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Caton d'Utique (Campagne, non représentée)

Caton d'Utique, tragédie en cinq actes, en vers, par Jean-Victor Campagne, citoyen françois, &c. Laurent aîné.

Tragédie non représentée

Titre :

Caton d’Utique

Genre

tragédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

non représentée

Théâtre :

 

Auteur(s) des paroles :

Jean-Victor Campagne

Almanach des Muses 1797.

Imitation du Caton d'Adisson, auteur qui n'auroit point tant de célébrité, s'il eût écrit dans sa langue, comme Jean-Victor Campagne écrit en vers françois :

Déjà l'aube paroît : sa lueur triste et sombre
Précédant le soleil, éloigne à regret l'ombre, &c.

L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-quatrième année (an 4), tome V (septembre & octobre 1795, fructidor & vendémiaire an 4), p. 107-110 :

[Compte rendu plutôt sévère d’une pièce qui n’a pas été représentée, et que son auteur tente en vain de faire paraître sur un théâtre. Le critique reprend d’abord un article qui lui a été communiqué, et qui n’est pas très sévère. Lui-même l’est plus nettement : l’examen des premiers vers de la pièce sert à montrer qu’on est loin d’une écriture de qualité, seul un vers étant jugé « d’une grande beauté » après toute une série de critiques de détail. L’auteur ne peut pas « réclamer de l'indulgence pour des vers vicieux ou languissans, encore moins pour des infractions aux règles de la grammaire française » ou « pour le langage invraisemblable de certains personnages » (qui doivent évidemment parler selon la nature).]

CATON d'Utique, tragédie en cinq actes, en vers ; par JEAN-VICTOR CAMPAGNE, citoyen français, ancien officier d'infanterie, auteur de l'ode sur la prise de Toulon, & de plusieurs autres poésies lyriques.

» Le premier auteur anglais, dit Voltaire, qui ait fait une pièce raisonnable, & écrite d'un bout à l'autre avec élégance, est l'illustre Addisson. Son Caton d Utique est un chef-d'œuvre pour la diction & la beauté des vers. Caton y est grand sans enflure, & me paroît le plus beau personnage qui soit sur aucun théâtre, &c.

Jusqu'à prêtent les imitations du Caton anglais ont été malheureuses. Le citoyen Campagne, avantageusement connu par quelques poésies lyriques pleines de vers, d'enthousiasme & d'harmonie, a traité ce sujet difficile avec un succès qui lui présage celui qu'il obtiendroit sur la scène française. Pénétré de la lecture d'Addisson & de Métastase, il a profité avec art des belles scènes de ses deux modèles. Son style est nombreux, énergique, & répond à la grandeur de l'ame républicaine de Caton.

Nous engageons donc le citoyen Campagne à ne point se rebuter des obstacles dont le commencement de la carrière où il vient de se montrer, est trop malheureusement semé, & à ne point enfouir le grand talent dramatique qu'il annonce. «

Nous croyons servir l'auteur, en ajoutant quelques observations à cet article qui nous a été communiqué. L'écrivain, qui a du talent, gagne plus à la critique qu'aux éloges. Voici le debut du premier acte.

Maria, fille de Caton, ouvre la scène avec Lucia, fille de Lucius, sénateur romain. Elle lui fait la confidence de son amour pour César.

Déjà l'aube paroît ; sa lueur triste & sombre,
Précédant le soleil, éloigne à regret l'ombre ;
Déjà même, déjà
je vois naître le jour,
Le jour affreux, peut-être, & qui doit sans retour,
Enhardissant l'orgueil, les projets d'un seul homme,
Enfanter les destins de Caton & de Rome.
T'avouerai-je en secret le foible de mon cœur ?
Tu connois, comme moi, le superbe vainqueur,
Qui jusqu'ici, fixant les hasards de la guerre,
Sous ses pieds insolens foule presque la terre ;
Ce César, dont Caton redoute les desseins ;
Ce César, oppresseur de Rome & des humains.
Hé bien ! ma Lucia, je le dis à ma honte,
Un. penchant séducteur, qu'à peine je surmonte,
Souvent à mes regards le rend moins odieux,
Me peint ses grands talens, ses exploits glorieux ;
Les lauriers florissans qui croissent sur sa tête,
Et de la Gaule encor l'étonnante conquête.
Pour enchanter mon cœur que d'attraits a le sien !
Que César seroit grand, s'il étoit citoyen !

Nous croyons que le dernier hémistiche du premier vers, le second vers en entier, & le premier hémistiche du troisième sont à supprimer comme inutiles ; qu'au-lieu d'enfanter, il faudroit décider. Sous ses pieds insolens ; il est dans la nature que l'amour adoucisse cette expression. Ma Lucia, est d'un style trop familier. Les lauriers florissans qui croissent ; des lauriers ne peuvent être simultanément dans l'état de floraison & dans l'état de croissance. Et de la Gaule encore l'étonnante conquête. Ce qui signifie sans doute, & tout récemment, & sur-tout la conquête de la Gaule. Encor ne remplace pas, ni sur-tout, ni récemment. Le dernier vers, que César seroit grand, s'il étoit citoyen, est d une grande beauté.

La pièce en renferme beaucoup de cette force, & l'écrivain qui peut en produire de semblables, auroit mauvaise grâce à réclamer de l'indulgence pour des vers vicieux ou languissans, encore moins pour des infractions aux règles de la grammaire française, comme page 91, tu voudrois que je vive ; encore moins pour le langage invraisemblable de certains personnages, comme de celui de Sempronius, qui cesse d'être le langage d'un fourbe, quand il dit, page 18 :

Vous me connoissez mal, je passe en fourberie
Les courtisans d'Afrique & de votre patrie,
Je cache mes projets.

Sans doute, comme l'auteur de l'article communiqué, nous exhortons le cit. Campagne à ne pas se rebuter, mais aussi nous exhortons ses amis à former un tribunal sévère, où sa pièce passera par le scrutin épuratoire & dans son ensemble & dans ses détails. Qu'on ne lui dissimule rien ; qu'il soit traité à toute rigueur ; que les vers l'un après l'autre passent & repassent sur l'enclume d'Horace, tant que ce soit assez. A notre avis, voilà comme se montre l'amitié.

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