Charles II, roi d'Angleterre, en certain lieu, comédie très morale, en cinq actes très-courts, dédiée aux jeunes princes ; et qui sera représentée, dit-on, pour la récréation des États Généraux, par un disciple de Pythagore
Publiée à Venise [i. e. Paris] en 1789.
Note(s) : Attribué à Louis-Sébastien Mercier, d'après Barbier qui restitue le lieu d'édition
Sur la page de titre de la brochure, à Venise, 1789 :
Charles II, roi d'Angleterre, en certain lieu, comédie très-morale, en cinq actes très courts, dédiée aux jeunes princes, Et qui sera représentée, dit-on, pour la récréation des Etats Généraux. Par un Disciple de Pythagore.
Panem & circences.
La pièce est précédé d'un avant-propos (pages v-xj)
AVANT-PROPOS.
Nos poëtes tragiques sont de terribles gens ; ils ne mettent les rois sur la scene que pour les poignarder, les empoisonner, ou les découronner tout au moins. Nos poëtes comiques sont plus doux. Quand ils font monter les rois sur le théâtre, ce n'est pas pour les tuer, c'est pour peindre un acte intéressant ou familier de leur vie privée. Ainsi nous avons vu notre Henri IV, & dernierement Frédéric le grand (1), figurer sur la scene françoise, & y paroître des hommes très-aimables.
Que d'autres viennent nous offrir Charles premier passant du trône sur l'échafaud, & payant de sa tête ses perfidies envers sa nation ; nous, nous avons mieux aimé présenter son fils Charles II en robe de chambre & en bonnet de nuit. C'est donc ici le portrait d'un roi en déshabillé, &, pour le coup, sans gardes ; de sorte qu'il a été impossible à l'auteur de placer une seule fois dans sa piece : Holà ! gardes, à moi ?
Quel mauvais genre, dira-t-on, qu'une piece de théâtre où il ne se trouve pas un capitaine des gardes ! Quel oubli des principes de nos grands maîtres ! quel ravalement de l'ar t! nous en conviendrons de bonne foi. Mais un roi est homme comme un autre, & il n'est souvent heureux qu'en se faisant homme le plus qu'il peut, c'est-à-dire en cachant soigneusement sa vie intérieure.
On demandera peut-être ensuite quelle est la morale de cet ouvrage. Nouvel embarras pour répondre ; mais cependant ne vaut-il pas mieux avouer tout de suite avec un sage : Qu'il n'y a point sous le soleil d'établissement humain qui soit capable d'engendrer la perfection morale, tant que les hommes sont hommes.
Cependant ne désespérons point de prouver un peu la moralité de cette comédie. Essayons & prenons un ton grave. L'histoire révélera un jour tout ce qu'auront fait les princes, dira ce qu'il y a aujourd'hui de plus caché. Elle n'a pas manqué de nous instruire du libertinage de Charles II, de sa vie dissolue, qui le rendit méprisable.
Ainsi, les petites scenes de débauche des princes vivans, si elles ne font pas réparées, seront un jour burinées par l'histoire. Mais voyez en même-temps l'enchaînement des choses ! Si Charles II n'eût pas aimé les filles, il n'auroit pas vendu Dunkerque à la France. Telle est la cause d'un grand événement, & d'un événement fortuné pour nous autres françois. Je ne doute pas qu'un politique n'y réfléchisse mûrement ; car les catins tiennent plus qu'on ne le pense aux grandes & modernes révolutions des états.
Voilà, je crois, lecteur, de la politique & de la morale bien fondues ensemble dans cette comédie, sans compter le spectacle d'un roi qui, ayant perdu sa bourse qu'on lui a volée, est à la merci d'une matrone. Qu'est-ce qu'un roi sans bourse, & dans un pareil lieu ? La matrone intéressée lui dit des injures, l'enferme sous clef, & veut le faire jeûner au pain & à l'eau. Nous renvoyons ici le lecteur aux réflexions que fait Charles II quand il ne trouve plus sa bourse, & qu'il est dans l'impossibilité de payer les viles créatures dont il est environné. Toutes alors font tapage contre lui ; c'est le bon jouaillier qui lui sert de caution, & qui le tire d'affaires.
Ajoutons qu'au milieu de tant de brochures sérieuses & d'un ton sévere, on ne fera peut-être pas fâché d'en lire une enfin d'un style tout différent, mais qui, à l'examen, regagnera peut-être ce qu'elle auroit pu perdre au premier coup-d'œil. Il ne faut pas que le françois soit trop long-temps sérieux, cela ne seroit pas bon. Le rire chez lui doit se mêler aux choses les plus graves. Voilà pourquoi l'on se propose d'égayer les états généraux au milieu de leurs travaux patriotiques, par la représentation d'une comédie propre à les délasser de leurs fatigues, peut-être aussi longues qu'honorables. Or, pour que les états généraux soient parfaits dans leur composition, il faut, selon nous, qu'ils ressemblent à un grand bal masqué, c'est-à-dire, que chacun y porte un domino, après avoir laissé à la porte son habit & même sa physionomie pour prendre uniquement celle d'un françois. Le député ne doit plus être tel ou tel personnage, mais un citoyen. L'habit long, l'habit court, les croix, les cordons, mitres, casques, &c. que tout cela disparoisse sous le domino, tandis que la voix libre du patriotisme errera seule parmi l'égalité des individus autorisés à tout se dire ! Le bal de l'Opéra doit donc être à la lettre le modele des états généraux, parce que toutes les conditions y sont confondues, & qu'on n'y porte ni canne ni épée . . . . . . Mais ne voilà-t-il pas encore un aspect politico-moral qui s'ouvre à notre pensée ? Finissons, car sans cela nous pourrions véritablement risquer de devenir profonds.
(1) Dans la comédie des deux Pages, piece germanique, francisée & lardée de quelques airs de de Zede. Frédéric le grand ne s'y attendoit guere ; mon Charles II en feroit moins surpris
La liste des personnages contient essentiellement des personnages féminins, dont il serait audacieux de garantir la vertu :
PERSONNAGES.
CHARLES II, roi d'Angleterre.
Le duc DE ROCHESTER.
Le LORD CHANCELIER d'Angleterre,
La duchesse DE PORTSMOUTH,
SARA HARDINGS.
BETTY MALKINGS.
JUDITH.
CAROLINE.
CLARY.
ROSE.
AMARANTHE.
TROUPE DE FILLES.
UN JOUAILLIER.
La scene est à Londres.
Pour la pièce, de date et de lieu de publication un peu incertains (1789 ? 1787 ?, Venise ? Paris ?), d'auteur hypothétique, on est réduit aux indications de Barbier.
Joseph-Marie Quérard, Antoine-Alexandre Barbier, les Supercheries littéraires dévoilées, tome 1, p. 948 :
DISCIPLE DE PYTHAGORE (Un), ps. [Louis-Sébastien MERCIER].
Charles II, roi d'Angleterre, en certain lieu, comédie très-morale, en cinq actes très-courts, dédiée aux jeunes princes, et qui sera représentée, dit-on, pour la récréation des Etats-Généraux. Venise (Paris), 1787, in-8.
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