La Chambre de Molière, divertissement en un acte et en prose, mêlé de vaudevilles pour l'anniversaire de sa naissance, de Barré, Radet et Desfontaines, 18 nivose an 11 [8 janvier 1803].
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
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Chambre de Molière (la)
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Genre
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divertissement pour l’anniversaire de sa naissance
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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18 nivôse an 11 [8 janvier 1803]
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Barré, Radet et Desfontaines
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Almanach des Muses 1804.
Courrier des spectacles, n° 2135 du 19 nivôse an 11, p. 2-3 :
[Le Théâtre du Vaudeville est apparemment à la recherche de l'honorabilité et après son hommage à Racine, c'est à Molière qu'il paie son tribut. La pièce transporte le public dans la chambre natale de Molière. L'article en souligne la portée critique, en particulier contre les grands théâtres, Théâtre Français et Feydeau, contre lesquels sont lancés des « traits » que le public a trouvés « trop aiguisés », ce qu'il a fait comprendre « d'une maniere non-équivoque ». Dans cette pièce en hommage à Molière, l'intrigue met en scène la famille de la propriétaire de la maison où se trouve la fameuse chambre natale. C'est le fils de la propriétaire qui l'occupe : sculpteur, il estime que seul un artiste peut y habiter. Il a fait d'imagination le buste de Molière, « d'après l'idée que lui en ont donné ses comédies », et qui se révèle être ressemblant. Il faut bien sûr une intrigue amoureuse dans un vaudeville, et elle concerne Agathe, la sœur d'un ami du sculpteur, que son frère veut marier à un prétendu compositeur italien, qui est en fait une sorte d'escroc artistique, puisqu'il pratique abondamment le plagiat. C'est à ce propos que le public a murmuré : la comparaison que ces piètres compositions sont « dignes de Michel-Ange » a paru bien excessif, les compositions du frère d'Agathe et du compositeur italien ne méritant pas d'être aussi cruellement moquées. La pièce trouve son dénouement dans le désir que manifeste le frère d'occuper la chambre de Molière : on le convainc de renoncer à marier sa sœur avec son bel Italien : Agathe va épouser le jeune sculpteur. Le buste est inauguré à grands renforts de couplets. Les auteurs sont simplement cités.]
Théâtre du Vaudeville.
Le même théâtre qui nous offre l'Hommage du petit Vaudeville au grand Racine, devoit aussi et peut-être à plus forte raison nous offrir l'Hommage du petit Vaudeville au grand Molière, pour l’anniversaire du père de la Comédie en France, et il nous a donné la Chambre de Molière. C’est celle où il reçut le jour, rue de la Tonnellerie, au mois de janvier, sans qu’on ait jamais pu savoir le jour précis de sa naissance. Cette incertitude de l’histoire ne sera pas inutile à la piece ; elle pourra avoir trente-une représentations chaque année, et c’est un petit bénéfice qui n’est pas à dédaigner. Elle a eu du succès ; les auteurs y comptoient, car ils font dire à l’Arlequin dans le couplet d’annonce :
La chambre que nous vous offrons
De Molière a vu la naissance ;
Aussi tant que nous y serons,
Vous nous devez votre indulgence.
Vous ne voudrez ps nous troubler,
Et vous vous souviendrez, j’espère,
Qu’on n’entendit jamais siffler
Dans la chambre où naquit Molière.
Et à la fin de la piece ils semblent défier les traits de la critique, contre lesquels, disent-ils, ils se sont fait un rempart du buste de Moliere.
Cependant leur hommage, quoique louable, n’a pas été aussi pur qu’on l’eût désiré, et la critique, non du journaliste, mais du public, a déjà atteint les auteurs et a fait sentir au Vaudeville d’une maniere non-équivoque qu’il avoit trop aiguisé ses traits, et que pour être malin il ne falloit pas emporter la piece. Cet ouvrage est sans doute le fruit de la précipitation, car avec un peu de réflexion on auroit senti qu’il est des vérités moins choquantes. Le théâtre Français et celui de Feydeau sur-tout ont été les objets de ces satyres.
La chambre où est né Moliere, rue de la Tonnellerie, est occupée par Victor, sculpteur, fils de madame Dumont, propriétaire de la maison. Elle l’a cédée à son fils parce que celui-ci desire de n’y voir loger qu’un artiste.
Dans la chambre où naquit Molière
Placerez-vous un Trissotin ?
Mettrez-vous un apothicaire ?
Logerez-vous un médecin ?
Il en trouveroit l'air mal-sain.
L’avare y mourroit de colère,
Le faux dévot y maigriroit,
Et pas un seul ne dormiroit
Dans la chambre où naquit Molière.
Victor a fait le buste du poëte sans avoir consulté le modèle, et d’après l’idée que lui en ont donné ses comédies ; et ce portrait est ressemblant. Lié avec Laporte, l’Arlequin du Vaudeville, il attend les acteurs du même théâtre pour l’inauguration de ce buste. L’Arlequin apprend au sculpteur que Charles, jeune poëte, frere et tuteur d’Agathe, amante de Victor, doit se trouver à cette réunion, mais qu’il a le projet d’unir sa sœur à un compositeur qui arrive d’Italie. Ce musicien soi-disant apporte les morceaux de musique des plus célebres maîtres, qu’il arrange de maniere à pallier tous ses larcins et à faire croire qu’il est auteur d’une musique nouvelle.
Jusques là la critique étoit assez goûtée, mais quand Laporte ajoute, après plusieurs traits malins dirigés tant sur l’auteur des paroles que sur le compositeur, que ces rapprochemens de morceaux forment des tableaux frappans , et que Victor s’écrie : Dignes de Michel-Ange ! le public a murmuré, et le passage méritoit cette improbation. C’est aussi pousser trop loin la personnalité. On avoit à plus juste titre ri de la comparaison entre les acteurs du Vaudeville et ceux du Théâtre Français : les premiers, assez maigres, pouvoient-ils essayer les habits des personnages de Moliere, tandis que les seconds quoique plus gras, les trouvoient encore trop larges ? Charles arrive : on lui dit qu’il est dans la chambre du père de la Comédie ; il voit le buste, il est enthousiasmé, et soudain il fait cette inscription en quatre vers :
Celui que partout on renomme
Naquit autrefois en ce lieu ;
La nature en a fait un homme,
Et Thalie en a fait un Dieu
Il voudroit être possesseur de la chambre ; Victor et l’Arlequin profitent de ce moment pour le décider à renoncer à son projet de mariage, et à faire le bonheur d’Agathe. Ensuite vient la cérémonie de l'inauguration. Parmi les couplets chantés devant le buste, on remarque celui de la Chercheuse d’esprit, à qui Charles répond très-ingénieusement :
Rappelez-vous bien que Moliere
Trouvoit l’Esprit sans le chercher.
Les auteurs de ce divertissement sont les cit. Barré , Radet et Desfontaines.
F. J. B. P. G***.
Mercure de France, tome onzième (an 12), n° LXXXII (2 Pluviose an 11), p. 231-232 :
[Le critique n’apprécie pas réellement que le théâtre de Vaudeville se lance à faire « un cours de littérature », et dans le résumé qu’il nous donne de l’intrigue, il ne se prive pas d’ironiser sur les absurdités de la pièce, à plus ou moins juste titre : il s’agit pour lui de montrer son indignation devant le traitement infligé à la mémoire de Molière. Le jugement porté ensuite est sévère : la « pièce est froide, et conséquemment paraît longue », et les couplets (pourtant la spécialité des auteurs, cités ensuite sans commentaire) ne sont pas bons.]
Cette pièce est froide, et conséquemment paraît longue ; les bons couplets y sont rares, et les meilleurs ne sont pas ceux qui louent Molière, mais ceux qui tombent sur quelques ridicules. C'est qu'au théâtre, comme dans le monde, la critique réussit mieux que l'éloge.
Théâtre Du Vaudeville.
La Chambre de Molière, divertissement en un acte.
On ne devine pas trop ce que le Vaudeville a de commun avec Molière, ni ce que des couplets peuvent ajouter à la gloire de ce père de la bonne comédie ; mais les auteurs de ce théâtre sont en possession de nous faire faire un cours de littérature. Voyons comment ils ont traité ce chapitre.
La chambre où naquit Molière, est occupée par un sculpteur qui vient d'achever le buste de ce grand comique. Ce sculpteur aime une voisine nommée Agathe ; Agathe a un frère qui fait des opéra-comiques, et qui veut la marier avec un compositeur italien.
D'un autre côté, les acteurs du Vaudeville doivent venir, à la sourdine, rendre hommage au buste de Molière, et ils ont invité le frère d'Agathe à les accompagner. Celui-ci ne se trouve pas plutôt dans la chambre où naquit Poquelin, qu'il entre en enthousiasme, et ne demande au ciel que la grâce de trouver une des plumes qui servit au grand peintre des ridicules. A moins que ce ne soit une des plumes de l'oreiller sur lequel Molière fut déposé lorsqu'il entra dans ce monde, on ne devine pas ce que le jeune poète veut dire ; car tout le monde sait que Molière n'a pas fait ses pièces dans la chambre où il est né. Le jeune poète suppose toujours le contraire, et, dans son délire, il proteste qu'aucun sacrifice ne lui coûterait pour avoir le droit d'occuper cette chambre ; le sculpteur offre de la troquer contre la main d'Agathe : le mariage est arrangé, et l'on chante des couplets. Le jeune poète se jette à la traverse pour dire : Je demande que la rue de la Tonnellerie, dans laquelle Molière est né, porte désormais le nom de ce grand homme. Et à qui demande-t-il cela ? A des acteurs et des actrices du Vaudeville. Ce mouvement qui rappelle l'horrible temps des sections délibérantes, est d'un ridicule achevé. L'arlequin du même théâtre dit à un de ses camarades d'ôter son chapeau en passant devant le buste de Molière, parce que Préville n'y manquait jamais, ayant l'habitude d'appeler cet auteur le Saint-Bruno des comédiens, le fondateur de l'ordre. Préville pouvait dire cela dans les coulisses, et bien d'autre choses encore ; mais si de son temps, il les avait répétées sur le théâtre, le public l'aurait sifflé, et la police l'aurait envoyé au Fort-l'Evêque. D'ailleurs, ce Molière n'est pas le fondateur de l'ordre des comédiens, puisqu'il y en avait avant lui, et en rivalité avec lui. Qui ne sait que dans tous les pays et dans toutes les grandes villes, le besoin d'introduire l'ordre des comédiens, et beaucoup d'autres ordres, sans qu'on fasse honneur à personne de les avoir fondés.
Cette pièce est froide, et conséquemment paraît longue ; les bons couplets y sont rares, et les meilleurs ne sont pas ceux qui louent Molière, mais ceux qui tombent sur quelques ridicules. C'est qu'au théâtre, comme dans le monde, la critique réussit mieux que l'éloge.
Les auteurs sont MM. Barre, Radet, et Desfontaines.
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