La Comédie chez l’épicier, ou le Manuscrit retrouvé, vaudeville en un acte, de Marc-Antoine Désaugiers et Gentil, 13 décembre 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Comédie chez l’épicier (la), ou le Manuscrit retrouvé
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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13 décembre 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Marc-Antoine Désaugiers et Gentil
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Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Fages, 1809 :
La Comédie chez l’épicier, ou le Manuscrit retrouvé, vaudeville-anecdote en un acte ; Par MM. Désaugiers et Gentil ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 13 Décembre 1808.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome VI, p. 378 :
[La pièce reprend le sujet de la pièce posthume de Collin d’Harleville, les Querelles des Deux Frères, jouée le 20 novembre à l’Odéon, Théâtre de l’Impératrice, dont il a été rendu compte dans le même numéro du Magasin encyclopédique, p. 376-377. Fonds léger, mais « de très-jolis couplets » : le critique a apprécié en particulier le vaudeville final.]
La Comédie chez l’Epicier, ou le Manuscrit retrouvé, vaudeville en un acte , joué le 13 décembre.
L'histoire de la pièce de Collîn, dont nous venons d'annoncer le succès, a fourni le sujet de ce vaudeville. Les auteurs ont profité de la pièce même, en plaçant dans la leur deux frères en querelle. L'un d'eux ne veut donner sa fille qu'à un auteur, et le jeune amoureux trouve très-commode de donner comme de lui, une pièce qu'il trouve dans les papiers du comptoir. C'est précisément celle de Collin, dont la lecture raccommode les deux frères brouillés. Ce fonds léger a servi de canevas à de très-jolis couplets, dont quelques-uns ont pour mérite de faire l'éloge de Collin et de ses ouvrages. Le vaudeville final est surtout fort agréable. Les auteurs sont , MM. Desaugiers, et GENTlL.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1809, p. 291-295 :
[Collin d’Harleville est mort depuis peu, et le monde du théâtre se délecte de l’anecdote concernant le sauvetage de sa pièce posthume les Querelles des deux frères. Ici, elle a doit à une version nouvelle, celle du jeune qui ne pourra épouser sa bien aimée que s’il écrit une pièce, et qui trouve une pièce toute faire dans un tas de vieux papier : c’est la pièce de Collin, qu’il s’approprie, ce qui rend possible son mariage, même si son imposture est découverte. La pièce nouvelle joue avec un effet de miroir : le futur beau-père, qui veut un gendre auteur de théâtre (exigence étonnante) se réconcilie avec son frère, comme les personnages de Collin. Le critique trouve le sujet ingénieux. Le dénouement le choque un peu : il y voit une humiliation pour le jeune homme qui reçoit sa bien aimée de la seule volonté de son père qui se montre bien indulgent. Mais le vaudeville final est jugé positivement, et il en cite un couplet. Un autre couplet (non reproduit) est accusé de copier ses prédécesseurs. Mais, dans cette pièce « remplie d’esprit et de gaieté », on apprécie encore les couplets où les auteurs caractérisent avec finesse « le génie de nos premiers poëtes comiques ».
La Comédie chez l’Epicier.
La scène se passe chez un marchand épicier, M. Bertrand, qui a une jeune fille bonne à marier, et un frère (aussi épicier) avec qui il est continuellement en querelle. M. Bertrand est grand amateur de littérature dramatique, et il refusera sa fille au jeune St.-Charles qui la demande, tant que ce galant n'aura pu justifier de quelque talent pour le théâtre. St.-Charles se dit continuellement occupé d'une comédie très-intéressante, mais, dans le vrai, il n'a pas même songé à tailler sa plume, et M. Bertrand, qui a d'abord pris patience, finit par lui interdire l'entrée de la boutique.
Sur ces entrefaites, la servante de feu Collin-d'Harleville apporte quelques brassées de vieux papiers que M. Bertrand achète à la rame, pour faire des enveloppes de sucre et de fromage. St.-Charles qui revient un moment après, pour dire que sa pièce est très-avancée, et qu'il a besoin de papier pour la mettre au net, trouve dans le chiffonnier du comptoir le manuscrit original de la comédie de Collin (les Querelles des deux Frères), et, enchanté de cette découverte, s'attribue hardiment l'ouvrage ; M. Bertrand en demande communication, et va s'enfermer pour le lire, avec son frère le querelleur, qui était venu là pour toute autre chose ; la pièce fait une telle impression sur l'esprit des deux épiciers, elle leur inspire tout-à-coup des sentimens si tendres et si fraternels, qu'ils se précipitent en pleurant dans les bras l'un de l'autre, et qu'ils donnent avec transport leur consentement à l'union des deux amans ; mais un nouvel incident trouble la fête. La servante de Collin-d'Harleville revient en sanglottant redemander la pièce de feu son pauvre maître, qu'elle a maladroitement confondue avec des papiers inutiles, et voilà St.-Charles convaincu d'imposture. Il avoue ingénuement sa faute ; les deux frères sont si contens de leur réconciliation, qu'ils n'ont pas la courage de se montrer sévères ; St.-Charles épouse sa maîtresse, et il arrive ainsi que le bon Collin-d'Harleville a encore fait du bien après sa mort.
L'idée de cette pièce est ingénieuse ; il y aurait sans doute quelques observations à faire sur le dénouement, qui avilit un peu trop le jeune homme à qui Bertrand veut bien donner sa fille, mais cette partie faible de l'ouvrage est immédiatement suivie d'un vaudeville, dont presque tous les couplets sont charmans, et qui désarme la sévérité des juges les plus rigoureux.
Parmi les traits de bon comique que le public a vivement applaudis, nous avons retenu le suivant :
Air des Portraits à la Mode.
Jadis les auteurs se faisaient une loi
D'offrir des couplets francs et de bon aloî,
Des plans toujours neufs et comiques, mais moi,
Je ne suis pas cette méthode,
Je fais un plan neuf sur un vieux canevas,
Je prends mes couplets dans de vieux almanachs,
Trois ou quatre amis débrouillent le fratras
Et je suis auteur à la mode.
Nous ne dirons pas que MM. Desaugiers et Genty avaient la main sur la conscience en s'exprimant ainsi ; ils ont assez prouvé par de bons vaudevilles, bien remplis d'originalité, qu'ils n'avaient pas besoin de prendre, comme quelques-uns de leurs confrères, leurs idées dans de vieux almanachs. Cependant il faut en faire ici l'aveu, celui de leurs couplets que le public a redemandé avec le plus d’ardeur à cette représentation ne nous a pas paru avoir tout-à-fait le mérite da la nouveauté. Ils disent, dans ce couplet (si notre mémoire ne nous trompe pas) qu'en tranchant les destinées de Colin, long-temps avant le temps, les Parques avaient compté ses années, par le nombre de ses talens. C'est une imitation de Martial, et elle est maintenant rebattue ; il y a plus de cent ans qu'un poëte nommé Lebrun avait fait le quatrain suivant sur la mort d'un jeune prince.
Quand par d'irrévocables lois
La mort trancha tes destinées,
Jeune héros, par tes exploits,
Elle avait compté tes années.
Du reste, nous le répétons, la pièce est remplie d'esprit et de gaieté, et promet pour long-temps aux auteurs de bonnes recettes.
La manière dont ils caractérisent successivement le génie de nos premiers poëtes comiques méritent d'être distinguée.
Ecrivains qui, de Molière
Voulez fournir la carrière,
Scrutez la férule en main
Les replis du cœur humain ;
Sur les ailes du génie
Prenez un sublime essor,
Burinez la comédie
Et Molière existe encor.
Livrez-vous, changeant de lyre,
Au plus folâtre délire ;
De Momus, prenant le ton,
Etourdissez la raison.
Plus aimables que sévères
Et comiques sans effort,
Déridez les plus austères
Et Regnard existe encor.
Tantôt simple, tantôt vive,
Que votre muse naïve
Tour à tour du ton bourgeois
Passe au jargon villageois.
D'un trait malin qui circule
Frappez Midas et Mondor,
Ecrasez le ridicule
Et Dancour existe encor.
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