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Cocanius, ou la Guerromanie

Cocanius, ou la Guerromanie, comédie héroïque et burlesque, en 4 actes et en vers, faisant suite à celle du Roi de Cocagne de Legrand, de J.-F. Hurtaud-Delorme.

Pièce non représentée.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Capelle, an 13 [1805] 

Cocanius, ou la Guerromanie, comédie héroïque et burlesque, en 4 actes et en vers, faisant suite à celle du Roi de Cocagne de Legrand, Dédiée aux habitans de la Vendée de J.-F. Hurtaud-Delorme.

Le Roi de Cocagne est une comédie de Marc-Antoine Legrand (musique de Baudron et Quianult aîné), créée le 31 décembre 1718. Elle a connue une série de reprises à travers le temps dans les diverses versions de la Comédie Française, Théâtre de la Nation, puis Théâtre Français de la rue de Richelieu : 1721, 1740, puis 1781. Et elle a été jouée pendant la Révolution, jusqu'en 1802 [voir sur le sujet la thèse de Mary Scott Burnet, Marc-Antoine Legrand acteur et auteur comique (Paris, Droz, 1938)]. La pièce est pleine de bonne humeur, mais elle a sans doute pu paraître plus contestataire au fil du temps, par la mise en scène de critique de la royauté.

La page iv est consacrée à rappeler les lois punissant la contrefaçon, puis à expliquer pourquoi la publication d'une pièce qui n'a pas été représentée.

Des raisons particulières m'ont fait différer de faire paraître cette comédie, bien qu'elle fut finie dès le mois de prairial an 12 ; mais ces raisons n'existant plus, les éternels tours qu'il faut attendre à certain théâtre, pour y obtenir les honneurs de la représentation, m'ont enfin déterminé à la faire imprimer préalablement. J'ose espérer que le public ne donnera au motif qui me guide, à cet égard, aucune interprétation qui puisse m'être défavorable, car, loin de vouloir ainsi préjuger l'arrêt qu'il a droit de rendre sur toute espèce d'ouvrage dramatique, personne n'est plus que moi pénétré de respect pour ses jugemens, et ne sût moins, dans aucun cas, braver son opinion.

Avant la liste des personnages et le texte de la pièce, l'auteur a placé une sorte de dédicace aux habitants de la Vendée. Le texte est rempli de sous-entendus (sans allusion nette, il s'agit bien de prendre position contre le régime de Napoléon)et permet à l'auteur de revendiquer son statut de quasi autodidacte, en un temps où la maîtrise de la culture classique reste fondamentale. Il souligne aussi combien les années passées (la Révolution...) ont causé de malheurs en Vendée, « notre pays ».

AUX HABITANS DE LA VENDÉE.

Mes chers compatriotes..

C'est à vous que je dédie le premier ouvrage que j'aurai livré à l'impression ; puisse la Guerromanie de la cour de Cocagne vous faire autant de plaisir, que celle de certaine autre cour, qui n'est pas sans ressemblance avec la première, vous a causé de mal !!!

Ceux d'entre vous, mes chers compatriotes, qui savent jusqu'à quel point mon éducation a été négligée, ce qui fut moins ma faute que celle de mon père, qui n'en reçut pas lui-même une fort brillante, bien qu'il fut né d'une honnête famille, mais qui, pour son malheur et le mien, se trouva orphelin dans un âge où toute espèce d'étude devient un supplice : ceux-là, dis-je, qui me connaissent particulièrement, ne s'attendent pas à trouver, et ne trouveront pas dans mon ouvrage, ce style élégant et soigné de la plupart de nos écrivains modernes ; mais qu'importe, si cet ouvrage plaît au public ; on peut être issu d'honnêtes gens, être honnête homme soi-même, bon fils, bon frère, bon parent, bon ami, bon citoyen; faire des comédies, voire même des mélodrames, et néanmoins ignorer totalement la langue d'Homère, même celle d'Horace et de Virgile.

Ainsi donc, quoique ma pièce soit du genre héroïque, à la vérité mêlé de burlesque, je n'ai point prétendu faire parler ma muse un langage qui ne lui est point familier, c'est-à-dire, lui donner certaine tournure d'esprit du jour, car, il faut l'avouer franchement, je suis loin de pouvoir dire comme M. Desmasures (poëte campagnard dans la Fausse. Agnès, comédie de Destouches :)

La langue des Dieux est ma langue maternelle !

A propos de masures ! il en est encore quelques-unes dans notre pays, mes chers compatriotes, et ce sont-là les fruits amers de nos dissentions civiles ! Puisse l'arbre qui les a produits, être à jamais desséché jusques dans ses racines : il en est une, entr'autres, que depuis long-tems j'ai fort à cœur de faire rétablir dans son état primitif ; j'aurais du moins la satisfaction d'y loger une infortunée qui m'appartient de bien près, et l'espoir d'aller un jour y déposer ma dépouille mortelle dans le sein de mes Dieux Pénates ! Si le produit de ma comédie pouvait opérer ce miracle !... Pourquoi non ? Si chacun de mes compatriotes, sachant lire, s'en procurait un exemplaire, non-seulement la masure serait bientôt rétablie, mais encore, je pourrais fort aisément y joindre un monument durable, sur lequel on lirait ce beau vers de Voltaire malheureusement trop long-tems oublié :

A tous les cœurs bien nés que la patrie est chère !

Voilà, je crois, ce qui s'appelle un beau rêve ! Si c'en est un, il est du moins plus pacifique que celui que je suppose dans ma pièce avoir été fait par le roi de Cocagne ; aussi, je puis bien me permettre de dormir comme un roi, mais il ne m'appartient pas de rêver de même. Au reste, tant d'auteurs estimables bâtissent sur le produit de leurs ouvrages des châteaux en Espagne, qu'il ne doit pas paraître étrange que je compte aussi sur celui des miens pour le rétablissement d'une masure : ce n'est pas ce me semble être trop exigeant.

Il ne tient donc qu'à vous, mes chers compatriotes du ci-devant haut et bas Poitou, sur-tout de ce dernier, aujourd'hui La Vendée, de faire ensorte que le rêve puisse se réaliser, sinon en totalité, du moins en partie.

En attendant, j'ai l'honneur de me dire,

Votre affectionné et dévoué compatriote,

HURTAUD-DELORME.

Liste des personnages :

PERSONNAGES.

COCANIUS, roi de Cocagne.

LUCELLE, reine de Cocagne.

FALMOUR.

ALMANZOR, leurs fils.

RIPAILLE, ministre.

ZACORIN, grand majordome.

GUILLOT.

ALQUIF.

CRID'OUAR. (*)

MATAPAN, fils de Crid'ouar.

NATHAN, banquier de la cour.

DORTULAN, secrétaire.

UN OFFICIER de Justice.

FÉLICINE, épouse de Falmour.

DORBANE, femme du ministre Ripaille.

CORSARINE, femme de l'ex-ministre Bombance.

(Ces deux derniers personnages doivent être joués par deux soubrettes.)

FORTUNATE, suivante de la reine.

DEUX VIEILLES et plusieurs dames du conseil de la reine.

DEUX PAGES (deux enfans.)

Plusieurs conseillers du roi, (personnages muets.)

Gardes du roi, Peuple Cocanien.

Les costumes des acteurs doivent être des plus riches, mais sans rien avoir de ridicule, pas même celui du roi, qui pourtant doit être approchant le même que dans la pièce de Legrand.

La scène se passe dans l'île de Cocagne.

(*) Nom composé de deux mots anglais, francisés quant à l'orthographe, et qui signifient Cri de Guerre.

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