La Chaste Suzanne, comédie en deux actes, en prose et en vaudevilles, de Radet, Desfontaines et Barré. 5 janvier 1793.
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
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Chaste Zuzanne (la)
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Genre
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comédie en vaudevilles
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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5 janvier 1793
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Radet, Desfontaines et Barré
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Almanach des Muses 1794
Sujet de l'ancien Testament.
De l'intérêt, du spectacle, des situations. Retranchement de quelques allusions qui avoient blessé le patriotisme de beaucoup de spectateurs.
Sur la page de titre de la brochure,Paris, au Théâtre et chez Maret, sans date :
La Chaste Suzanne, piece en deux actes, mêlée de vaudevilles. Représentée pour la premiere fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 5 janvier 1793.
Le sujet de cette piece est tiré de l'Ancien Testament. Voyez la Traduction de la Bible, par Le Maistre de Sacy, édition in-fol. de 1731, page 734, chap. XIII. Histoire de l'accusation de Suzanne, par deux vieillards impudiques, et sa délivrance par la sagesse et le jugement du jeune Daniel.
L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-deuxième année, tome 3 (mars 1793), p. 333-336 :
[La Chaste Suzanne a été jouée en janvier 1793, mois qui est aussi de la condamnation et de l'exécution de Louis XVI. C'est ce qui sera évoqué dans le compte rendu : « allusion à certaine circonstance », des accusateurs qui sont aussi des juges, mais le critique prend soin de souligner que « l'application » n'est pas juste. Avant d'en arriver à ce point important, le critique souligne que le sujet n'est pas un sujet de vaudeville (qu'il définit ainsi « De la gaîté, des couplets piquans, & même un peu grivois »). Il rappelle le sujet, bien connu des lecteurs de la Bible et résume ensuite assez longuement l'intrigue en insistant sur la générosité de Suzanne, qui ne souhaite pas qu'on exécute ses accusateurs. Après avoir rappelé le contexte dans lequel la pièce a été jouée, et interprétée, le critique indique que la pièce vaut par ses couplets, et ceux qu'il reproduit portent sur la comparaison entre le présent et « l'ancien testament », valorisé par rapport au présent, qu'on parle de morale ou de théâtre.]
THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.
La chaste Suzanne, comédie en deux actes & vaudevilles.
De la gaîté, des couplets piquans, & même un peu grivois, voilà le genre essentiel du vaudeville. Il est d'autant plus dangereux de s'en écarter, qu'il se prête moins aux situations touchantes, & qu'un air connu, un refrein chantant s'accordent mal avec l'expression de la douleur ou de la crainte ; c'est cependant le risque qu'a bien voulu courir l'auteur de la chaste Susanne, & le succès a couronné ses efforts.
Tout le monde connoît l'histoire de Suzanne ; l'auteur l'a exactement suivie ; ainsi ce n'est pas à un ornement étranger qui eût jetté peut-être plus d'agrément & de gaîté sur cette production, qu'il doit le succès qu'elle a obtenu.
Le premier acte se passe dans la partie des jardins de Suzanne, destinée aux oblations commandées par la loi des juifs ; Suzanne à demi-nue, & près d'entrer aux bains, y est surprise par les deux vieillards, juges de la loi d'Israël, qui essayent successivement, pour la séduire, les prieres, les offres & les menaces ; Suzanne effrayée jette un cri, & les juges, pour s'en venger, l'accusent d'avoir reçu dans ce lieu sacré un jeune homme qui a fui à leur approche.
Au second acte, Suzanne est amenée avec son pere & son fils, sur une place de Babylone, où elle doit être jugée suivant la loi d'Israël. Ses deux accusateurs veulent monter au tribunal, mais le premier juge les en écarte, en leur adressant ces paroles remarquables : Vous êtes accusateurs, vous ne pouvez être juges. L'allusion a été sentie & vivement applaudie.
Suzanne, condamnée à mort, va être menée au supplice, lorsque le jeune Daniel s'élance au milieu des juges, reproche au peuple sa foiblesse & son erreur, & convainc les deux vieillards de fausseté, en les faisant couper dans les diverses questions auxquelles on les force séparément de répondre : le peuple indigné demande leur mort à grand cris ; mais Suzanne obtient leur grace, & ils sont simplement condamnés à être déportés, pour la vie, de la Terre-Sainte.
Il n'est pas difficile de voir que l'auteur a voulu faire, dans cette piece, allusion à certaine circonstance ; mais quand on fait des allusions, il faut sur-tout qu'elles soient justes ; car si la justesse ne se trouve pas dans l'application, le but de l'auteur est totalement manqué. Suzanne est évidemment innocente aux yeux du spectateur, les deux accusateurs sont seuls coupables ; avant d'être accusateurs, ils sont juges ; & c'est sur cette qualité de juges qu'ils fondent l'impunité de leur crime, comme ils le disent à Suzanne.
Sur cela soyez sans effroi.,
Celui qui fait parler la loi
Sait bien la faire taire.
II y a au surplus dans cette piece beaucoup de couplets aisés & naturels ; de l'intérêt même, qu'il a dû être difficile de produire dans un espace aussi court.
On a fait répéter à la fin ce couplet, qui a été fort applaudi.
Air : De Calpigi.
Vanter son honneur, sa sagesse,
Au plus offrant céder sans cesse.
. . . . . . . . . . . .
Voilà comme on fait à présent. (bis.)
Refuser plaisir & richesse,
Et pour conserver sa sagesse,
De la mort braver le tourment,
Oh ! c'est de l'ancien testament. (bis.)
Et celui-ci,
De noirs effets pour du tragique,
Des calembours pour du comique,
Du bel-esprit pour du plaisent ;
Voici le théâtre à présent : (bis )
Mais réunir comme Moliere,
Dans une intrigue réguliere,
La morale & le sentiment,
Oh ! c'est de l'ancien testament. (bis )
Le public a demandé l'auteur; on a nommé MM. Radet, Desfontaines & Barré, auteurs en commun ou en particulier de la plupart des jolies pieces qui se jouent tous les jours sur ce théatre.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1795, volume 4 (juillet-août 1795), p. 246-249 :
[Nouvel article consacré à la pièce de Barré, Radet et Desfontaines, qui n’a pourtant pas été jouée depuis juin 1793, et ne sera reprise qu’en juillet 1796 (si on se fie à la base César). Et un article curieux, puisqu’il commence par reproduire un article de 1767, sur une autre pièce consacrée à Suzanne accusée d’adultère. Après cet article, le critique affirme qu’il n’a rien de différent à dire sur la pièce nouvelle, deux pièces à sujet historique ne pouvant que se ressembler « dans le plan & la conduite ». Un paragraphe suffit à dire du bien de la pièce : « de très-jolis couplets, de l'ensemble, des costumes assez purs, & sur-tout la magie du sujet fidellement transportée au théatre » justifient le succès de la pièce. Les caractères des deux vieillards « forment un contraste parfait avec celui de Suzane », même si le caractère de Barzabas, censé être celui d’un « imbécile » n’est pas toujours si bête.]
La chaste Suzane, piece en deux actes, mêlée de vaudevilles.
L'histoire de la chaste Suzane est trop généralement connue pour que nous fassions l’analyse de cette piece ; mais nous devrons dire que dans un ouvrage attribué à M. de la Valière, & dans lequel on trouve la liste de toutes les pieces de. théatres, on lit le fait suivant :
» Joachim & la femme Suzane se réjouissent de l'union qui regne entr'eux ; cependant deux juges, les mêmes que les deux vieillards de l'écriture, s'avouent l'un à l'autre la passion qu'ils ont conçue pour Suzane, & cherchent des moyens pour en jouir. Ils prennent le parti de l'attendre dans le jardin, de la surprendre lorsqu'elle sera dans le bain, & de la faire consentir de gré ou de force à leurs désirs. Ils font une visite à Joachim, qui veut les retenir à dîner ; ils refusent & se retirent. Joachim, sa femme & ses enfans se mettent à table : les deux juges se cachent dans le jardin. Suzane y vient après le repas : elle entre dans le bain, & envoie les demoiselles lui chercher des parfums. Les juges s'approchent d'elle, & lui font l'aveu de leur passion ; elle refuse de les satisfaire ; ils la menacent de l'accuser d'adultere, si elle ne consent â leurs désirs.
» Elle leur résiste cependant ; & comme ils entreprennent de lui faire violence, elle crie au secours. Les valets accourent : les juges disent qu'ils l'ont surprise avec un jeune homme. Le mari, les enfans, les demoiselles se désesperent. On la conduit au tribunal, & on la condamne à mort sur le témoignage des deux juges. Joachim la croit toujours innocente, & dit qu'elle a été condamnée à tort. Il se console cependant un peu par cette réflexion de Socrate : Mieux vaut que soit à tort qu'à droit.
» On mene Suzane dans les champs pour la lapider. Le jeune Daniel rencontre la troupe qui la conduit, déclare que Suzanc est innocente, rappelle le peuple en tribunal, & confond les accusateurs, qui subissent le même supplice, auquel Suzane avoit été condamnée. Le tout est terminé par un couplet de chanson sur la chasteté de cette femme, & par quelques quatrains sur différens sujets de morale.
Tel est l'article que fit M. de la Valière en 1767, pour rendre compte d'un mystere intitulé : l’Histoire de Ste Suzane, exemplaire de toutes sages femmes & de tous bons juges, à 14 personnages ; & tel est aussi le compte que nous aurions pu rendre de la chaste Suzane ; mais il ne doit point paroìtre extraordinaire de voir que deux pieces purement historiques aient tant de traits de ressemblance dans le plan & dans la conduite.
La chaste Suzane est une des pieces qui ont eu le plus de succès sur le théatre du vaudeville ; de très-jolis couplets, de l'ensemble, des costumes assez purs, & sur-tout la magie du sujet fidellement transportée au théatre, lui ont valu des applaudisseniens mérités. Les caracteres des vieillards forment un contraste parfait avec celui de Suzane. Celui du scélérat Accaron est bien soutenu; celui de l'imbécile Barzabas l’est beaucoup moins, puisque ce juge, malgré sa bêtise, dit quelquefois des chofes spirituelles,
ACCARON.
Air: Guillot un jour trouva Lisette.
Quoi ! vous avez sous cet ombrage
Veillé seul avec votre ardeur !
Ce trait est sublime à votre âge,
Et vous fera beaucoup d'honneur.
Mais quand la nuit étend son voile, (bit.)
Mon cher, on doit bien enrager,
De coucher à la belle étoile
Sans trouver celle du berger.
BARZABAS.
Air : Je suis afficheur, je devrois.
Il est vrai, j'ai beaucoup souffert
Pendant cette nuit éternelle :
A mes yeux rien ne s'est offert ;
J'ai vainement fait sentinelle.
BARZABAS.
Oui, mais bientôt, dans ce jardin,
Ma Suzane levant son voile,
Mon cher, je verrai ce matin
Briller ma belle étoile.
Brazier, Histoire des petits théâtres de Paris, nouvelle édition tome premier (Paris, 1838), p. 270 :
Pendant la période révolutionnaire, le Vaudeville eut à soutenir des luttes continuelles ; il fallait qu'à l'exemple des autres théâtres, il jouât des pièces composées dans l'esprit du moment. Or, chaque auteur croyait devoir mettre des restrictions selon ses propres opinions, ce qui valut aux opposants des scènes tumultueuses et parfois même la prison. C'est ce qui arriva à Barré, Radet et Desfontaines au sujet de leur Chaste Suzanne, où l'on crut voir des allusions au procès futur de Marie-Antoinette. Au moment où le juge dit aux deux vieillards accusant Suzanne : « Vous êtes ses accusateurs, vous ne pouvez pas être ses juges, » des applaudissements et des sifflets se firent entendre, et bientôt le tumulte devint tel que l'on fit évacuer la salle, et les auteurs furent arrêtés quelque temps après ; Radet et Desfontaines furent donc arrêtés. On les engagea à faire un vaudeville de circonstance, ils composèrent Au Retour, pièce qui fut représentée pendant qu'ils étaient encore en prison. C'est dans ce vaudeville qu'une charmante actrice, nommée de Laporte, chantait le couplet que voici :
« Si j'fais un amant, dit Manon,
Je veux qu'ce soit un bon luron,
Qui soit bon patriote :
L'âge et la mise n'y f'raient rien ;
Mais pour son bien comm' pour l'mien,
J'l'aimerais mieux sans-culotte. »
Dans la base César : 36 représentations en 1793, du 5 janvier au 20 décembre. Reprise en 1796 : 13 représentations en 1796, 9 en 1797, 4 en 1799 (dont une au palais des Variétés).
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