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C'était moi

C'était moi, comédie en un acte, imitée de l'allemand de Kotzebue, de Boursault-Malherbe, 25 mai 1807.

Théâtre des Variétés-Étrangères.

Courrier des spectacles, n° 3758 du 27 mai 1807, p. 3 :

[Le compte rendu n'est pas pressé de parler de la pièce, et il s'ouvre par des réflexions sur la nature particulière du théâtre des Variétés Étrangères, qui peut puiser dans l'immense patrimoine que lui fournit les théâtres anglais et allemands (ce n'est pas si fréquent de lire une telle vision positive des théâtres de ces deux pays). Mais le critique constate que le Théâtre des Variétés Étrangères tire un faible profit de cette richesse. Il prend deux exemples pour montrer la médiocrité des choix effectués. Pour la pièce du jour, elle est jugée peu originale (elle reprend le sujet de la Servante justifiée), et elle est immorale, puisqu'elle montre un adultère, spectacle que les étrangers jugent peut-être une bagatelle, mais que le public ne peut admettre. Sans raconter vraiment l'intrigue, le critique souligne combien elle est inconvenante. Le résultat, c'est l'échec d'une pièce qui ne vivra pas, et qui s'est « jouée dans la solitude ». Deux reproches sont adressés au théâtre des Variétés Étrangères, d'annoncer de façon fiable son programme, sous peine de tromper et de décevoir le public, et (reproche plus sérieux, qui vise la légèreté morale de la pièce sans la désigner explicitement : on ne plaisante pas avec la morale ) de choisir « des sujets plus propres à mériter 1'attention, du public et à satisfaire sa curiosité ».

La Servante justifiée est un opéra comique en un acte de Favart et Fagan, créé devant la cour à Fontainebleau le 9 octobre 1773.]

Théâtre des Variétés Etrangères.

C’étoit moi.

Ce Théâtre avoit un immense héritage-à recueillir chez l’étranger  ; mais soit dégoût, soit épuisement, il ne fait plus valoir ses fonds d une manière avantageuse ; à peine rassemble-t-il quelques débris de la succession qui s’échappent encore de ses mains, à de longs intervalles, et trop rarement pour réveiller 1'attention du public ; la confiance s’affoiblit d’un côté, de 1'autre le crédit baisse, et si cet état de stagnation continue, il est à craindre que le théâtre ne soit bientôt oublié.

Il s’étoit pourtant ouvert sous d’heureux auspices ; les pièces les plus courues en Allemagne et en Angleterre obtenoient, à l’aide de quelques changemens, 1'intérêt et souvent les applaudissemens de la capitale ; mais il faut, l’avouer, on ne s’est pas attaché à donner aux représentations assez d’ensemble ; on n’y a vu briller aucun talent distingué est vrai qu’ils sont très-rares, et que nos richesses eu sujets dramatiques ne répondent pas aux désirs du public ni au zèle des directeurs. D’ailleurs tandis qu'on cherchoit des acteurs estimés, une partie de .ceux qui tenoient. un emploi avec quelque succès, ont quitté le théâtre. Pour couvrir ce désavantage, il eut été sage d’occuper le public par quelques-uns des ouvrages les plus célèbres de l'Allemagne, ou de l’Angleterre. Au lieu de suivre cette marche, on a donné une série de relâches, qui n’ont été interrompus que par les représentations de deux productions sans mérite et sans intérêt. On sait quel succès a obtenu la pièce intitulée le Chat et la Rose. Des sifflets mérités l'ont renvoyée à son auteur, on n’a pas exercé la même rigueur envers la pièce nouvelle ; mais on doit avouer qu’elle ne vaut guères mieux. C’est une bien foible imitation de la Servante justifiée. C'est l'image nue d'un adultère mis en scène, bagatelle pour des étrangers, mais qui, malgré la corruption de nos mœurs, n'a trouvé parmi nous que des juges sévères. Qu'on se figure au lever du rideau, un Paysan déjà sur le retour, et époux d'une jolie femme, cajolant, caressant, poursuivant sa cousine, jeune orpheline, qui finit par céder à ses sollicitations. Il est juste que la jeune fille ait un amant. Tout le monde le sait dans le village. Une vieille femme a vu Mathurin embrasser Justine, et la promener dans une brouette. Le Paysan qui s’est apperçu que la curieuse étoit à sa fenêtre renvoie Justine, et répète avec sa femme la même scène qu’auparavant. Justine, de son côté, d'intelligence avec Mathurin, fait avec Bastien son ami ce qu'elle a fait avec son cousin, et l’on juge bien que lorsque la vieille curieuse vient dénoncer, tantôt à Mad. Mathurin, tantôt à Bastien les particularités dont elle a été témoin, tous lui répètent alternativement : C’étoit mo ; personne ne veut la croire, et on la force de rentrer promptement chez elle.

Cette comédie aura un jour ou deux d’existence ; elle a été jouée dans la solitude, et les approbations ont été d’une réserve exemplaire. On ne peut trop conseiller à l'administration de ce théâtre de mettre plus de suite dans ses opérations, de ne point reformer sans cesse ses annonces. C’étoit la troisième ou quatrième fois que les journaux annonçoient la première représentation de cette pièce, et plusieurs personnes étaient, deux jours de suite, retournées chez elles mécontentes d’avoir été trompées. Enfin, il faut que l’administration choisisse aussi des sujets plus propres à mériter 1'attention, du public et à satisfaire sa curiosité.

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