Colombine dans la tour de l'Est

Colombine dans la tour de l'Est, mélodrame en dix-sept scènes ; 15 prairial an 13 [4 juin 1805].

Théâtre du Vaudeville.

Plutôt qu'un mélodrame, c'est une parodie de mélodrames, bien sûr.

Almanach des Muses 1806.

[L'Almanach des Muses écrit « Colombine dans la tour de Lert » ; à corriger sans doute en Colombine dans la tour de l'Est.]

Mercure de France, tome 20, n° 194, du 2 germinal an 13 (samedi 23 mars 1805), p. 562 à 564 :

On a dit, il y a long-temps, que l'échafaud est la tragédie de la populace : le mélodrame est celle de la classe intermédiaire entre la populace et les gens de goût ; et c'est principalement cette classe nombreuse qui peuple les salles de spectacle ; aussi la foule se porte aux mélodrames, depuis qu'elle a délaissé l'Opéra-Comique, qui autrefois faisait.ses délices, et pour lequel la scène française fut abandonnée au plus haut point de sa gloire, lorsqu'elle possédait une réunion d'acteurs qu'on pouvoit regarder comme des modèles dans.tous les genres. Voltaire vît cette première révolution dont il se plaignait sans cesse et avec amertume. Peut-être y contribua-l-il un peu lui-même : il voulait qu'on ne jouât que son théâtre. En 1775 on remit Andromaque et Bajazet. Ce mot, qui prouvait qu'ils avaient été long-temps oubliés, fut un vrai scandale. On se lassa enfin de l'atrocité de Mahomet, de la sécheresse de Sémiramis, de la froideur de l'Orphelin de la Chine, de la philosophie d'Alzire, et on leur préféra Blaise, Lucile, Sylvain et Azor.

Ce n'est pas la satiété qui précipite aujourd'hui la multitude au mélodrame ; elle ne connaît tout au plus que les noms de nos bons auteurs dramatiques. Elle cherche des spectacles appropriés à ses penchans, à son intelligence et à son éducation, que le malheur des temps a fait négliger. I.a génération qui se forme en aura une meilleure, et dans quelques années on pourra peut-être avec plus de succès battre en ruine le mélodrame. Aujourd'hui la meilleure parodie ne lui enlèverait pas un partisan, et celle qu'on vient d'en faire n'est pas tout-à-fait de cette nature.

Les plaisanteries d'Arlequin pour préluder au couplet d'annonce, et le couplet lui-même avaient favorablement disposé l'assemblée, quoiqu'ils manquassent et de justesse et de clarté. Arlequin avait dit : « Vous allez voir beaucoup de choses extraordinaires, des siéges, des combats, des enterremens, je veux dire des enlèvemens ; car vous pensez bien que l'auteur aime mieux que sa pièce soit enlevée qu'enterrée. » Une pièce peut enlever ; elle n'est pas enlevée. Ne cherchez pas, ajoute Arlequin, beaucoup d'esprit dans celle ci,

Qui néanmoins doit réussir,
Si, renonçant à l'épigramme,
Vous voulez bien vous souvenir
Que c'est un mélodrame.

Si renonçant à l'épigramme, veut dire si renonçant à y trouver des épigrammes ; mais ce sens tarde à se faire entendre, il faut le chercher et le deviner; car ce n'est pas le premier qui se présente. Renoncer à l'épigramme, c'est renoncer à faire des épigrammes.

Le cadre de la pièce est mieux trouvé qu'il n'est rempli. La troupe du Mélodrame, composée de quelques soldats tous de diverses nations, a déclaré la guerre à celle du Vaudeville. Celle-ci a été vaincue, Colombine prise et enfermée dans la Tour de l'Est. Arlequin déguisé, ainsi que les siens, parvient aux pieds de la tour; il trompe si bien le commandant, qu'on l'y met en faction : l'occasion lui paraît favorable pour enlever sa maîtresse. « Si les gens du Mélodrame allaient nous découvrir, s'écrie Colombrine ! – Rassure-toi, répond Arlequin, ces gens-là ne découvrent jamais rien. » Ce trait est plaisant ; il y en a quelques autres dans les premières scènes. Ensuite, et principalement vers la fin , il n'y a guère que du fracas. Les parodies doivent être vives, légères, et courtes sur-tout ; celle-ci n'est pas désespérée si l'on veut l'élaguer. La première représentation n'a pas réussi.

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