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Clovis (Lemercier, 1801)

Clovis, tragédie en cinq actes, de Népomucène Lemercier, 1801.

Pièce non représentée, imprimée en 1820.

Népomucène Lemercier a écrit un Clovis, qu'il n'a pas pu faire jouer. Composée en 1801, sa pièce a été imprimée en 1820.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, Baudouin Frères, 1820 :

Clovis, tragédie en cinq actes, précédée de considérations historiques ; par M. Népomucène L. Lemercier, de l'Institut royal de France, membre de l'Académie française et de l'Académie de Caen.

L'avant-propos expose les difficultés que Lemercier a rencontrées pour tenter vainement de faire jouer sa pièce : :

Je ne puis me dispenser d’instruire le public des raisons qui me contraignent à faire imprimer ma tragédie de Clovis, avant que de l’avoir fait représenter. Composée en 1801, reçue plusieurs années après par le comité de la Comédie française, distribuée, en partie, aux acteurs qui en avaient accepté les rôles, et mise enfin sous les yeux des examinateurs de la censure, j’avais lieu d’espérer qu’elle paraîtrait au théâtre. Sept mois entiers se sont écoulés, depuis que je lutte, de semaine en semaine, de jour en jour, contre les obstacles sans cesse renaissans, que m’ont opposés les Comédiens. Tantôt, ils ont essayé de me contester des droits que les inscriptions sur leurs registres les plus anciens montraient incontestables ; tantôt, en me forçant à les débattre contre les prétentions des auteurs avec lesquels ils avaient pris des arrangemens irréguliers, qu’ils n’auraient point réalisés, ils me plaçaient dans la situation pénible de les faire céder à l'antériorité de mes titres de réception; de sorte que si la durée de ces débats se fùt prolongée, malgré mes ménagemens, soit de politesse, soit d’amitié, pour les intérêts de tous, aux dépens des miens, elle m’aurait fait autant d’ennemis qu’il y a d’écrivains dramatiques dont les pièces restent enfouies dans leur répertoire, tandis qu’en chaque circonstance, je ne me montrai jaloux que de seconder les hommes de lettres.

Vainement ai-je sacrifié les tours acquis à mes propres ouvrages au plaisir d’être agréable à plusieurs de mes concurrens qui désiraient passer avant moi : mais cette simple générosité, pour ne pas dégénérer en duperie, devait avoir un terme, et dès-lors on m’en fit presque un tort. Il était raisonnable pourtant de remarquer qu’elle ne pouvait aller plus loin, si je ne me résignais à m’exclure absolument de la carrière théâtrale vers laquelle j’ai dirigé la plupart des travaux de ma vie, et que je ne l’avais pas embarrassée, puisque je n’ai donné sur la scène que la tragédie de CHARLEMAGNE dans l’espace de dix-sept ans : encore la retraite forcée de mademoiselle Georges, l’a-t-elle en peu de temps arrêtée.

J’ai donc réclamé, pour la tragédie de Clovis, la validité de mon droit antérieur à ceux de tous les autres, et de plus les promesses particulières des acteurs et les engagemens écrits par eux, contractés formellement envers moi, si long-temps éludés, et définitivement reconnus au bout des nombreuses difficultés que je croyais aplanies par mes soins, par mes visites, par mes explications épistolaires et verbales, enfin par l'ennuyeux et inutile effort de ma persévérance. J’en étais là, et comptais arriver au but, quand M. Lafon s'est refusé à jouer l’un des meilleurs rôles de ma tragédie, rôle de son emploi, et dans lequel ses camarades ne pouvaient le remplacer puisqu'ils en jouaient d’autres dans la même pièce, et que leur théâtre n’est pas riche en sujets tragiques.

Ni mes discours, ni même les instances de sa société dont l'administration lui rappelait, dans une lettre très-pressante, les égards dus à l'auteur, l’intérêt de son théâtre, le devoir, qui exigeait son service, et le réglement formel qui ne lui permet pas un refus dicté par le caprice, et surtout un refus qui rend impossible la représentation d’un ouvrage reçu, rien n’a pu le déterminer à faire rondement son métier.

Le personnage dont TALMA s’était chargé, paraissait à M. Lafon le seul qui lui convînt; mais dans celui de Clovis, il serait de toute nullité, et celui de Clodoric, non moins principal, me semble plus propre aux habitudes de son talent. Le lecteur, à qui je soumets la pièce, jugera si je lui faisais une mauvaise part.

Lassé de tant de contrariétés, j’ai mis fin, en me retirant, à ces fastidieuses et vaines négociations de coulisses, qui consument un temps mieux employé par le travail et moins perdu dans le monde, envers lequel elles m’ont fait manquer sans doute ‘à beaucoup de civilités d'usage.

M’accuserait-on de mouvemens d'impatience ? Déjà n’avais-je pas entrepris, dès l'année 1812, de mettre à l’étude la tragédie de CAMILLE-DICTATEUR, dont les répétitions commencées et interrompues par les fréquens voyages de nos acteurs, reprises et suspendues de nouveau par leurs altercations, ne l’avaient pu conduire jusqu’au parterre, en 1818 : Talma, sans cesse prêt à partir, en trouvait l'étude trop longue pour les momens de son séjour à Paris, et je crains bien que l'affaiblissement de l'amitié qu’il me doit ne m’ait plus nui que l'affaiblissement de sa mémoire. Lekain, seul acteur auquel on puisse le comparer dans son art, n'oublia jamais ses premiers amis.

C'est assez d'avoir laissé les copies partielles et les manuscrits complets de Camille, rouler de main en main, chez les Comédiens et dans les bureaux des ministères, et de les avoir exposés à de frauduleuses imitations, sans me résoudre encore à perdre de même un ouvrage plus important et à demi-révélé, que l'espoir de plaire au public avait arraché de mon portefeuille. Je l'imprime, afin que la propriété de mon invention me reste, et non par le puéril empressement de me faire mieux connaître ; car les injustices m’ont fait souhaiter plus d’une fois de n’avoir jamais été connu.

D’estimables suffrages m'ont donné sujet de présumer que Clovis paraîtrait ce que j’ai conçu de meilleur. Notre bon et grand Ducis1, notre aimable Delille en ont approuvé le plan et les principales scènes. L’habile acteur Monvel, à qui je communiquai cette tragédie, m’assura qu’il couronnerait sa carrière, ce furent ses expressions, en jouant le rôle de Sigebert. MM. Thénard et Poisson, de l'Académie des Sciences ; M. de Saint-Just, auteur de comédies lyriques ; M. Pariset, médecin et littérateur, assistèrent, sous l’époque du Consulat, à une lecture qu'entendit avec eux le docte Dureau de la Malle, traducteur de Tite-Live et de Tacite ; et ce dernier me dit avec chaleur : « Votre AGAMEMNON est une étude classique que vous avez faite pour acquérir la force d’exécuter votre CLOVIS, qui me semble lui être supérieur. » Je ne cite ces paroles que pour m’affermir contre la défiance de moi-même, et pour qu’elles servent de fondement à mon excusable espérance d’être digne de l'attention des vrais juges à qui par-là je témoigne mon respect. Quelques personnes m'ont demandé pourquoi je ne m’étais pas soustrait à cette suite de dégoûts qui m’écartent du théâtre de la rue de Richelieu, en portant mon ouvrage au théâtre de l'Odéon : c'est qu'ayant suscité le premier l'édification de celui-ci, et coopéré par un écrit à l'établissement de ce nouvel asile des muses dramatiques, j’ai pensé qu’il fallait l’ouvrir d’abord à l'émulation de la jeunesse, et ne pas lui en obstruer l'entrée. Si ce théâtre suit mieux ses réglemens que l'autre, chacun y aura son tour, sans passe-droit, et Clovis peut-être y prendra le sien. Mais ne nous pressons pas. Les spectateurs ne jouissent-ils pas déjà de cette équitable réserve, en applaudissant au prompt et double succès du jeune M. Casimir Lavigne, dont la comédie m’épargne, par mille traits d’esprit et de verve, la peine d'entrer ici dans tous les détails des angoisses que font souffrir aux poëtes les intrigues d’un tripot comique. Je m'abstins toujours de m’en plaindre pour mon compte, sachant trop que les hommes, si sensibles pour eux-mêmes aux moindres égratignures, ne s’intéressent guères aux plus vives blessures qu’on fait aux autres. Néanmoins, ne peut-on se figurer le juste chagrin qu'éprouverait un sculpteur, un peintre à qui l’on fermerait à jamais les Musées d’exposition publique, un physicien, un chimiste à l’on briserait tous les instrtunens et les appareils nécessaires à ses expériences, un inventeur dans un art quelconque à qui l’on nierait ses découvertes en les lui dérobant, tandis qu’on les accuserait partout, d’un ton léger, de ne rien produire qui soutînt dignement leur réputation ou leur fortune ? Ma position est la même, et sera celle de tous les littérateurs qui subiront de pareils procédés, tant qu’après avoir réglé les stipulations pécuniaires du théâtre français suivant les lois, on ne l’aura pas, relativement à l’exercice d’un art dont les fruits appartiennent à la gloire nationale, soumis aux ordres d’une ferme DIRECTION.

Tout en continuant avec assiduité les démarches utiles à la représentation de ma tragédie, je me trompais si peu sur les assurances illusoires qu’on me donnait mensongèrement, que j’avais d’avance, livré CL0VIS au soin de MM. Baudouin, imprimeurs zélés et discrets.

L'Avant-propos est suivi de longues Considérations historiques et littéraires sur mon sujet.

1 J'ai surnommé Ducis grand, non parce qu’il fut un vrai poëte, mais parce qu'il fut un grand citoyen, en refusant une place très-lucrative, au Sénat-Conservateur, qui ne conservait pas la liberté publique au nom de laquelle il était institué.

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