Collin d’Harleville aux Champs-Élysées, comédie-vaudeville en un acte, d'Aude neveu, Décour [pseudonyme d’Eugène Hyacinthe Laffillard] et Defrénoy, 13 mars 1806.
Théâtre de la rue de Thionville (Théâtre des [Jeunes] Élèves).
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Maldan et chez Locard, 1806 :
Collin d’Harleville aux Champs-Élysées, comédie-vaudeville en un acte, de MM. Aude neveu, Décour et Defresnoy, Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la rue de Thionville, le 10 mars 1806.
La première représentation de la pièce n’est annoncée qu’à la date du 13 mars 1806, au Théâtre des Élèves.
Courrier des spectacles, n° 3527 du 15 mars 1806, p. 3
[Le critique tient d’abord à expliquer les circonstances émouvantes de la création de la pièce dans cette espèce de théâtre pédagogique qu’est le Théâtre des Élèves : au moment de partir en tournée, les élèves ont voulu aider financièrement un de leurs camarades malades depuis huit mois, et ils jouent pour lui deux pièces, dont une création. La création, c’est Collin-d'Harteville aux Champs-Élysées, pièce à la gloire de Collin d’Harleville, récemment décédé. Elle appartient à un « genre » assez répandu d’éloge rendu à des personnages disparus. On y fait se rencontrer le défunt et des écrivains morts, certains depuis peu, ce qui fait que l’évocation de la rencontre d’un écrivain moins connu avec Voltaire suscite un peu d’ironie chez le critique. Il insiste sur le fait qu’on ne peut etre trop exigeant pour ce type de pièces. Il a remarqué certains couplets « qui ne manquent pas d’esprit », et n'oublie pas de signaler qu’on a fait place dans la pièce « à l’honneur du Héros Français et des guerriers qui se sont illustrés depuis quelques années » (même là, il faut faire preuve de patriotisme et flatter le pouvoir). Curieusement, la pièce se voit dotée d’un auteur unique.
La deuxième pièce, intitulée Relâche, le mot qui barre les affiches quand, justement, on ne joue pas, met en scène une troupe qui, venue en province, éprouve de telles difficultés qu’elle est obligée de décevoir les gens de la ville qui brûlaient de les voir et de ne pas jouer. Le jugement porté sur cette pièce est plein d'ironie.]
Théâtre des Elèves.
Avant de se séparer pour aller dans les départemens porter les talens qu’ils ont acquis à Paris, les Jeunes Élèves ont voulu se signaler par un acte de piété fraternelle. Henry, un de leurs camarades, est malade depuis huit mois ; la fortune d’un élève de Thalie n’est pas ordinairement assez considérable pour qu’il puisse se dispenser de se bien porter. Les Jeunes Elèves sont venus à son secours avec un empressement qui fait beaucoup d’honneur à leur cœur, et qui n’en fait pas moins à celui qui en est l’objet. Pour attirer un plus grand nombre d’auditeurs, on a donné deux pièces nouvelles, dont l’une se recommandoit déjà par son titre. C’est un hommage offert à la mémoire du poète aimable que pleure la scène française ; elle est intitulée : Collin-d'Harteville aux Champs-Elysées. On y voit le poëte dans le séjour des ombres bienheureuses, au milieu de Voltaire, Ninon, Préville, Dauberval et Dozainville ; ces deux derniers ne l’ont précédé que de fort peu de tems ; et c’est peut-être un honneur un peu exagéré pour Dozainville que de le mettre en société avec Voltaire ; il faut de la mesure en tout ; mais le séjour des morts est celui de l’égalité ; et quand on est réduit à n’être, suivant le mot d’Horace, que pulvis et umbra, ombre et poussière, il ne faut pas de vanité. Quoi qu’il en soit, tous ces personnages s’empressent d’embrasser Collin-d’Harleville, et lui donnent une petite fête. Il est bien difficile pour un petit auteur de faire parler convenablement un poète tel que Voltaire ; mais il faut ici se prêter aux circonstances, et accepter ce qui est offert, quand celui qui donne ne peut pas présenter davantage. On a remarqué quelques couplets qui ne manquent pas d’esprit, et des louanges que l'auteur a encadrées dans cette pièce à l’honneur du Héros Français et des guerriers qui se sont illustrés depuis quelques années. L’auteur de cet ouvrage est M. Dufresnov.
La seconde à laquelle le même auteur a coopéré avec MM. Decours et Aude neveu a pour titre ; Relâche. Ce n’est pas, à proprement parler, une nouveauté ; elle a été jouée au Théâtre de la Société Olympique, il y a deux ans. Le fonds en est léger ; c’est une simple bleuette dans laquelle l’auteur a voulu donner une idée des petites tracasseries des coulisses. Une trouppe de comédiens de province arrive à St. Quentin ; toute la ville qui n’est pas accoutumée à semblable aubaine, nage dans la joie ; les bourgeoises font leur toilette des beaux jour» pour assister à l’ouverture. On lève le rideau ; mais les fatigues du voyage, les petites rivalités, et beaucoup d’autres incidens de même nature ne permettent pas la représentation, et l’on annonce Relâche.
On voit qu’il ne faut pas fatiguer les organes de l’intelligence pour accoucher d'une idée aussi forte ; mais Molière n’a pas légué son génie à tout le monde, et tout le monde même n’a pas besoin du génie de Moliere pour s’amuser.
La pièce d’Aude, Décour/Laffillard et Defresnoy est citée dans l’étude de Nathalie Rizzoni, « Des ombres panthéonisées ou de l’art de faire parler les morts au théâtre », dans les Dramaturgies de l’ombre, ouvrage collectif dirigé par François Lecerce et Françoise Lavocat, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005 (disponible sur Internet, http://books.openedition.org/pur/29998 )
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