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Cœlina (Pixerécourt, 1800)
Cœlina ou l'Enfant du mystère, drame en trois actes, en prose et à grand spectacle de Guilbert de Pixerécourt, créé sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique le 15 fructidor an 8 [2 septembre 1800].
L'annonce de la première représentation, dans le n° 1277 du Courrier des spectacles (15 fructidor an 8 [2 septembre 1800], décrit la pièce comme une « pantomime dialoguée, en 3 actes, à grand spectacle ».
La pièce de Guilbert de Pixerécourt est inspirée d'un roman tout récent de Ducray-Duminil, Cœlina ou l'Enfant du mystère (1799). Son adaptation au théâtre montre son succès. Il a d'ailleurs été adapté une deuxième fois en 1801, avec le même titre, cette fois par Henri Lemaire.
Courrier des spectacles, n° 1278 du 16 fructidor an 8 [3 septembre 1800]
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Les Boulevards ont offert des pièces à diables, à revenans, à combats, à décorations, etc., et l’on a couru aux Boulevards, on a applaudi aux diables ; mais quelques succès qu’aient obtenus ces productions gigantesques et monstrueuses,-aucune ne peut être mise en comparaison avec celle donnée hier sur ce théâtre sous le titre de Cœlina, ou l'Enfant du mystère, aucune n’eut un succès plus mérité, et cependant,
L'Envie, aux doigts crochus . . . .
Quoi, me dira-t-on, il .y a eu des sifflets, des murmures, des improbations ? Nous sommes forcés de remettre à demain ces détails et l’analyse ; qu’il nous suffise de dire que Cœlina est un ouvrage qui fait honneur à la plume de son auteur, le cit. Guilbert-Pixérécourt.
Dans le tome 1 du Théâtre choisi de Guilbert de Pixerécourt, p. 8-11, on trouve une sélection de « jugements des journaux », dont il ne faut bien sûr pas attendre beaucoup de critiques.
Courrier des Spectacles. 16 fructidor, an VIII. Les boulevards ont offert des pièces à diables, à revenants, à combats, à décorations, etc., et on a couru aux boulevards, on a applaudi aux diables ; mais quelques succès qu'aient obtenus les productions gigantesques et monstrueuses, aucune ne peut être mise en comparaison avec celle donnée hier sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, sous le titre de Cœlina ou l'Enfant du mystère ; aucune n'eut un succès plus mérité. Qu'il nous suffise de dire que cet ouvrage fait le plus grand honneur à la plume de son auteur, le citoyen Guilbert de Pixerécourt.
Lepan.
Le même, 17 courant. Nous avons dit dans notre numéro d'hier que l'ouvrage de Cœlina ou l'Enfant du mystère, était bien au-dessus de ce que les théâtres des boulevards nous avaient offert jusqu'à ce jour. Nous aimons à le répéter. L'intérêt soutenu qui y règne, les situations fortes et attachantes qui s'y succèdent, tout assure à cette pièce un succès de longue durée. En puisant le fonds de Cœlina dans le roman de ce nom, le citoyen Guilbert de Pixerécourt a jugé prudemment qu'il ne pourrait pas introduire sur la scène tous les personnages qui figurent dans le roman, tels que Marcan, Isoline, Perrine, etc., etc. ; il a resserré l'action, et dans les deux premiers actes imités du roman, il a établi une série d'événements, qu'un troisième acte, appartenant entièrement à l'auteur, a dénoué d'une manière très-habile et fort intéressante.
Il faut rendre justice aux acteurs qui l'ont secondé, entre autres à Mesdames Corsse et Lévêsque, et aux citoyens Tautin et Boicheresse ; ce dernier surtout a montré beaucoup d'intelligence dans le rôle du muet.
Des applaudissements universels succédèrent à cette représentation ; toutes les voix demandèrent l'auteur.
Le même.
Idem. 9 vendémaire, an IX. Cet ouvrage qui est aujourd'hui à la vingtième représentation, se joue de deux jours l'un et continue d'attirer la foule. Nous n'ajouterons rien à ce que nous avons dit dans le temps de cette pièce dont le succès fut complet ; nous aimons seulement à rendre justice à une production exempte de tout le gigantesque, de tout le merveilleux qui, il y a deux ans, faisait courir tout Paris aux boulevards.
Le même.
Journal du soir. 17 fructidor. Nous annonçons avec un grand plaisir l'immense succès de Cœlina, ouvrage du citoyen Guilbert de Pixerécourt, que l'on a su distinguer de la foule des ouvrages qu'offrent les théâtres des boulevards. Nous regrettons de ne pouvoir nous étendre sur les éloges qu'il mérite, par un intérêt soutenu, un style soigné et des situations très-dramatiques.
Beaumont.
Journal d'Indications. Du 17 fructidor. Avant-hier 15 fructidor, la foule nombreuse des spectateurs qui remplissaient le théâtre de l'Ambigu-Comique fit un accueil très-distingué au drame (pantomime dialoguée en trois actes) de Cœlina qui pour la première fois obtenait les honneurs de la représentation. Analysons avec soin cette pièce qui à plus d'un titre mérite des éloges et doit être distinguée de la foule de ces ouvrages insignifiants, pitoyables ou burlesques dont le bon goût, les mœurs et la raison sont fatigués. (Suit l'analyse.)
Le premier acte marche bien, les scènes sont remplies d'intérêt, le dialogue est naturel et bien nourri, les caractères sont bien présentés. Cependant on aurait désiré plus de développement dans la scène où doit se trouver une explication relative aux coups de pistolet qui ont été tirés dans le salon.
Le second acte ajoute à l'intérêt : bien des mystères sont dévoilés et le spectateur attentif forme des vœux pour le triomphe de l'innocence et la punition du crime.
Le troisième acte dont les événements sont plus entassés, marche à merveille. Il appartient tout entier à l'auteur qui l'a créé. L'ensemble de ce drame où l'on trouve une coupe heureuse, un dialogue choisi, des situations très-dramatiques et des détails fort intéressants, fait le plus grand honneur aux talents du citoyen Guilbert de Pixerécourt déjà connu avantageusement par plusieurs productions estimables.
Son ouvrage a été joué avec un ensemble qui fait honneur aux artistes de ce théâtre; mais on doit des éloges particuliers à madame Corsse qui a mis de la vérité, de la chaleur, de l'enthousiasme même dans le rôle de Tiennette, qui a fait preuve d'une intelligence profonde dans son art et qui a mérité tous les suffrages ; mademoiselle Lévêsque a été fort applaudie, dans le rôle de Cœlina qui lui avait été confié pour son début ; elle a une figure délicieuse et un organe enchanteur. L'acteur chargé du rôle de Francisque (le muet) a été souvent d'une vérité étonnante. Le citoyen Tautin a fait souvent horreur dans le rôle de Truguelin, mais c'est le plus bel éloge que l'on puisse faire de lui. Le citoyen Dumont a joué avec une rondeur parfaite le rôle de Dufour, vieillard goutteux et brusque à l'excès. Nous terminons cet article en disant que cette production doit attirer longtemps à ce théâtre la foule des amateurs.
F. Babié.
Le même. Le 21 fructidor. La 5e représentation de Cœlina avait attiré hier au théâtre de l'Ambigu-Comique, une foule immense de curieux. La salle était remplie et un grand nombre de personnes n'ont pu avoir de billets. Il nous a paru que l'auteur, docile aux conseils de l'amitié et de la critique impartiale, a fait quelques changements heureux dans les dernières scènes du premier acte et au dénoûment. C'est une nouvelle preuve de talent ajoutée à toutes celles que nous a déjà données le citoyen Guilbert de Pixerécourt. On ne peut que lui prédire de grands succès.
Le même.
Journal de Pau. 8 septembre 1820. Non-seulement le drame de M. de Pixerécourt compte par milliers les représentations qu'il a obtenues, mais il a pénétré jusque dans les contrées les plus éloignées du royaume.
Le joli nom de Cœlina se recommande à plus d'un titre. Il est recherché, suave, harmonieux. Il sied merveilleusement à bon nombre de femmes charmantes que l'on distingue dans le monde élégant; en outre sans être positivement admis dans le calendrier, il n'en est pas moins devenu très-populaire en France. Je l'ai souvent rencontré dans les provinces de l'Est et même dans les Pyrénées.
Je traversais, il y a dix ans, une des vallées les plus profondes du Béarn et tout entier à ma mélancolie, j'admirais avec délices la contrée sauvage où je me trouvais, quand, à l'approche d'un misérable hameau, qui semble perdu au milieu des bois et séparé en quelque sorte du reste du monde par une haute montagne, qui le presse dans son arc de verdure, j'aperçus une petite fille fort gentille qui portait sur sa tête quelques touffes de bruyères sèches destinées à entretenir le foyer de la chaumière de son aïeule. La physionomie piquante, l'accoutrement pittoresque de la jolie villageoise, le site agreste, tout dans ce lieu solitaire eût été digne d'inspirer Murillo. En cheminant, je demandai à l'enfant comment elle se nommait, supposant bien qu'elle répondrait par le nom de Jeanne, de Marthe ou de Marguerite. Quelle fut ma surprise quand je sus qu'elle s'appelait Cœlina ? Or, dans cette contrée fort éloignée des villes, et où le maire seul sait à peine signer lisiblement son nom, on n'avait jamais entendu parler du roman de Ducray-Duminil; mais toute pauvre qu'elle était, la famille de la petite Béarnaise était allée un jour de fête, jusqu'au château voisin, elle avait vu jouer la comédie par la société qui y était réunie, on avait représenté Cœlina, et la morale du hameau y avait trouvé son compte.
Alfred de Serviez.
Dans son numéro 1279 du 17 fructidor an 8 [4 septembre 1800], le Courrier des spectacles donne, au sein d'un long article, p. 2-3, une analyse détaillée de la pièce :
Cœlina, née d’un mariage clandestin, contracté par Isoline, depuis épouse du Baron des Echelettes, est élevée comme fille de ce dernier chez Dufour, que le testament du Baron et de la Baronne a constitué son tuteur. Dufour déjà vieux, vit dans sa maison de campagne, chéri de son fils Stéphany, dont l’amour pour Cœlina n’a pas échappé à l’œil paternel, aimé et respecté de sa pupile, et adoré de ses gens, qui ont vieilli à son service. Depuis huit jours sa gouvernante Tiennette a recueilli et amené à la maison un malheureux indigent, muet et dévoré d’une douteur secrette. Elle ne l’ayoit point revu depuis huit ans, que seule, près d’un bois, elle l'avoit rencontré baigné dans son sang et ne pouvant expliquer que par ses gestes qu’on venoit de lui couper la langue. Le récit qu’elle fait de cette aventure pique la curiosité de Dufour ; il veut voir lui-même et interroger l’indigent. Celui-ci, qui a reçu une éducation soignée, prend une plume et répond par écrit à toutes les questions qu’on lui adresse : il déclare qu’il se nomme Francisque-Humbert ; il déclare que ses assassins sont riches, puissants et connus particulièrement par Dufour. Celui-ci insiste pour savoir leurs noms ; le muet s'y refuse en faisant entendre qu’il ne vent pas porter la douleur et la désolation dans le cœur de son bienfaiteur, lorsque l’on annonce l’arrivée de M. Truguelin, homme fier, et riche frère d’Isoline. L’indigent à cette vue prend la fuite ; Truguelin, pétrifié, ne peut se remettre de son trouble. Dufour qui ne conçoit rien à la disparition subite de Francisque Humbert, veut absolument qu’on le ramène, malgré les efforts que fait Truguelin pour le détourner de cette résolution. Celui-ci, qui est venu demander la main de Cœlina pour son fils, reçoit de Dufour une réponse évasive ; et invité à prendre un appartement dans la maison, il apprend bientôt que Francisque-Humbert a été ramené, et qu’on lui destine un lit près de son appartement. Au retour, de la nuit, seul avec un valet affidé, il jure sa perte ; mais leur complot est entendu par Cœlina, qui s’intéressant vivement aux malheurs du muet, l’avertit de se tenir sur ses gardes. Celui-ci prépare deux pistolets à tout évènement. Truguelin et son valet sortent de leur chambre, se jettent sur lui ; Humbert tire ses pistolets, dont le bruit éveille toute la maison. Truguelin est chassé par Dufour, qui tout indigné lui déclare qu’il ne consentira jamais au mariage qu’il étoit venu lui proposer. Il fait plus ; il unit Stéphany, son fils, à Cœlina, et il veut que la nôce ait lieu sur-le-champ. Tandis que chacun se livre à la joie, le valet de Truguelin apporte une lettre de son maître, qui découvre le mystère de la naissance de Cœlina ; et à l’appui un extrait de baptême. Dufour y lit que Cœlina est fille de Francisque-Humbert, et non du baron des Echelettes. Irrité contre Humbert, il le chaise [sic], malgré les prières de Cœlina, résolue de suivre son père, malgré les protestations de Stéphany, qui déclare à son père que rien ne pourra le séparer de son amante. Tout-à-coup Andrevon, médecin de Dufour, homme respectable, arrive ; il a rencontré Humbert et Cœlina fuyant de l’asyle que Dufour leur avoit ouvert. Il examine l’extrait de baptême, il assure qu’il est faux, et annonce que d’après ce qu’il a vu, le persécuteur, l’assassin de Francisque-Humbert n’est autre que Truguelin. Son rapport, en tout semblable à celui de Tiennette, donne de nouveaux, éclaircissemens. Lui-même, il y a huit ans, a soigné Truguelin, qui en coupant la langue au malheureux Humbert, a eu la main gauche mordue. C’est à cette marque que l’on doit reconnoître l’assassin. Il vient de le dénoncer à la justice, et les archers sont à sa poursuite. Cependant Truguelin instruit de ces recherches, se déguise et arrive chez un meûnier nommé Michau, le même qui, il y a huit ans, recueillit Francisque-Humbert, mutilé près de sa porte. Ce Meûnier vient d’apprendre que les Archers rôdent dans les environs, et il en fait part à Truguelin, qu’il prend pour un voyageur. Les Archers arrivent ; on lit le signalement de l’assassin, qui déconcerté, est prêt de se trahir. Cependant les Archers poursuivent leur route. Truguelin a l’imprudence de laisser sa main gauche découverte ; et Michau, qui n’ose soupçonner la vérité, le raille sur cette morsure, que Truguelin appelle une blessure reçue à la guerre. A peine sont-ils entrés dans la maison, que Humbert et Cœlina y arrivent. Michau vient ouvrir, et il embrasse son malheurenx ami. Celui-ci apperçoit Truguelin dans la maison. Michau désespéré de l’absence des gardes, court les chercher. Truguelin veut s’échapper ; il tire sur Humbert un coup de pistolet ; mais bientôt environné de gardes et de paysans sur un pont, il tombe en se défendant au milieu du torrent. Dufour, qui est venu sur les traces de Cœlina, l’unit à son fils, et il emmène Humbert à sa maison pour ne plus le quitter.
La fin de l'article est consacrée à une polémique autour de la paternité de l'œuvre, un certain « Brunot, rédacteur des anciennes Petites-Affiches », qui se prétend auteur d'une Cœlina rivale, malheureusement refusée par tous les théâtres et qui a fait paraître une lettre publiée « dans tous les journaux ». La conclusion de l'article est sans ambiguïté : la pièce de Pixerécourt se voit gratifiée d'une belle formule : « Applaudie par les Payans, sifflée par les Gratis ». L'ambiance des premières représentations n'était pas toujours très sereine, et la présence de spectateurs n'ayant pas payé leur place ne contribuait pas au bon déroulement du spectacle.
Voici la lettre du citoyen Brunot, telle que la publie le Courrier des spectacles, n° 1277 du 15 fructidor an 8 [2 septembre 1800], p. 2-3 :
AU RÉDACTEUR
du Courrier des spectacles.
Le cit. Corse annonce pour le 15 de ce mois la première représentation de Cœlina, ou l'Enfant du Mystère, pantomime dialoguée en trois, actes.
J’ai terminé en ventôse an 7, il y a près de dix-huit mois, un ouvrage sur le même sujet. (1) Je l’ai composé en quatre actes, comme drame, et en 5 actes comme pièce destinée à un théâtre à grand spectacle. Elle allait être montée à celui de l’Ambigu-Comique par le cit. Picardeau, lorsqu’il a cessé tout-à-coup d’administrer ce théâtre ; il l’a eue pendant six semaines entre les mains. J’en ai lu depuis deux actes au citoyen Corse ; et le citoyen Molé, du Théâtre Français, en a fait une lecture très-attentive. J’ai même montré, il y a trois semaines,ces deux ouvrages à l’auteur de la pièce qui va se jouer à l’Ambigu-Comique, lequel avoit entrepris sa pièce, en même tems que moi, et paroissoit y avoir renoncé.
Je crois devoir rendre publics les noms des personnages que j’ai fait agir dans ma Cœlina. Cette publicité ajoutera, sans doute, à l’assertion des témoins irrécusables que je viens de nommer, pour me garantir de l’accusation de plagiat.
Dufour, oncle et tuteur de Cœlina ; Stéphany, fils de Dufour, amant de Cœlina ; Isoline, mère de Cœlina, Baronne des Echelettes ; Francisque Humbert, ou l’Indigent, père de Cœlina, neveu de Dufour, élevé par lui, sous le nom de Grancise ; Cœlina, nièce de Dufour, crue la fille du Baron des Echelettes ; Truguelin, frère d’Isoline ; Marcan, fils de Truguelin ; Andrevon, médecin et ami de Dufour ; le Directeur de l'Hospice Saint-Silfride ; le Chef de l'Hospice ; Aspirans de l’Hospice ; l'Hermite de la Vallée-Rosée ; Tiennette, gouvernante de Dufour, femme de Michau ; Perrine, nourrice de Francisque Humbert ; Michau, ancien domestique de Truguelin ; Guides pour les voyageurs dans les montagnes de Savoie ; un domestique de Marcan ; plusieurs autres gens de Marcan et de Truguelin.
La scène est à Sallenche, chez M. Dufour, à la chaumière de Francisque, dans la Vallée de Chamouny, près le Montanvert, et à l’Hospice Saint-Silfride.
Brunot.
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