Le Boulevard de Gand, ou la Promenade à la mode, vaudeville épisodique en un acte, 9 octobre 1815.
Théâtre du Vaudeville.
Le boulevard de Gand est le nom que prend le boulevard des Italiens, de 1815 à 1828 (la ville de Gand est le lieu d’exil de Louis XVIII pendant les Cent-Jours).
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Titre :
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Boulevard de Gand (le), ou la Promenade à la mode
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Genre
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vaudeville épisodique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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9 octobre 1815
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Journal de Paris, n° 283 du 5 octobre 1815, p. 4 :
Le Vaudeville nous promet le Boulevard de Gand, dans l’espoir sans doute que les promeneurs se porteront en foule dans la rue de Chartres. En cas de non-succès, les Gascons succèderont au Boulevard de Gand.
Journal de Paris, n° 278 du 10 octobre 1815, p. 1-2 :
[Un bien long compte rendu pour une pièce retirée après la première. Il commence par un cours d’histoire littéraire sur les comédies épisodiques (inconnues des anciens, pratiquées au XVIIe siècle, avec l’exemple illustre de Molière). Le ton de ce début est nettement hostile à un genre sans intérêt (des gens qui débitent des banalités sans lien entre elles). Le Boulevard de Gand illustre bien cette règle : une longue série de personnages de toute sorte qui parlent de tout (et le critique énumère bien des gens, et bien des sujets de conversation). Un seul sujet est mis en valeur, le Roi, qui est écélébré dans un couplet, de même que la duchesse d’Angoulême. Et une « girouette » politique est moqué pour ses pseudo-actes de courage. La conclusion est simple : « cet ouvrage […] outrage à la fois la raison et le goût », et c’est le nom du Roi qui a permis qu’il aille à sa fin. On a donné le nom d’un auteur (ou son seul prénom : le critique en sait plus qu’il ne dit), et c’est présenté comme une marque de courage).
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Première représentation du Boulevard de Gand ou la Promenade à la Mode, vaudeville en un acte.
La comédie épisodique n’était point estimée des Latins ; ils voulaient avant tout qu’un personnage pût les intéresser et que tout ouvrage dramatique eût son exposition, son nœud et son dénouement. Rien n’est plus fatigant que la revue d’un certain nombre d’originaux qui viennent, sans motifs, débiter successivement sur la scène des réflexions ou des plaisanteries qui ne tiennent à aucune intrigue. Il en est de ces sortes de pièces comme des recueils d’anecdotes ; on en parcourt quelques pages, mais on ne les achève jamais, tandis qu’un roman ou un livre d’histoire, quelque médiocre qu’il soit, se lit en entier.
Desmarets est le premier qui, dans sa comédie des Visionnaires, surnommée par Pélisson l’inimitable, donna en France l’idée de ces revues épisodiques, qu’on imita si souvent depuis. Il ne faut que de l'esprit pour composer des scènes décousues, plus ou moins comiques, et qui n’ont aucun rapport entr'elles. Ce genre est l'apanage de la médiocrité, et il n'est supportable qu’autant qu’on y trouve une peinture vraie des mœurs. C'est ce que fit Moliére dans ses Fâcheux ; pressé par le temps, ce grand comique regrette de ne pouvoir créer une action, mais il en dédommagea la cour par cette foule de ridicules et de caractères plaisans, qui n'auraient pu, isolément, donner carrière à un long ouvrage. Boursault excella dans ce genre. Un esprit d'observation, un tact fin, un comique froid, mais mordant, donnèrent au Mercure galant un succès mérité. Fagan, dans ses Originaux, fut moins heureux. De nos jours le joyeux Picard nous donna les Oisifs, pièce échappée à sa trop facile plume.
ll est toujours facile d'amener avec plus ou moins de vraisemblance des personnages singuliers dans une place publique. Le Boulevard de Gand a paru aux auteurs un cadre heureux où pourraient figurer les caricatures qu'ils avaient à nous montrer. C'est une lanterne magique où l'on voit paraître et disparaître une loueuse de journaux et de chaises, un inspecteur des boulevards, un affamé de nouvelles qui, par économie, lit lcs journaux sur le dos même du crieur qui les vend; un poète qui a chanté toutes les circonstances (et Dieu sait s'il existe des originaux de cette copie) ; un peintre qui a fait, défait et refait des enseignes, et qui ne demande que deux ou trois révolutions encore pour que sa fortune soit faite. On voit aussi des gardes nationaux qui font accroire à leurs femmes qu’ils sont de garde, afin de pouvoir aller se promener en garçons, leurs femmes, au lieu de rester chez elles, profitent de l'absence de leurs maris pour se montrer au boulevard. Des promeneurs de toute espèce leur succèdent : un Anglais avec sa femme, des Écossais en jupon, caricatures qu'on voit pour la centième fois. La loueuse de journaux épouse l'inspecteur ; une autre personne se marie aussi ; ils prétendent qu’ils sont heureux, et la toile baisse parce que les acteurs n’ont plus rien à dire.
Il se trouve qu’on a parlé et chanté sur tous les sujets ; des plaisanteries tirées des nains, des géants et des gazettes ; le Palais-Royal, les girouettes, les enseignes, la politique, Philomèle-Catalani, les mélodrames, les gravures, le café Tortoni ; c’est un bourdonnement, une confusion ! Il n’y a qu’une chose qui soit claire dans tout cela, c’est l’éloge du Roi. Le reste est une rapsodie informe, parsemée de rébus et de mots connus. Une femme chante le couplet suivant :
A nous toujours se donnant pour modèles,
Jusqu’à présent les hommes soutenaient
Que nous étions changeantes, infidèles.....
Nous leur avons prouvé qu’ils se trompaient.
Et pour ce roi que partout on contemple,
Nous pouvons bien le dire avec fierté,
Les femmes ont donné l’exemple
De la fidélité.
Un couplet sur Mme la duchesse d’Angoulême a été répété deux fois.
Un personnage qu’on peint comme une girouette, se vante cependant d’avoir montré du courage dans tous les temps ; à l’époque de la terreur, il a dit à un membre de sa section vous quand ces messieurs disaient tu, et pendant la dernière assemblée des députés de Bonaparte, il a toussé pour interrompre un orateur qui faisait une motion incendiaire.
Cet ouvrage, dont nous venons de citer tout ce qu’il avait de remarquable, outrage à la fois la raison et le goût. Le nom du Roi seul a suspendu à plusieurs reprises les signes improbateurs de l’assemblée. Enfin M. D.....s a eu le rare courage de livrer son prénom aux sifflets unanimes du public.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 20e année, 1815, tome V, p. 193 :
[Le refus de critiquer une œuvre retirée est présentée ici comme un geste de clémence. On saura seulement que la pièce avait plusieurs auteurs...]
Le Boulevart de Gand, ou la Promenade à la mode, vaudeville épisodique en un acte, joué le 9 Octobre.
Cette pièce n'a point eu de succès. Comme elle a été retirée le lendemain par ses auteurs, il seroit injuste de renouveller leur douleur, en les accablant du poids de la critique. Ils se sont fait justice eux-mêmes.
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