Célestine, ou Amour et innocence

Célestine, ou Amour et innocence, comédie en 4 actes, imitée de l'allemand de Soden, de Boursault-Malherbe, 31 janvier 1807.

Théâtre des Variétés Étrangères.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Antoine-Auguste Renouard, 1807 :

Célestine ou Amour et innocence; comédie en quatre actes, imitée de l'allemand de Soden : Représentée, pour la première fois, sur le théâtre des Variétés Étrangères, le 31 janvier 1807.

Le nom de l'auteur français n'est pas donné dans la brochure, pas plus qu'il ne l'est dans le compte rendu du Courrier des spectacles.

Courrier des spectacles, n° 3643 du 1er février 1807, p. 2 

Le Théâtre des Variétés Etrangères qui donne des nouveautés deux ou trois fois par semaine, vient de nous donner Amour et innocence ; c’est un drame en quatre actes, dont la représentation a obtenu du succès. (Nous en parlerons avec plus d’étendue.

Courrier des spectacles, n° 3644 du 2 février 1807, p. 2-3 :

[Ce que la brochure qualifie de « comédie » est pour le critique un « drame » dont l'héroïne vient tout droit du monde du théâtre et du roman. Elle est comparée à Antigone, mais l'Antigone d' Œdipe à Colone, accompagnant son vieux père aveugle. Sauf que ce n'est pas son vieux père que Célestine accompagne, mais un baron devenu aveugle qui s'est attaché à elle. A partir de là, le résumé de l'intrigue devient très compliqué, une obscure affaire de procès amenant le baron à accepter d'épouser une jeune fille en échange du gain de son procès. Comme à chaque fois, le père de Célestine revient des Indes juste au moment où le baron est près de faire son malheur et celui de Célestine en épousant cette Amélie qu'on lui donne comme moyen de refaire sa fortune. Le père se présente comme oculiste, ce qui est très opportun, puisqu'il va pouvoir guérir le baron, à qui il comprend combien on le manipule en lui faisant épouser Amélie : il épouse donc Célestine, tandis qu'Amélie, délivrée de ce que lui imposait sa mère, épouse celui qu'elle aime. Reste au critique le soin de porter un jugement sur la pièce dont il n'est pas du tout certain qu'il l'ait parfaitement comprise. Un « roman de Théâtre », dont l'intérêt se noue seulement au troisième acte (au milieu de la pièce donc. Gaîté et sensibilité, comique et attendrissement : « tous les défauts et tous les avantages du drame », un genre dont on sait bien que le monde du théâtre sérieux n'a guère d'estime pour lui. Le critique invite ses lecteurs à voir « une production qui n'est point sans mérite et qu'on peut voir avec intérêt ». L'article s'achève sur une appréciation positive de deux actrices, l'une qui tient « un petit rôle de Paysan » et qui a fait rire, et celle qui joue Célestine, une « jeune actrice très prometteuse, et qu'il faut mettre en garde contre une prononciation peu soignée (mais ce conseil est destiné à la servir).]

Théâtre Molière, Variétés Etrangères.

Célestine, ou Innocence et Amour.

L’héroïne de ce drame est un de ces phénix qu'on ne trouve que dans les comédies et les romans. C’est une nouvelle Antigone, qui suit, non pas son père, mais un homme aveugle qu’elle aime passionnément ; elle l’accompagne, le conduit partout, sans que jamais une parole la trahisse, sans que sou innocence éprouve la moindre altération. Son Œdipe n’est point un vieillard ; c’est un homme d’un âge moyen, auquel Célestine doit son éducation et son bonheur ; ainsi c’est la reconnoissance qui forme entre eux le premier lien.

Cette Célestine est fille d’un comte de Rhinwald, que des intérêts très-puissans obligent de partir pour les Indes. Il confie sa fille à un conseiller nommé Renard, en assurant les fonds pour la pension. Le Conseiller est un frippon qui touche la pension, et se défait de l’enfant en faveur d'un de ses amis, intendant du baron d’AIberg. On juge bien qu’il cache le secret de sa naissance. La petite fille est élevée sous le nom d’Ernestine ; elle croît en grâce et en vertu , et devient agréable aux yeux du Baron ; mais ce Baron ne conserve pas long-tems les yeux. Une maladie le prive de la vue. Célestine s’attache à lui, devient son Antigone, et conçoit même de tendres sentimens pour son bienfaiteur. Pour être privé de la vue, on n’est pas privé de l’avantage d’aimer les femmes. Le Baron, veuf depuis quelques années, conçoit le projet de se remarier. Un procès considérable l'occupe beaucoup. On lui propose de le terminer en épousant la fille d’une comtesse de Pimpèche, sa partie adverse. Il accepte la proposition, et se dispose à donner la main à la jeune Amélie. Celle-ci est déjà pourvue d’un amant nommé le colonel de Beaulieu. Elle auroit bien voulu résister, car le Colonel est jeune et n’est pas aveugle ; mais l’amour filial l’emporte ; elle consent à tout.

Au moment où les nôces se préparent, Rhinwald arrive des Indes, et pour s’assurer de ses gens, il ne s’annonce que comme oculiste. Le baron d’Alberg étoit son ami. Il apprend qu’il est privé de la vue ; il se rend chez lui pour la lui rendre ; et découvre en même tems que ce pauvre Baron est dupe d'intrigans qui veulent profiter de sa cécité pour lui faire épouser la mère d’Amélie au lieu d Amélie même. Il guérit le Baron, confond les fripons, interroge son Conseiller Renard, et s’assure que sa fille est la jeune Antigone, si tendrement attachée au Baron. Célestine ne dissimule point son amour ; son bienfaiteur est ravi de sa beauté autant que de ses soins ; il chasse les parens d’Amélie, épouse Célestine ; et comme Amélie n’a point trempé dans le complot de sa famille, il consent à son union avec le colonel Beaulieu.

Les deux premiers actes de ce roman de théâtre sont un peu froids ; l’intérêt se forme au troisième, et le quatrième est bien rempli. On y trouve un mélange de gaîté et de sensibilité, de scènes comiques, et de situations attendrissantes. La pièce a tous les défauts et tous les avantages du drame. C'est une production qui n’est point sans mérite, et qu'on peut voir avec intérêt.

Mad. d’Acosta joue d’une manière très-gaie un petit rôle de Paysan ; celui de Célestine est rempli avec une extrême intelligence par Mlle. Aldegonde. Cette jeune actrice annouce des dispositions assez-heureuses pour qu’on -puisse lai donner des conseils. Il faut donc l'engager à soigner davantage sa prononciation.

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