La Belle Milanaise

La Belle Milanaise, ou la Fille-femme, page et soldat, mélodrame en trois actes, à grand spectacle, orné de chants, danses, combats, évolutions militaires, pantomime, etc., d'Henrion, Servières et Lafortelle, musique de Leblanc, ballets de Hus jeune, 9 Messidor an 12 [Jeudi 28 Juin 1804].

Théâtre de la Gaieté.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, an 12 (1804) :

La Belle Milanaise, ou la fille-femme, page et soldat, mélodrame en trois actes, A grand Spectacle, orné de Chants, Danses, Combats, Evolutions militaires, Pantomime, etc. Par MM. H***, Servières et Lafortelle. Musique de M. Leblanc. Ballets de M. Hus, le jeune. Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 9 Messidor an XII, (Jeudi 28 Juin 1804.)

H***, c'est Charles Henrion.

Courrier des spectacles, n° 2680, 10 messidor an 12 (29 juin 1804), p. 2 :

[Petit compte rendu, en attendant une analyse plus approfondie. Mais le critique manque visiblement d’enthousiasme, et nous prévient que le dénouement a été mal accueilli.]

Théâtre de la Gaîté.

La Belle Milanaise.

Une fille de prince souverain, qui pour fuir la tyrannie de son tuteur, suit un général étranger jusques dans son camp, qui change les habits de son sexe contre ceux d’un hussard, qui sait faire des armes comme le plus habile maître d’escrime, qui sauve sou amant en tuant son rival : voilà l'héroïne que l’on nous a mise hier sous les yeux ; voilà la belle Milanaise. Il est malheureux pour cette étrangère que le sceptre de la pantomime soit resté jusqu’ici dans les mains de la Fille Hussard ; pour le lui ravir, il faut valoir mieux, et la Fille hussard, quoique déjà un peu vieille, sera encore plus long-tems jeune que la Belle Milanaise, à qui je suis loin cependant de vouloir ôter toute espèce de mérite.

Tout cet appareil imposant, premier soutien des mélodrames, les fêtes, les danses les combats, les décorations, etc., tout est soigné et bien exécuté ; en un mot, cet ouvrage a été assez bien vu, le dénouement seul a excité quelques murmures.

A demain l’analyse de cette pièce.

Courrier des spectacles, n° 2681, 11 messidor an 12 (30 juin 1804), p. 2-3 :

[L’analyse promise le numéro de la veille s’ouvre directement par le résumé de l'intrigue, que le critique a du mal à trouver cohérente. Ce sont donc ce qu’il voit comme des invraisemblances qu’il raconte. La seule chose qu’il pense pouvoir sauver, c’est tout ce qui entoure la pièce, ce qu’il appelle les accessoires, pour lesquels il félicite l’administration du théâtre, ainsi qu’une des actrices, qui « a déployé beaucoup de talent pour la pantomime, et beaucoup de vigueur et d’adresse dans les combats ». Les divers auteurs ont droit à une simple mention (et il en manque un !). Une fois de plus, le critique n'est pas vraiment en accord avec le public, qui a plutôt apprécié la pièce, semble-t-il. Mais il s'agit d'un mélodrame, genre peu apprécié des critiques du temps...]

Théâtre de la Gaîté.

La Belle Milanaise.

Quoique cette belle personne ne soit pas très-raisonnable de courir ainsi la campagne, et d’habiter le camp avec un homme qu’elle sait ne pouvoir épouser, puisqu’elle se croit femme de son tuteur, elle l’est encore plus que tous les autres personnages qui paroissent avec elle. N’est-il pas ridicule en effet de présenter sur la scène le maréchal de Lautrec, le conquérant du Milanais, s’amusant à enlever lui-même, et avec quelques soldats, une jeune pupile à son tuteur, perdant son tems à une petite intrigue d’amourette, et hasardant, pour courir après une femme et en tromper une autre, sa gloire et ses conquêtes.

Quel intérêt peut inspirer d’un autre côté une dame Sylvia, qui tombe au milieu du camp comme des nues, et dont l'arrivée pétrifie le brave Lautrec et son Amazone ? Que vient-elle chercher ? Elle a aimé jadis le Général français, et elle s’imagine qu’il n’a pu s’attacher à une autre, lorsqu’elle-même étoit devenue l’épouse d’un Seigneur italien. La mort de ce mari, qu’elle aimoit raisonnablement, l’a mise à son aise, et en femme décente et vertueuse, la voilà qui se met en route et qui arrive au camp, à pied, seule, car elle n’a pas même un Page à sa suite.

Elle voit Lautrec ; elle lui déclare qu’elle vient l’épouser, proposition dont l’ancien amant se soucie fort peu ! Il est très-embarassé sur 1es moyens de l'éconduire, lorsque le cri Aux armes vient très-heureusement interrompre une conversation pénible. Comme il ne seroit pas galant de la laisser seule bâiller aux corneilles, Lautrec lui promet de lui envoyer un de ses écuyers. Elle en voit un aux côtés du générai et s’en empare.

Cet écuyer n’est autre que sa rivale préférée. La bonne Sylvia, aveugle comme l’Amour, ne découvre pas le sexe de Valentine ; mais il est nécessaire qu’elle ne le découvre pas. Sans cela en feroit-elle son confident, son secrétaire ? Cependant son erreur est de courte durée. Tandis que brûlant de rencontrer celle qui lui a ravi 1e cœur de Lautrec, elle parcourt le camp, et va de tentes en tentes, Lautrec qui a repoussé les ennemis, revient près de sa belle, et lui fait à genoux l’hommage de sa victoire. Svlvia les surprend, fait sentir à Valentine, par un geste énergique , la force de son poignet , et éclate en reproches contre Lautrec. Celui-ci attaqué de nouveau par les Espagnols fait entrer Sylvia dans sa tente, et vole avec Valentine à la rencontre des ennemis.

Ici l’action devroit se ralentir par le départ de tous les personnages, mais il faut voir comme elle se réchauffe par le bruit du canon et de la mousquetterie, par le cliquetis des armes, par le passage des fuyards, et par les convulsions toujours intéressantes des mourans.

Durant ce tapage des soldats ennemis fondent sur l’Amazone, qui ne cède au nombre qu’après avoir fait des prodiges de valeur. Leur Général, qui aime Valenline, les a chargés de l’enlever du camp français. Ils demandent à leur prisonnière où est Valentine ; celle-ci indique la tente où est enfermée Sylvia, et c’est elle qu'ils conduisent à leur Général.

Etendu sur un brancard, blessé par Lautrec, et presque mourant, ce Général se ranime peu-à-peu, en apprenant que la victoire s’est déclarée en sa faveur ; il souffre moins lorsqu’on lui apprend que Valentine est sa prisonnière ; enfin il paroît tout-à-fait rétabli, et cela dans l’espace d’un quart-d’heure, lorsqu’on lui amène Lautrec prisonnier.

Ici il débite une belle tirade sur l’instabilité des choses humaines, après laquelle il donne à son prisonnier un logement honnête dans un moulin. Par précaution il y laisse une sentinelle qui paroît d’abord insensible aux prières et à 1’argent de Lautrec, mais qui ne peut résister à la tentation de s'enivrer. Le Général ennemi n’avoit point prévu ce cas. La Sentinelle a bu l’eau-de-vie que Valentine, déguisée en fantassin, lui a offerte, Lautrec a reçu des habits de meunier au moyen desquels il est sorti du moulin ; le Général ennemi revient. Lautrec, qui n’a point perdu son tems, a trouvé des troupes, et..... les dénouemens ordinaires, les ennemis en fuite, leur Général tué, et Lautrec uni à la belle Milanaise en présence de Sylvia.

Beaucoup de tapage, de petits moyens, des situations déjà mises en scène, telle est l’idée que l’on peut se former de ce mélodrame. Quant à la pièce, quant à tout ce qui est accessoire, tels que décorations, combats, ballets, j’ai dit hier qu’on ne pouvoit que donner à ce sujet des éloges à l’administration.

Mlle. Marignie, qui a joué le rôle de la belle Milanaise, y a déployé beaucoup de talent pour la pantomime, et beaucoup de vigueur et d’adresse dans les combats fréquens qu’elle est obligée de soutenir.

Les auteurs de ce mélodrame sont MM. Servière et Lafortelle, celui de la musique M. Legrand, et celui des ballets M. Hus jeune.                                  G.

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