Camille, ou Amitié et Imprudence, drame en cinq actes et en vers, de Constance de Salm, 9 Ventôse an 8 [28 février 1800].
Théâtre de la République
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Titre :
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Camille, ou Amitié et imprudence
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Genre
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drame
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Nombre d'actes :
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5
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Vers ou prose ,
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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9 ventôse an 8 [28 février 1800]
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Théâtre :
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Théâtre de la République
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Auteur(s) des paroles :
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Constance de Salm (madame Pipelet)
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Almanach des Muses 1801
Le roman connu sous le titre de Lettres de deux Filles de ce siècle, avait fourni à l'auteur le sujet de son drame. Les trois premiers actes avaient été assez généralement accueillis, il n'en fut pas de même des deux derniers ; la sévérité du public qui n'avait point toléré les défauts en faveur des beautés, engagea l'auteur à retirer son ouvrage après la première représentation.
L’Esprit des journaux français et étrangers, vingt-neuvième année, tome VI, pluviôse an VIII [février-mars 1800]p. 212
[Le critique ouvre son compte rendu par des propos désolés : le public est injuste, qui ne reconnaît pas le vrai mérite, s’enflamme pour une œuvre sans consistance, et condamne sans pitié une œuvre en cinq actes et en vers (c’est le sommet dans la hiérarchie des pièces) qui a demandé travail et étude. C’est ce qui est arrivé à Camille, appréciée par les « connoisseurs » pour ses « détails heureux, deux beaux caractères, & un style presque toujours élégant & précis », mais victime des « rigoureux improbateurs, à cause de quelques vices d'ensemble & de contexture ». L’analyse du sujet accorde une large place à l’avant-scène, avant de compter les malheurs de Camille (on est dans un drame, donc elle meurt à la fin, juste au moment où on allait la sauver). Reste à porter un jugement sur une pièce pour laquelle le critique a de la sympathie, mais qui a lourdement échoué. La première explication de l’échec d’une pièce présentant pourtant « des situations intéressantes », c’est qu’elle ne respecte pas l’unité d’action (le critique parle de « duplicité de problême dramatique » : l’aveu de Camille et le pardon qu’elle obtient fait qu’il faut que la pièce rebondisse sur une péripétie forte, ce que l’auteur n’a pas su faire, d’autant qu’il n’a pas osé montrer, par respect des bienséances, de vrais corrompus. Et il n’a pas été servi par les acteurs jouant les rôles de ces corrompus. Le critique impute cet échec à l’inexpérience de l’auteur en matière dramatique, et il peut donc progresser dans ce domaine. Mais il met aussi en cause la présence de gens malveillants, capables de siffler ce qui est le plus admirable. La pièce a été retirée par son auteur, qui serait une femme (c’est vrai, d’ailleurs), et ce retrait paraît regrettable, puisqu'il nous prive de voir Mlle. Vanhove.
Petite note accessoire : dans cet article, les hommes continuent à être appelés Citoyen, tandis que les femmes sont (re)devenues des demoiselles.]
THÉATRE FRANÇAIS DE LA RÉPUBLIQUE.
Camille, ou Amitiè & imprudence, drame en cinq actes & en vers.
Il seroit difficile de déterminer, encore plus de prévoir les causes des variations de ce thermomètre, qui dans la carrière dramatique marque tantôt l'indulgence & tantôt la sévérité : on voit le public supporter aujourd'hui sans impatience une bluette insignifiante, accueillir, avec transport, un ouvrage sans couleur, dont la facilité devroit le rendre plus sévère, & le lendemain il repousse sans égard, sans pitié, sans discernement, une pièce en cinq actes en vers, fruit de plusieurs mois de méditations & d'études, dont la difficulté seule devroit être un motif d'estime, surtout quand de véritables beautés y balancent les défauts & caractérisent un talent réel.
Ces réflexions viennent naturellement à la suite d'une représentation de Camille, drame où les connoisseurs avoient applaudi une foule de détails heureux, deux beaux caractères, & un style presque toujours élégant & précis, & qui cependant n'a pu désarmer les rigoureux improbateurs, à cause de quelques vices d'ensemble & de contexture.
Une jeune orpheline, malheureusement livrée, au sortir de l'enfance, à des sociétés suspectes, a été entraînée dans des erreurs de jeunesse, par la séduction d'une amie inconsidérée, à qui elle doit tout ensemble, & des bienfaits réels, & la perte de sa première innocence : éclairée assez promptement sur l'inconvenance de sa conduite, elle s'est retirée au fond d'une campagne où elle se flatte de vivre in[c]onnue, seule avec ses remords : mais elle a dix-huit ans, elle est aimable, sensible & voisine d'un jeune baronnet qui s'enflamme pour elle avec toute la violence d'un premier amour : des parens orgueilleux, une mère hautaine, veulent détourner le jeune homme d'une liaison dont l'objet leur est inconnu, & ne font qu'irriter sa passion brûlante. Camille se sent elle-même disposée à partager l'amour qu'elle inspire, & ses remords ne pèsent que davantage sur son ame : fera-t-elle ou non l'aveu de ses torts ? Quel combat entre l'amour & l'honneur ! Elle se détermine à tout dire à son amant : Robert est atterré : mais bientôt sa passion qu'il combat vainement, triomphe de l'orgueil & des représentations d'une mère : il ne voit plus que la sublimité de l'aveu de Camille. Son repentir efface toutes ses fautes, & cette mère elle- même, cédant à l'estime que lui arrache Camille, & craignant de perdre son fils, va consentir à leur union ; lorsque Nanci, cette amie inconsidérée qui croit au contraire Camille perdue par son aveu, qui veut l'arracher à tout prix à sa solitude & à sa douleur, imagine de l'attirer chez elle : sûre d'intéresser sa sensibilité, elle lui mande qu'elle est à la mort, & qu'elle a besoin de la voir : la ruse réussit : Camille toujours généreuse & reconnoissante, croit de son devoir de voler chez son ancienne bienfaitrice ; & sans en prévenir Robert, elle part de nuit, arrive chez Nanci : mais loin de la trouver mourante, elle tombe au milieu d'une espèce d'orgie, entre des femmes de mauvaise conduite & des hommes corrompus qui l'attendent pour lui faire partager leurs plaisirs : furieuse de sa méprise, & rougissant avec raison de ces relations que lui interdit sa position actuelle, elle veut fuir; il n'est plus temps : Robert a sû son départ ; il l'a suivie ; il arrive, & se croit victime d'une infâme trahison : Camille au désespoir d'être soupçonnée & d'avoir toutes les apparences contre elle, se tue au moment où la mère de Robert arrivoit pour la justifier.
Certes, ce sujet imité librement d'un roman connu, présente des situations intéressantes, & dont l'auteur avoit souvent vaincu les difficultés avec adresse : son unique défaut est de présenter peut-être duplicité de problême dramatique. C'est d'abord sur l'aveu de Camille que roule l'intérêt le plus puissant : une fois fait au second acte, & pardonné au troisième, les ressorts employés pour opérer une péripétie, un changement de situation deviennent un peu trop foibles , & l'intérêt paroît décroître : peut-être aussi les bienséances rigoureuses ont-elles forcé l'auteur à affoiblir le nœud en ne donnant pas à ses personnages corrompus une physionomie assez prononcée : ils ont été de plus très-foiblement joués ; chargés de détails expositifs très-essentiels, le C. Dupont & mademoiselle Mézerai n'ont pas mis assez de soins à les développer & à en faciliter l'intelligence.
Mais le reproche fondé que pouvoient subir les deux derniers actes, devoit il faire oublier la beauté soutenue du second tout entier , qui avoit enlevé tous les suffrages ? devoit - il faire oublier l'intérêt du rôle de Camille constamment applaudi, la noblesse énergique de celui de sa mère, joué avec beaucoup de soin & d'intelligence par Mlle. Thénar, les détails profondément sentis de celui de Robert ; enfin, cette foule de vers heureux annonçant une plume distinguée ?
Il est donc vrai de dire que si l'auteur avoit eu autant de connoissance de la scène, que de talent de penser & d'écrire, son ouvrage eût complètement réussi : il ne doit pas se décourager ; car le métier s'apprend, même assez promptement, & ce n'est pas le talent qui lui manque, c'est l'habitude.
On ne peut révoquer en doute qu'il n'y ait eu quelque malveillance prononcée : il suffira d'en citer, pour preuve, les mal-adroits sifflets dont on a essayé de couvrir ce vers, l'un des plus beaux de la pièce.
Quand l'ame est sans remords, le regard est sans crainte,
L'auteur, cédant sans doute aux conseils du goût & de l'amitié, a retiré cet ouvrage sans abandonner sa carrière : une lettre insérée dans le Journal de Paris, nous apprend qu'il est d'une femme déjà très avantageusement connue dans les lettres par un succès dramatique, & par plusieurs épîtres agréables : on sait qu'elle plaide avec constance & succès la cause des femmes auteurs : si elle continue, son propre exemple sera un de ses meilleurs argumens.
Il est fâcheux que cet ouvrage ne reparoisse plus ; le public y trouvoit un nouveau motif d'applaudir au talent supérieur de Mlle. Vanhove : il est difficile de se faire une idée de la profondeur qu'elle a développée dans ce rôle difficile, & du charme intéressant qu'elle lui a donné depuis le premier vers jusqu'au dernier.
Dictionnaire néologique des hommes et des choses, par le Cousin-Jacques, tome second (vers 1800), p. 476 :
Camille ou Amitié et Imprudence, comédie en vers et en 5 actes, représentée pour la première et dernière fois en 1800, sur le Théâtre Français. La chute de cette pièce n'a servi qu'à confirmer de plus en plus cette vérité si souvent démontrée par l'expérience, « que les femmes ne doivent pas s'exposer sur la scène dans des ouvrages de longue haleine, qui exigent de la tenue, des réflexions et une grande connaissance des effets dramatiques. »
Mais elle a prouvé aussi aux connaisseurs impartiaux, « que les femmes peuvent tout aussi bien et peut-être mieux que nous, cultiver la Littérature en tout ce qui n'exige que de l'esprit, de la délicatesse et de la sensibilité. »
Au reste, Madame Pipelet, auteur de Camille, a fait ses preuves dans la carrière littéraire.
Madame Pipelet, c'est Constance Marie de Théis, princesse de Salm par son mariage en secondes noces avec le prince de Salm (en 1802). En premières noces, elle avait épousé, en 1789, M. Pipelet, chirurgien-accoucheur renommé.
La base César ne connaît pas Camille, ou Amitié et Imprudence (mais elle a été créée en 1800) : de la princesse de Salm, elle ne connaît que Sapho.
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