cachoit ; le bon jeune-homme le rassure, & lui ménage les moyens de sortir du cachot, après avoir versé le baume de l'espérance sur les plaies de Dorval. Un commissaire vient l'interroger ; il répond avec noblesse & courage , & M. le commissaire trouve à-part-lui que cet homme n'est pas trop bon à relâcher. Au moment qu'il sort, le bruit du canon se fait entendre ; c'est apparemment quelque réjouissance publique. Cette réflexion qui fait frémir le spectateur, jette Dorval dans les derniers transports de la fureur & du désespoir. Il dit à la terre de s'entr'ouvrir sous ses pas, aux voûtes humides qui le couvrent, de s'écrouler sur sa tête. Un bruit épouvantable se fait entendre. La porte du cachot est enfoncée. Il attend la mort ; c'est la vie & la liberté qu'on lui apporte. On lui apprend la destruction de l'ancien régime. Puisse, s'écrie t-il, le lâche qui seroit tenté de le regretter, passer seulement trois mois dans ce cachot !
Cette piece du plus grand intérêt, quoique jouée sur un petit théâtre, n'eût pas été déplacée sur un grand.
L'auteur a été demandé ; c'est J. J. Thomas, soldat-citoyen, de la section des Lombards, de la société des amis de la constitution : occupé de travaux sérieux, ayant eu le bonheur d'influer sur le sort de Paris & sur l'avantage de son commerce, par ses observations sur le tarif, honoré de la confiance de sa section, il a voulu encore contribuer aux progrès de l'esprit public, & cet ouvrage doit être regardé comme le fruit de ses délassemens, ou plutôt comme une nouvelle preuve de son patriotisme. Nous devons ajouter qu'un de ses amis, nommé M. Guillaume la Forme, a eu part à cet ouvrage.
D’après la base César, le titre donné est incomplet ; ce n’est pas seulement La Bastille, ou le régime intérieur, ce qui n’a guère de sens, mais la Bastille, ou le Régime intérieur des prisons d'état. Elle est donnée comme étant d'auteur inconnu. Elle a eu 23 représentations en 1791 à compter du 6 juin, 11 en 1792 (dernière date : le 2 mars 1792). André Tissier en compte 35.
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