Caroline et Dorville, ou la Bataille des Dunes, mélodrame en trois actes, d'A. J. Leroy [de Bacre], musique de Demoranges, mise en scène et ballets d'Aumer, 4 janvier 1806.
Théâtre de la Porte Saint-Martin.
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Titre :
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Caroline et Dorville, ou la Bataille des Dunes
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Genre
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mélodrame orné de danses, combats et évolutions militaires
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Nombre d'actes :
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3
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Vers ou prose ,
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en prose
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Musique :
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oui
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Date de création :
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4 janvier 1806
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Théâtre :
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Théâtre de la Porte Saint-Martin
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Auteur(s) des paroles :
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A. J. Leroy
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Compositeur(s) :
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Demoranges
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Chorégraphe(s) :
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Aumer
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Almanach des Muses 1807.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1806 :
Caroline et Dorville, ou la Bataille des Dunes, mélodrame en trois actes, Orné de Danses, Combats et Evolutions militaires. Paroles de M. A. J. Leroi. Musique de M. Demoranges. Mise en scène et Ballets de M. Aumer, artiste de l'Académie Impériale de Musique. Représenté, pour la première fois, sur le théâtre de la Porte St.-Martin, le 4 Janvier 1806.
Sur la page suivante :
Au digne descendant du Grand Turenne, Godfroy de la TOUR D'AUVERGNE, Colonel propriétaire du régiment de ce nom.
A. J. Leroy,
Ancien officier.
Demoranges.
Courrier des spectacles, n° 3264 du 5 janvier 1826, p. 2 :
[Simple annonce du succès, qui est aussi l'occasion d'une flatterie adressée « aux armées françaises », et aussi « au héros qui les guide », et qu'il est inutile de nommer. Il y aura « un compte plus détaillé ».
Théâtre de la Porte St-Martin.
Caroline et Dorville, ou la Bataille des Dunes.
Ce mélodrame , qui a obtenu du succès, a pour personnage principal le grand Turenne. Ce nom qui rappelle tant de gloire militaire, a fourni aux auteurs l’occasion d’adresser de nouveaux hommages aux armées françaises ainsi qu’au héros qui les guide. Les auteurs sont, pour les paroles, M. Leroi ; pour la musique, M. Demorange, et pour les ballets, M. Aumer. Nous rendrons un de cet ouvrage.
Courrier des spectacles, n° 3265 du 6 janvier 1826, p. 2 :
[Un vrai compte rendu, après le court article de la veille. Le critique commence par situer historiquement la pièce : elle met sur la scène le grand Turenne, dont la mort avait déjà fourni un mélodrame à succès. Cette fois, c'est la bataille des Dunes, en 1658, qui sert defonds à la pièce. Comme il faut mettre plus qu'un combat sur la scène, l'auteur y a joint une intrigue sentimentale. Et le critique résume une intrigue typiquement mélodramatique, avec un héros qui est jeté en prison pour avoir tardé à paraître au combat, qu'on aide à s'échapper et qui, lors d'un second combat, emporte la décision. Plus de punition : Turenne absout le jeune Dorville, et le marie, au milieu des festivités célébrant la victoire, à sa bien aimée, Caroline. Une fois ce dénouement peu inattendu connu, il ne reste plus à dire tout le bien qu'on doit penser de la pièce : soin de la mise en scène, costumes du temps, combats très réalistes, ballets remarquables. La pièce est bien écrite et offre des situations intéressantes, la musique « fait honneur » à son auteur. Quant au texte, il contient des allusions « à, la gloire du chef victorieux de la France » : inutile, là non plus, de le nommer... L'article s'achève par un jugement très positif sur les divers interprètes. Si le compositeur a été nommé, pas de mention du nom de l'auteur des paroles, ni de celui du chorégraphe.]
Théâtre de la Porte St-Martin.
Caroline et Dorville, ou la Bataille des Dunes.
En produisant sur la scène un des plus grands capitaines dont la France s’honore, et dont le nom occupe un des premiers rangs sur la liste des hommes célèbres du siècle de Louis XIV, on devoit espérer un accueil favorable du public. D’autres avoient déjà tenté la même épreuve dans un mélodrame intitulé la Mort de Turenne, et le nom de ce héros, aussi bien que l’intérêt de la pièce, en avoit assuré le succès. Les auteurs de Caroline et Dorville ont présente Turenne dans une autre circonstance non moins glorieuse pour lui que celle de sa mort. C’est à la bataille des Dunes, gagnée sur les Espagnols, en 1658, et suivie de la prise de Dunkerque. Mais le récit d’un simple combat, ou même la vue d’une mêlée ne suffisent point au théâtre ; le cœur veut être intéressé, aussi bien que les yeux ; il a donc fallu coudre à ce fait historique une intrigue dont voici l’explication :
Dorville est colonel dans l’armée française, campée devant Dunkerque ; c'est un jeune officier plein d’honneur et de courage, et qui a souvent reçu de son général des preuves honorables d’estime et de satisfaction. Il est aimé de Caroline, fille du Gouverneur de Calais, à laquelle il doit être uni après la campagne.
Turenne ordonne une bataille. Avant de s'y rendre , Dorville veut aller voir un instant sa maîtresse. Mais il oublie le tems auprès d’elle. L’heure du combat sonne. Il ne se trouve point à sou poste, et la victoire est remportée avant qu’il ait pu rentrer dans ses rangs. Turenne instruit de son absence, ordonne qu’on l’arrête ; le jeune guerrier au désespoir veut terminer ses jours. Caroline arrête sa main, et il est conduit en prison ; mais l’ennemi vaincu se rallie , et marche sur Calais. Les Français courent aux armes. Le major Saint-Clair, ami de Dorville, se rend à la prison, délivre son ami, et lui fait prendre ses habits. Dorville vole au combat, enfonce les rangs ennemis, et avec ses braves compagnons parvient à sauver le camp et son général.
Ce trait héroïque désarme la sévérité de Turenne, et la discipline militaire cède à la reconnoissance. La victoire est célébrée par des Fanfares et des danses ; les armes et les chapeaux sont ornés de branches de lauriers, et le héros unit lui-même Dorville à Caroline.
Ce mélodrame est monté avec soin. Les costumes du tems y sont bien imités ; l’image des combats produit une illusion frappante. Les ballets, sur-tout celui de la fin, sont remarquables par plusieurs jolis pas où brillent les premiers sujets de la danse. L’ouvrage, écrit avec beaucoup de pureté, offre plusieurs situations intéressantes, et la musique fait honneur à l'auteur, M. Morange. Le public a saisi, et vivement applaudi differentes allusions à la gloire du chef victorieux de la France ; plusieurs paroles remarquables de Turenne ont rappelé celles du monarque Français, et ce souvenir n’a pas peu contribué à entretenir la bienveillance du public.
Les rôles sont joués avec tout l’ensemble que l’on peut désirer ; Adnet, Bourdais, Dugrand, Dherbouville et Philippe, mesdames Bourdais et Descuyers ont tous obtenu des marques de faveur du parterre, pour la manière dont ils ont représenté les divers personnages dont ils étoient chargés.
L'Esprit des journaux français et étrangers, 1806, tome II (février 1806), p. 289-292 :
[Le compte rendu commence par constater que la pièce associe amour et guerre, et que la guerre est bien présente dans ce mélodrame, comme le mariage dans les comédies. Il relie ces images de combats à la multiplication des « chants de triomphe » dans la France impériale. La bataille des Dunes, sujet d ela pièce, est présentée, et comparée à la reine des batailles, celle d’Austerlitz. A cette évocation de la bataille où Turenne s’est illustré, la pièce associe une intrigue amoureuse, qui est jugée intéressante. Cette intrigue secondaire est rapidement résumée : elle est reliée à Turenne, dont le héros sauve la vie. Le portrait de Turenne est jugé conforme à ce qu’enseigne l’histoire (« sa modestie, sa simplicité, sa sagesse, son humanité ». Il n’est surpassé que par Napoléon, qui associe « les qualités de Turenne à celles de Condé ». Les interprètes cités sont remarquables, tout comme le ballet composé par Aumer.]
Théâtre de la Porte St.-Martin.
Caroline et Dorville, ou la bataille des Dunes.
Le premier titre annonce l'amour ; le second, la guerre : entre ces deux objets il y a plus d'affinité qu'on ne pense. Une bataille sur la scène est bien plus extraordinaire qu'un mariage ; mais par la constitution des mélodrames, les batailles y sont devenues presqu'aussi communes que les mariages dans les comédies. Ce nouveau mélodrame offre même deux batailles, ou, si l'on veut, deux combats ; il est tout militaire d'un bout à l'autre ; le canon s'y fait entendre depuis le commencement jusqu'à la fin ; la salle retentit des décharges de la mousqueterie. Heureux les spectateurs qui contemplent avec sécurité cette image pacifique du meurtre et de la destruction, et qui se font un jeu de ce qu'il y a de plus épouvantable dans la société humaine !
Lorsque tout retentit autour de nous de chants de triomphe, il est juste que nos théâtres nous entretiennent aussi de notre gloire. La bataille des Dunes, qui a fait tant d'honneur à l'un des plus grands capitaines du XVIIe. siècle, était bien peu de chose en comparaison de la bataille d'Austerlitz. Turenne avait neuf mille hommes d'infanterie et six mille chevaux ; les ennemis n'en avaient pas davantage ; leur canon n'était pas arrivé, et nous n'avions que cinq pièces de campagne : ce ne fut, à proprement parler, qu'une escarmouche, dont le principal fruit se borna à la prise de Dunkerque et de quelques villes de Flandre, Le traité des Pyrénées, qui peut en être regardé comme la suite, ne fut conclu que l'année suivante. Mais à Austerlitz, trois grands empires se sont heurtés, et le fruit de la victoire a été d'assurer à l'empire français la prééminence la plus juste et la plus glorieuse, à l'Europe la paix, les arts, la politesse, et bientôt la liberté du commerce maritime. S'il est vrai que l'importance d'une bataille se juge par ses résultats, celle d'Austerlitz doit l'emporter dans les fastes de la guerre sur les batailles d'Arbelle, de Pharsale et de Philippe.
L'auteur du mélodrame a cousu à la Bataille des Dunes une intrigue qui n'est pas sans intérêt : un jeune colonel nommé Dorville a quitté son poste par une inquiétude amoureuse ; à peine a-t-il fait cette fausse démarche, qu'on livre bataille ; son absence est remarquée du général. Le conseil de guerre s'assemble pour le juger. Crillon voulait se pendre, parce qu'on avait donné une bataille à laquelle il n'avait pu assister. Que fera le colonel Dorville, qui ne s'est pas trouvé à une bataille où son devoir l'appellait ? Il est prêt à se donner la mort pour se dérober à l'infamie, lorsqu'un second combat lui fournit l'occasion de réparer sa faute; il se jette en désespéré dans la mêlée pour y chercher un glorieux trépas. Après avoir fait des prodiges de valeur, il sauve la vie au maréchal de Turenne, et du désespoir il passe au comble du bonheur.
Le maréchal est peint d'après l'histoire ; plusieurs traits de sa modestie, de sa simplicité, de sa sagesse, de son humanité ont été saisis, et l'on en a fait des applications très-justes au caractère du héros, qui donne lieu à ces spectacles et à ces fêtes. En réunissant les qualités de Turenne à celles de Condé; la prévoyance, l'habileté, les lumières de l'un ; l'activité, l'ardeur et le coup-d'œil rapide de l'autre ; on peut tracer le portrait d'un général accompli ; et ce portrait ne sera pas le beau idéal, le modèle est sous nos yeux.
Adnet représente Turenne ; Dugrand joue le rôle du gouverneur de Calais, père de Caroline, et Philippe celui du jeune Dorville : ces trois principaux personnages sont joués d'une manière satisfaisante. Le tout est terminé par des danses très-agréables de la composition de M. Aumer, exécutées par madame Quériau, Morand, Spitallier, Mérante, et tous les premiers sujets de ce théâtre, qui est l'opéra des Boulevards.
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