Compliments ou discours pour la fin de saison.
Il est d’usage de marquer la fin de la saison, avant la coupure de la Semaine Sainte, par un compliment ou un discours adressé au public.
1790
Théâtre de la Nation, avril 1790.
Mercure de France, tome CXXXVIII, n° 14 du samedi 3 avril 1790, p. 46-48 :
[La saison de 1789-1790 a été difficile les événements politiques de l’été ont perturbé une partie de l’activité théâtrale, et le tumulte né des représentations de Charles IX de Marie-Joseph Chénier a lui aussi été source de conflits, entre les acteurs et avec le public. Le discours prononcé par Dazincourt est un discours d’apaisement : les acteurs rappellent leur désir de saitsfaire le public.]
THÉATRE DE LA NATION.
A la clôture de ce Théatre, M. Dazincourt a prononcé le discours qu’on va lire. On verra qu'il rouloit sur une matière assez périlleuse ; & que les Comédiens François ont sagement fait, de choisir, pour le prononcer, un de leurs camarades, en possession de l'estime publique.
« Nous profitons avec empressement du jour que l'usage a consacré, pour vous présenter nos respects & l'hommage de notre reconnoissance. Mais une juste confiance dans vos bontés nous encourage en même temps à déposer dans votre sein la douleur dont nous sommes pénétrés. Depuis long-temps le Théatre est en butte à des rigueurs affligeantes. Il semble qu'on ait tenté de nous faire perdre cette liberté d'ame & d'esprit si nécessaire à l'art du Comédien. Des études multipliées, des efforts sans nombre, des bienfaits sagement répandus, & publiés malgré nous, ne nous ont valu que des interprétations injurieuses. Une jalouse cupidité, dont nous ne nous permettrons pas de dévoiler le secret, & qui voudroit s'élever sur nos débris, a cherché constamment, depuis plusieurs mois, à fatiguer, à décourager notre zèle ».
« Pour ne nous arrêter que sur un seul point, on a demandé la représentation de tel ou tel Ouvrage, sans songer que les pièces déjà reçues avoient le droit d'être représentées auparavant; de manière qu'on ne pourroit adhérer à de pareils vœux, sans attenter aux propriétés, ce qui, nous osons le croire, seroit aller conte l'intention de ceux même qui, par ces demandes, croyant réparer des torts, ne font que solliciter une injustice ».
« Enfin, Messieurs, si quelques abus se sont glissés dans un établissement dont les détails sont aussi difficiles que multipliés, si le temps semble avoir amené le besoin de quelques changemens utiles, ne nous est-il pas permis d'observer qu'une discussion sage, & dirigée par la bonne foi, seroit plus propre à ramener un meilleur ordre de choses, à concilier les divers intérêts & à contribuer plus complétement à vos plaisirs, ainfi qu'à la gloire de votre Théatre » ?
« Agréez, Messieurs, que nous n'opposions désormais à tous ces orages qu'un silence respectueux, un zèle toujours renaissant, & ce courage qui doit animer ceux à qui vous avez confié le dépôt de vos richesses dramatiques ».
Ce discours, hardi quant au sujet, mesuré du côté de l'expression, & intéressant par la manière dont il a été débité, a obtenu beaucoup d'applaudissemens.
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