La Communauté de Copenhague ou le Duc de Woltza, opéra en trois actes, musique de Louis Jadin, 13 décembre 1790.
Théâtre Montansier.
Réimpression de l'Ancien Moniteur, tome 6 [1861], p. 740 :
[C'est dans le Moniteur n° 362, du 28 décembre 1790, que paraît une critique de la Communauté de Copenhague, dont on verra qu'elle inspire largement l'article que Pierre Larousse consacrera à la pièce dans le Grand Larousse universel, reproduit ci-dessous. Il n'est pas question des aléas de la création, si importants pour Larousse, mais ici non plus le nom de l'auteur du livret n'est pas donné.]
THÉATRE DE Mlle MONTANSIER.
On donne depuis quelques jours avec le plus grand succès, sur le théâtre de mademoiselle Mantansier [sic], un opéra nouveau, intitulé la Communauté de Copenhague, ou le Duc de Waldeza. Ce sont les mœurs intérieures d'un couvent, non pas de ces monastères cloîtrés où l'amour n'a plus l'espoir de pénétrer qu'à travers le crime, mais de ces retraites élevées par la piété, où l'on oublie quelquefois l'intention de la fondatrice et que souvent la fausse honte empêche seule de quitter. Ce sont, en un mot, des chanoinesses. L'une, la plus qualifiée, et qu'on nomme madame la comtesse, a pour amant M. le gouverneur. Elle se reproche sa faiblesse et veut rompre ses liens ; en attendant, le gouverneur s'introduit furtivement dans sa cellule pour lui lire le Code de l'Amitié ; une autre se contente de l'organiste ; une troisième se familiarise avec le jardinier. Comme le mariage peut légitimer cette indulgence, il n'y pas grand mal ; et puis, comme dit très plaisamment un des personnages de la pièce : quel couvent n'a pas son jardinier? Nous ne détaillerons pas davantage l'intrigue. Le plus grand mérite de cet ouvrage, qui en a beaucoup, consiste dans les situations et dans les tableaux dont il abonde, et qu'il faut voir nécessairement pour les bien appprécier [sic]. Si quelque esprit sévère se formalisait des invraisemblances, il serait bientôt radouci par la gaité du dialogue, la finesse des traits, et le soin avec lequel il est écrit.
Il y a aussi un très grand mérite dans la musique, écrite savamment et d'un chant très agréable. Elle fait le plus grand honneur aux talents de M. Jadin.
Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, tome 4 [1869], p. 739 :
[Le grand dictionnaire accorde une large place à l'opéra de Jadin (il n'est plus question de Saulnier : un opéra sans auteur du livret). Cette importance tient aux péripéties de la création de l'opéra, d'abord empêché par la place qu'y occupent des religieux dans une position peu ecclésiastique. Après le refus de la Commune, il faut modifier le livret pour le rendre acceptable : les religieuses cèdent la place à des chanoinesses. L'intérêt qui peut sembler disproportionné de Larousse pour une œuvre aujourd'hui bien oubliée est évidemment lié à son idéologie républicaine ou laïque.]
Communauté de Copenhague (La), ou le Duc de Woltza, opéra en trois actes, de Jadin, représenté pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de Mlle Montansier, le 13 décembre 1790. Ce n'est pas précisément le mérite de cet ouvrage qui en fit le succès. Les situations et les tableaux qui y abondent excitèrent surtout la curiosité. Les difficultés presque insurmontables qui en avaient pendant près d'une année empêché la représentation continuèrent, d'autre part, à lui donner une sorte de célébrité anticipée. La Communauté de Copenhague s'appelait d'abord le Duc de Woltza ou les Religieuses danoises. Présentée à l'examen de la municipalité, cette pièce, où les mœurs monastiques étaient esquissées avec une certaine liberté d'allures, fut refusée. On était en février 1790, et la municipalité tentait encore de résister au flot de pièces sur les moines, les religieuses et les prêtres, dont les théâtres de Paris regorgeaient. Mais comme le droit de censure, que la municipalité s'attribuait, était controversé, l'auteur en appela de la décision qui le frappait à l'assemblée des représentants de la Commune. Trois commissaires furent nommés, Vigée, Georges d'Epinay et Mulot, lesquels, connaissance prise du manuscrit, se rangèrent à l'avis des premiers juges. Cependant le public du Théâtre-Italien, où devait être joué le Duc de Woltza interrompit un soir le spectacle et demanda la pièce interdite. Le Moniteur universel du 21 mars consigne le fait ; il rapporte la réponse de l'acteur Clerval aux spectateurs. Clerval s'était rendu à la municipalité, et avait vu le maire de Paris, Bailly. Ce dernier lui avait dit : « Je respecterai toujours le vœu public ; mais, en m'honorant de leur choix dans la place importante qu'ils m'ont confiée, mes concitoyens m'ont imposé le devoir de faire exécuter les lois et de conserver les mœurs et l'honnêteté publiques. Ce devoir et ma conscience me défendent de permettre la représentation de cette pièce. » Ces paroles, que l'on peut rapprocher de celles que le même homme disait à l'Assemblée nationale : « Je demande la liberté de faire le bien, et de le faire dans toute son étendue », ces paroles inspirèrent à l'auteur l'idée de remanier son œuvre et de la renvoyer aux trois commissaires, qui firent alors un rapport favorable. Ce rapport, écrit dans un style imagé, est déposé aux archives de la préfecture de la Seine. On y lit notamment ce qui suit : « Nous avons reproché à l'auteur le costume qu'il avait donné à ses personnages ; ce costume a disparu ; nous lui avons fait remarquer quelques groupes dans une situation un peu hasardée, il leur a donné une attitude plus convenable ; l'expression des têtes était un peu fortement prononcée, il l'a adoucie. Une gaze un peu transparente dissimulait à peine le contour des figures, il les a couvertes d'un voile plus épais. Le coloris enfin était peut-être trop vif et trop brillant, il l'a éteint à propos par l'heureux contraste des ombres. » La Commune, sur les conclusions de ce rapport, autorisa la pièce, mais sous un titre nouveau, la Communauté de Copenhague. Disons tout de suite que les religieuses avaient été remplacées dans l'ouvrage par des chanoinesses. « Ce sont, dit un compte rendu de l'époque, les mœurs intérieures d'un couvent, non pas de ces monastères cloîtrés où l'amour n'a plus l'espoir de pénétrer qu'à travers le crime, mais de ces retraites élevées à la piété, où l'on oublie quelquefois l'intention de la fondatrice et que souvent la fausse honte empêche seule de quitter. Ce sont, en un mot, des chanoinesses. L'une, la plus qualifiée, et qu'on nomme madame la comtesse, a pour amant M. le gouverneur. Elle se reproche sa faiblesse et veut rompre ses liens; en attendant, le gouverneur s'introduit furtivement dans sa cellule pour lui lire le Code de l'amitié. Une autre se contente de l'organiste. Une troisième se familiarise avec le jardinier. Comme le mariage peut légitimer cette indulgence, il n'y a pas grand mal ; et puis, comme dit plaisamment un des personnages de la pièce : Quel couvent n'a pas son jardinier ? Nous ne détaillerons pas davantage l'intrigue... Si quelque esprit sévère se formalisait des invraisemblances, il serait bientôt radouci par la gaieté du dialogue, la finesse des traits et le soin avec lequel il est écrit. » Quoi qu'il en soit, la Communauté de Copenhague obtint un grand succès et fut jouée longtemps. Aujourd'hui, il n'en reste plus guère que le souvenir ; mais les deux titres de l'ouvrage sont souvent cités dans les ouvrages spéciaux. La musique, fort estimée en son temps, est écrite savamment et d'un chant très-agréable.
Il y a eu 7 représentations en décembre à partir du 13 décembre 1790 d'après le Moniteur universel. La pièce continue à être jouée tout au long du premier trimestre de 1791. 21e représentation annoncée le 7 avril 1791. Elle est encore jouée les 24 juillet et 16 septembre 1791 (on en serait à 23 représentations). Je n'ai pas repéré de représentation en 1792.
La base César donne 30 dates de représentations : 8 en décembre 1790, 18 en 1791, 4 en 1793. Si Jadin est bien donné comme compositeur, l'auteur du livret est donné pour inconnu.
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