Cagliostro, ou la Séduction

Cagliostro, ou la Séduction, opéra-comique en trois actes, de Saint-Cyr et Dupaty, musique de Dourlen et Reicha, 27 novembre 1810.

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Titre :

Cagliostro, ou la Séduction

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

27 novembre 1810

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique

Auteur(s) des paroles :

Saint-Cyr et Dupaty

Compositeur(s) :

Dourlen et Reicha

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 15e année, 1810, tome VI, p. 135 :

[Le compte rendu ne ménage pas la pièce : son intrigue est pauvre (les ruses de Cagliostro « se bornent à faire croire » à une jeune naïve qu’elle doit se soumettre à Cagliostro... Et le dénouement est convenu : Cagliostro est démasqué, et il s'enfuit. Les décors sont décevants, et ils sont loin de « faire disparaître les grands défauts de la pièce ». De plus, la musique n’a pas d’intérêt.]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE.

Cagliostro, ou la Séduction, opéra comique en trois actes, joué le 27 novembre.

Ce fameux Cagliostro, dont les intrigues ont eu tant de succès dans toute l'Europe, n'en a pas eu sur le théâtre de l'Opéra-Comique. Son rôle, dans la pièce nouvelle, est celui d'un charlatan grand parleur, dont toutes les ruses se bornent à faire croire à une jeune fille que son amant est mort, et qu'elle-même est transportée dans les régions célestes. Son ravisseur se donne à elle pour un Sylphe. Heureusement que l'amant reparaît à temps, au moment même où Cagliostro alloit, disoit-il, évoquer son ombre. La justice veut s'emparer du charlatan ; mais il s'étoit ménagé une porte de derrière, et il disparaît au milieu des flammes.

Tout cela est orné d'un petit accompagnement de souterrains,de changemens à vue et de trappes,qui n'ont pu faire disparaître les grands défauts de la pièce. La musique n'a pas contribué à la soutenir : on n'avoit depuis longtemps rien entendu de plus foible.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1811, p. 266-270 :

[Pour rendre compte de la pièce, le critique commence par faire la liste « des imposteurs et des scélérats célèbres » mis sur la scène, personnages qu’il juge « peu comiques », mais qui suscitent dans le public un vif intérêt comparable à celui que fait naître « une exécution en place de Grève ». Cagliostro dont il parle ensuite est présenté comme un « fourbe » dont la vie et la mort « sont aujourd'hui également obscures et oubliées ». Il le montre comme un escroc ayant influencé largement la société du temps, riche en charlatans. Ayant fréquenté l’Orient, il a su utiliser la crédulité de ses contemporains. On arrive enfin à la pièce. Elle vaut surtout par sa mise en scène (prestiges, décorations, machines, spectacles, illusions). Tous ces éléments ne valent pas aux yeux des gens de goût « de bonnes scènes, des caractères plaisans, des situations comiques, un dialogue vif et naturel » (il manque bien des choses dans la pièce !). Après le résumé de l’intrigue, assez convenue, le critique reconnaît qu’elle a eu du succès, sauf pour le dénouement. Les interprètes sont jugés de façon favorable.]

Théâtre de l’Opéra-Comique.

Cagliostro, ou la Séduction, opéra comique en trois actes.

L'ouvrage est d'un genre neuf et singulier à ce théâtre : ce n'est pas qu'on n'ait souvent mis même sur la scène française des imposteurs et des scélérats célèbres. M. Devisé fit représenter avec succès la Devineresse, ou Mme. Jobin, fameuse intrigante qui, après avoir trompé tout Paris, fut condamnée à être brûlée vive. Legrand attira la foule lorsqu'il donna son Cartouche, dans le temps même où ce brigand, après avoir long-temps mis en défaut tous les limiers de la justice, fut enfin pris et roué vif. Ces personnages, il est vrai, sont peu comiques, mais ils excitent la curiosité presqu'aussi puissamment qu'une exécution en place de Grève.

Cagliostro ne peut avoir le même intérêt ; c'est une vieille histoire. Ce fourbe est mort à Rome dans les prisons du Saint-Office en 1795, au milieu de la révolution française : sa vie et sa mort sont aujourd'hui également obscures et oubliées. Beaucoup de gens ignorent que Cagliostro, quelques années avant la révolution, vint à Paris se moquer de nous et narguer nos arts, nos sciences, notre philosophie. Combien d'esprits forts, qui méditaient la réforme du genre humain, se laissèrent duper par les forfanteries de ce jongleur ! Combien de sages, qui ne croyaient pas à notre Evangile, crurent aux mystères de Cagliostro ! Jamais les charlatans n'eurent plus beau jeu qu'à cette époque : jamais la bonne compagnie ne fut plus crédule, plus frivole, plus superstitieuse. On vantait les miracles de Mesmer, on allait chercher des crispations à son baquet, on s'extasiait aux accens de son harmonica ; les somnambules, les prophètes, les visionnaires, jouissaient du plus grand crédit. Cagliostro, qu'on appellait le grand copte, célébrait, à la barbe de l'académie française, les mystères égyptiens ; il ne faisait pas moins de dupes que les imposteurs politiques : il procurait à l'un un entretien avec Cicéron; à l'autre un tête-à-tête avec Cléopâtre ; à celui-ci un souper, avec Aspasie ; à celui-là une nuit de Phryné. Ses prestiges renversèrent plusieurs têtes, qui pour être plus illustres, n'en étaient pas plus fortes ; cependant grâce à la philosophie du siècle, on ne le brûla point, mais on le mit à la Bastille. A Rome, où l'on était bien moins philosophe qu'à Paris, on le mit à l'inquisition; et par une modération très-exemplaire, on ne le condamna qu'à une prison perpétuelle.

C'était un Sicilien, né à Palerme ; son véritable nom était Joseph Balsamo ; il avait beaucoup voyagé dans l'Orient, où il n'avait guère exercé d'autre imposture que celle de la médecine, et d'autre métier que celui de marchand de pillules ; mais dans le nord de l'Allemagne, où la philosophie lui avait préparé les voies en détruisant les anciennes croyances, il répandit avec succès sa doctrine et ses mystères. L'homme est fait pour croire quelque chose ; et quand on lui ôte ses vieux principes, ses vieux préjugés, on ouvre toutes les portes de son imagination aux plus grossières fourberies du premier charlatan qui se présente. Si nous n'avons que le choix des erreurs, la vraie philosophie consiste à nous en tenir aux erreurs les moins nuisibles à la société et à l'humanité.

Le principal mérite de la pièce nouvelle est en prestiges, en décorations, en machines, en spectacles, en illusions de toute espèce ; ce qui inspire au plus grand nombre une certaine terreur. Les esprits froids et calmes n'éprouvent que de l'ennui et de la fatigue ; les gens de goût aimeraient mieux de bonnes scènes, des caractères plaisans, des situations comiques, un dialogue vif et naturel.

Cagliostro habite un vaste château où il a préparé divers enchantemens pour étonner les sots : les secrets de la chimie, de la physique, font la plus grande partie de cette diablerie ; mais l'emploi que fait la méchanceté humaine de ces sciences innocentes n'est pas moins criminel. Le fourbe récèle dans ses souterrains Lydia, jeune dame polonaise, enlevée à ses parens par un comte qui en est éperduement amoureux ; mais comme on ne s'avise jamais de tout, il a laissé s'introduire dans le château un autre jeune seigneur nommé Ernest, amant aimé de Lydia. Cet amant, après avoir couru les plus grands dangers, parvient enfin à délivrer sa maîtresse par le secours d'un petit page de Cagliostro. La pièce a été fort applaudie, à l'exception du dénouement, qu'on a mal reçu.

Mme. Belmont joue Lydia avec une grace charmante ; elle serait plus propre à jouer d'excellentes scènes de comédie qu'à se prêter à des illusions et à des prestiges ; sa beauté et son talent sont des moyens de séduction plus puissans que tous ceux de Cagliostro. Mme. Haubert Lesage est très-agréable dans le petit page ; et Lesage est tout-à-fait comique dans le rôle de Lumino, concierge des illuminés. Huet joue le comte ; Paul, Ernest ; tous les deux avec beaucoup de chaleur et de sensibilité. Le grand enchanteur, que j'ai réservé pour la fin, c'est Martin, qui enchante réellement tous les auditeurs par la mélodie de son chant et l'agrément de sa voix.

[Le Journal de Paris permet de repérer 6 représentations, du 27 novembre au 10 décembre 1810.]

[D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 173, le livret de Cagliostro, ou les Illuminés, titre alternatif de Cagliostro ou la Séduction, est de Révéroni Saint-Cyr et Emmanuel Dupaty, la musique de Victor Dourlen et Anton Reicha. L'opéra comique a eu 7 représentations.]

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