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Cadet Roussel ou le Café des aveugles
Cadet Roussel ou le Café des aveugles, pièce en 2 actes qui n’ont font qu’un de Joseph Aude et Charles Louis Tissot, 23 février 1793
Théâtre des Variétés.
Le nom du personnage est bien Cadet Roussell'; dans la brochure.
Le Café des Aveugles est un café-caveau situé au Palais-Royal, au 103, galerie de Beaujolais. Sous la Révolution, il sert de lieu de rendez-vous de sans-culottes. Sur son fronton est alors indiqué : « Ici, on s'honore du titre de citoyen, on se tutoie et on fume. »
Sur la page de titre de la brochure, chez la Citoyenne Toubon, 1794 :
Cadet Roussell’, ou le Café des aveugles, pièce en deux actes qui n’en font qu’un, en vers et en prose. Représentée pour la première fois, sur le Théâtre du Palais Variétés, le 13 février 1793, et pour la soixantième fois, le 25 nivôse, l’an deuxième de la République Française. Par les Citoyens Charles Tissot et Joseph Aude.
On dit qu’i’ g’nia rien d’ si beau.
Cadet Roussell’, scène IV.
Les personnages de la pièce, comédie, puis tragédie :
PERSONNAGES. |
ACTEURS. |
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PERSONNAGES DE LA COMÉDIE. |
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Cadet ROUSSELL'. |
Le Citoyen Beaulieu. |
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Le Père ROUSSELL'. |
Le Citoyen Barotteau. |
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La Mère ROUSSELL'. |
La Citoyenne La Caille.
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Le Petit ROUSSELL'. |
Le Citoyen Joseph. |
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DURILLAC. |
Le Citoyen Frogères. |
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BONTEMS, maître du Café. |
Le Citoyen Duval. |
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LOUISON, fille de Bontems. |
La C. Chenier jeune. |
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VIGAGNOLET, acteur du Café. |
Le Citoyen Pélissier. |
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MODESTE, actrice. |
La Citoyenne Pélissier. |
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BELLEPOINTE. |
Le Citoyen Hypolite. |
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Deux de ses Camarades, |
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Le Père DUBOIS. |
Le Citoyen Joachim. |
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FIRMIN. |
Le Citoyen Tiercelin. |
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Mlle. DUBOIS. |
La Citoy. Mautouchet. |
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Uu Marchand de journal. |
Le Citoyen Brutus. |
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Un Buveur parlant. |
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VALCOURT, acteur de province. |
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La Scène est au Café des Aveugles. |
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PERSONNAG ES DE LA TRAGÉDIE |
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MATAPAN, chef des barbares, |
Le Cit. Genest. |
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CASCARINETTE , même actrice qui joue |
Modeste. |
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PLUMINAR, même acteur qui joue |
Vigagnolet. |
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VANTELMOR, même acteur qui joue |
Durillac. |
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BLONDINET, même acteur qui joue |
Cadet Roussell' |
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ZÉMIRON, suivante de Cascarinette. |
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La Scène est dans le Palais de Matapan. |
Avant le texte de la pièce, indication sur le dispositif de scène :
SITUATION DE LA SCÈNE.
Un théâtre sur un autre ; par conséquent, deux toiles, dont la dernière n'est pas encore levée. Un comptoir dans lequel figure une limonadière de bonne mine, divers personnages indiqués dans les scènes de la pièce, trois aveugles formant l'orchestre du petit théâtre ; et on voit çà et là plusieurs bols de punch en feu. On lit devant le petit théâtre une affiche illuminée annonçant Matapan, ou les Assassinats de l'Amour, tragédie.
L’acte 1 est une comédie en vers mêlée de vaudevilles, l’acte 2 une tragédie en 1 acte et en vers (mais c’est une parodie, qui tourne vite à la farce : dès la scène 1, l’acteur (Durillac, un gascon avec accent) se dispute avec le souffleur, et à la scène 2, « le premier théâtre reprend » : la famille Roussell’ intervient, avant que la tragédie ne reprenne jusqu’à l’interruption suivante, etc.).
Le texte de la pièce est précédé d’un « avis de l’éditeur » :
Oh ! que c'est bête ! mais on y vient. L'affluence que cette pièce attire au Théâtre du Palais, nous détermine à l'imprimer. Si nous avons autant de débit qu'elle amène de spectateurs, nous dirons, aux auteurs : Oh ! que c'est superbe !
Les journalistes qui en ont rendu compte ont exprimé le sentiment universel des mélancoliques guéris aux représentations de cette folie, en appelant médecins Beaulieu, Pélissier, Frogères, etc. qui en prolongent le succès. Les rôles les moins importans sont rendus avec une intelligence et une vérité dignes d'éloges.
Cet avis de l’éditeur est suivi du contrat de cession de la pièce à la Citoyenne Toubon
Nous soussignés, déclarons avoir cédé à la Citoyenne TOUBON les droits d'imprimer et de vendre Cadet Roussell’,ou le Café des Aveugles, nous réservant nos droits d'Auteurs par chaque représentation qu'on en donnera sur tous les Théâtres de la République française, nous autorisant du Décret des Représentans du Peuple sur les Auteurs dramatiques.
Signés CH. TISSOT et Jos. AUDE.
Dans son étude des types populaires au théâtre (Paris, 1870, p. 164-167), Ludovic Celler accorde une belle place à ce qu'il présente comme le premier Cadet Roussel :
Ce fut le 13 février 1793, que sur le théâtre du Palais fut représenté Cadet-Roussel ou le Café des aveugles, par Aude et Tissot ; le sous-titre montre qu'à cette époque le Café des aveugles était dans tout l'éclat de sa réputation ; au lieu du simple sauvage que l'on y voyait il y a quelques années, des aveugles y tenaient l'orchestre, et il y avait un petit théâtre sur lequel on jouait la comédie.
La pièce de Cadet-Roussel se compose de deux parties : une comédie-vaudeville (presqu'une comédie-opéra, tant la musique y tient une place importante), et une tragédie en vers intercalée dans l'action. La scène représente « un théâtre placé sur un autre » – par conséquent se trouve au fond une seconde toile non encore levée ; sur le devant, est un comptoir dans lequel figure une limonadière de bonne mine ; il y a aussi trois aveugles formant l'orchestre du petit théâtre ; on voit çà et là flamber plusieurs bols de punch et on lit devant le théâtre du fond une affiche illuminée annonçant :
MATAPAN OU LES ASSASSINATS DE L'AMOUR
TRAGÉDIE
Les comédiens attendent le public ; les moindres détails indiqués dans la mise en scène témoignent du soin apporté à représenter exactement le Café des aveugles qui servait de cadre à l'action et que chacun connaissait.
L'édition originale que nous avons eue entre les mains est annotée par un contemporain; il existe un renvoi caractéris[ti]que du temps. Un aveugle doit chanter un couplet :
Les femmes et le vin
Cela m'accommode...
Mais le couplet est biffé, et en marge est écrit: UN MORCEAU PATRIOTIQUE. Au reste il y a dans la pièce d'autres allusions aux faits du moment. Bellepointe, soldat galant, chante des couplets en honneur des volontaires.
Enfin l'orchestre fait entendre la musique de Cadet-Roussel ; les habitués reprennent en chœur. Cadet est comédien au Café des aveugles, le but de ses désirs ! Le jour même il a été engagé et va débuter pour remplacer un acteur qui est malade et dont il prend le rôle dans Matapan.
La toile du fond se lève et la tragédie commence, tragédie-burlesque, et qui laisserait le public d'aujourd'hui très-froid – les plaisanteries les mieux réussies à une époque s'éventent comme des liquides aigris et perdent toute leur gaieté lorsque quelques années ont passé sur elles. Il y a toutefois une situation assez comique résultant du mélange du public du premier théâtre et des acteurs de la tragédie.
Cadet-Roussel, dans le rôle de Blondinet, va boire le poison versé par le tyran, quand sa famille, assise dans le café, lui crie : « Cadet ! ne bois pas ça ! c'est du poison !!... » La tragédie s'interrompt et Cadet explique aux siens que « c'est dans la pièce. » — « Non, reprennent les autres, on l'a dit quand tu n'y étais pas ! Ne bois pas ça ! — Mais c'est pour rire ! — Eh bien! que les autres boivent d'abord ! »
Les autres acteurs goûtent le breuvage en riant. Blondinet boit alors et, reprenant le rôle interrompu, il tombe. « Au secours ! » hurlent les Rousselles, et ce n'est qu'à grand'peine que Cadet se relevant parvient à les rassurer.
Mais tout cet intermède a indisposé le public.
Cadet reçoit des boulettes de pain et de papier ; il s'arrête et prie ses parents de surveiller la cabale ; la canonnade augmente et, mitraillé, il est obligé de quitter la scène avant la fin de la tragédie. Peu après, un caporal et quatre soldats surviennent et vu l'heure tardive, se fâchent et font évacuer le café avec un langage émaillé de jurons, qui ne donne pas une haute idée de la mansuétude militaire de l'époque.
« Oh ! que c'est bête ! Oh! que c'est superbe ! » telles furent les deux exclamations qui résumèrent, en 1793, l'opinion des spectateurs. Beaulieu (qui créa le rôle de Cadet), Pélissier, Frogères, furent proclamés les vrais et seuls médecins des gens tristes, et Cadet-Roussel fut définitivement installé au répertoire. (Brunet joua des Cadet-Roussel jusqu'en 1842, et le catalogue Goizet indique 28 C. R.) — Du théâtre, Cadet retourna dans la chanson politique ; on fit des couplets où on le comparait, ou plutôt où on lui comparait Dumouriez, Lafayette et l'abbé Maury.
28 C. R. : voilà qui veut dire que le catalogue de Goizet énumère 28 pièces mettant Cadet Roussel sur la scène.
L’acte 1 est une comédie en vers mêlée de vaudevilles, l’acte 2 une tragédie en 1 acte et en vers (mais c’est une parodie, qui tourne vite à la farce : dès la scène 1, l’acteur (Durillac, un gascon avec accent) se dispute avec le souffleur, et à la scène 2, « le premier théâtre reprend » : la famille Roussell’ intervient, avant que la tragédie ne reprenne jusqu’à l’interruption suivante, etc.
Le texte de la pièce est précédé d’un « avis de l’éditeur » :
OH! que c'est bête ! mais on y vient. L'affluence que cette pièce attire au Théâtre du Palais, nous détermine à l'imprimer. Si nous avons autant de débit qu'elle amène de spectateurs, nous dirons, aux auteurs : Oh! que c'estsuperbe !
Les journalistes qui en ont rendu compte ont exprimé le sentiment universel des mélancoliques guéris aux représentations de cette folie, en appelant médecins Beaulieu, Pélissier, Frogères, etc. qui en prolongent le succès. Les rôles les moins importans sont rendus avec une intelligence et une vérité dignes d'éloges.
Cet avis de l’éditeur est suivi du contrat de cession de la pièce à la Citoyenne Toubon
Nous soussignés, déclarons avoir cédé à la Citoyenne TOUBON les droits d'imprimer et de vendre Cadet Roussell’,ou le Café des Aveugles, nous réservant nos droits d'Auteurs par chaque représentation qu'on en donnera sur tous les Théâtres de la République française, nous autorisant du Décret des Représentans du Peuple sur les Auteurs dramatiques.
Signés CH. TISSOT et Jos. AUDE.
Le dispositif scénique est décrit avant le texte de la pièce :
Un théâtre sur un autre ; par conséquent, deux toiles, dont la dernière n'est pas encore levée. Un comptoir dans lequel figure une limonadière de bonne mine, divers personnages indiqués dans les scènes de la pièce, trois aveugles formant l'orchestre du petit théâtre ; et on voit çà et là plusieurs bols de punch en feu. On lit devant le petit théâtre une affiche illuminée annonçant Matapan, ou les Assassinats de l'Amour, tragédie.
Dans son étude des types populaires au théâtre (Paris, 1870, p. 164-167), Ludovic Celler accorde une belle place à ce qu'il présente comme le premier Cadet Roussel :
Ce fut le 13 février 1793, que sur le théâtre du Palais fut représenté Cadet-Roussel ou le Café des aveugles, par Aude et Tissot ; le sous-titre montre qu'à cette époque le Café des aveugles était dans tout l'éclat de sa réputation ; au lieu du simple sauvage que l'on y voyait il y a quelques années, des aveugles y tenaient l'orchestre, et il y avait un petit théâtre sur lequel on jouait la comédie.
La pièce de Cadet-Roussel se compose de deux parties : une comédie-vaudeville (presqu'une comédie-opéra, tant la musique y tient une place importante), et une tragédie en vers intercalée dans l'action. La scène représente « un théâtre placé sur un autre » – par conséquent se trouve au fond une seconde toile non encore levée ; sur le devant, est un comptoir dans lequel figure une limonadière de bonne mine ; il y a aussi trois aveugles formant l'orchestre du petit théâtre ; on voit çà et là flamber plusieurs bols de punch et on lit devant le théâtre du fond une affiche illuminée annonçant :
MATAPAN OU LES ASSASSINATS DE L'AMOUR
TRAGÉDIE
Les comédiens attendent le public ; les moindres détails indiqués dans la mise en scène témoignent du soin apporté à représenter exactement le Café des aveugles qui servait de cadre à l'action et que chacun connaissait.
L'édition originale que nous avons eue entre les mains est annotée par un contemporain; il existe un renvoi caractéris[ti]que du temps. Un aveugle doit chanter un couplet :
Les femmes et le vin
Cela m'accommode...
Mais le couplet est biffé, et en marge est écrit: UN MORCEAU PATRIOTIQUE. Au reste il y a dans la pièce d'autres allusions aux faits du moment. Bellepointe, soldat galant, chante des couplets en honneur des volontaires.
Enfin l'orchestre fait entendre la musique de Cadet-Roussel ; les habitués reprennent en chœur. Cadet est comédien au Café des aveugles, le but de ses désirs ! Le jour même il a été engagé et va débuter pour remplacer un acteur qui est malade et dont il prend le rôle dans Matapan.
La toile du fond se lève et la tragédie commence, tragédie-burlesque, et qui laisserait le public d'aujourd'hui très-froid – les plaisanteries les mieux réussies à une époque s'éventent comme des liquides aigris et perdent toute leur gaieté lorsque quelques années ont passé sur elles. Il y a toutefois une situation assez comique résultant du mélange du public du premier théâtre et des acteurs de la tragédie.
Cadet-Roussel, dans le rôle de Blondinet, va boire le poison versé par le tyran, quand sa famille, assise dans le café, lui crie : « Cadet ! ne bois pas ça ! c'est du poison !!... » La tragédie s'interrompt et Cadet explique aux siens que « c'est dans la pièce. » — « Non, reprennent les autres, on l'a dit quand tu n'y étais pas ! Ne bois pas ça ! — Mais c'est pour rire ! — Eh bien! que les autres boivent d'abord ! »
Les autres acteurs goûtent le breuvage en riant. Blondinet boit alors et, reprenant le rôle interrompu, il tombe. « Au secours ! » hurlent les Rousselles, et ce n'est qu'à grand'peine que Cadet se relevant parvient à les rassurer.
Mais tout cet intermède a indisposé le public.
Cadet reçoit des boulettes de pain et de papier ; il s'arrête et prie ses parents de surveiller la cabale ; la canonnade augmente et, mitraillé, il est obligé de quitter la scène avant la fin de la tragédie. Peu après, un caporal et quatre soldats surviennent et vu l'heure tardive, se fâchent et font évacuer le café avec un langage émaillé de jurons, qui ne donne pas une haute idée de la mansuétude militaire de l'époque.
« Oh ! que c'est bête ! Oh! que c'est superbe ! » telles furent les deux exclamations qui résumèrent, en 1793, l'opinion des spectateurs. Beaulieu (qui créa le rôle de Cadet), Pélissier, Frogères, furent proclamés les vrais et seuls médecins des gens tristes, et Cadet-Roussel fut définitivement installé au répertoire. (Brunet joua des Cadet-Roussel jusqu'en 1842, et le catalogue Goizet indique 28 C. R.) — Du théâtre, Cadet retourna dans la chanson politique ; on fit des couplets où on le comparait, ou plutôt où on lui comparait Dumouriez, Lafayette et l'abbé Maury.
28 C. R. : voilà qui veut dire que le catalogue de Goizet énumère 28 pièces mettant Cadet Roussel sur la scène.
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