La Coquette par nécessité, vaudeville en deux actes, 17 juin 1814.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Coquette par nécessité (la)
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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17 juin 1814
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1809, tome VIII (août), p. 288-293 :
[Un bien long compte rendu pour une pièce dont on nous dit d’emblée qu’elle est tombée, et que ce n’est que justice. Le critique s’amuse beaucoup au récit d’une intrigue qui n’a pas de vraisemblance, et qui ne craint pas le ridicule. Mais il n’oublie pas pour autant ses devoirs de critique, et il entreprend de discuter soigneusement la question de la dévotion dans la comédie : il juge qu’elle y est déplacée, et la dévotion n’apporte rien au personnage de vieille dévote que la pièce montre. La conclusion est sans appel : la pièce ne valait rien, le public a sifflé et murmuré sans cesse, et on n’a pas entendu le vaudeville final. Mais pas de regrets à avoir !]
La Coquette par nécessité. C'est en automne que tombent les feuilles, il paraît que c'est en été que tombent les vaudevilles ; en voilà deux de suite, ce qui se voit peu dans les autres saisons de l'année. L'air de la salle, qui est est sans contredit le plus chaud de Paris, leur est probablement mal-sain aux approches de la canicule. C'est-là sûrement ce que voulait présager un sifflet qui est parti même avant le couplet d'annonce, et d'après cet oracle, plus sûr que celui de Calchas, on pouvait s'attendre à la chute de la pièce pour peu qu'elle s'y prêtât, et elle s'y est prêtée de la meilleure grace du monde. Ce couplet d'annonce nous a pourtant demandé notre indulgence pour la Coquette par nécessité, à cause de la rareté. Mais il me semble que ce n'est pas une chose si rare qu'une coquette par nécessité. On en voit au contraire beaucoup ; et d'après la morale de la pièce, qui probablement est aussi la leur, que l'action la plus basse est annoblie par le motif qui la fait faire, comme c'est un motif très-raisonnable que celui de pourvoir à la nécessité, je ne doute pas que le nombre n'en augmente encore. Elles n'auront pas toutes, à la vérité, le même motif que celle du vaudeville. C'est pour le service de son mari qu'elle est coquette. Cela se voit bien encore quelquefois, et l'on assure que les nécessités de l'ambition d'un mari ont coûté quelquefois des coquetteries à la femme. Mais il faut croire qu'alors elles en avaient demandé la permission ; ce que n'a pu faire celle-ci,attendu que son mari est en prison, et que c'est pour le tirer de là que, sous le nom de Florettina , elle fait des coquetteries au vieux commandant de la prison, et qu'elle en fait sous le nom d'Ambrosio à sa sœur, vieille dévote, qui avait juré, ainsi que son frère, de ne se jamais marier ; et comme chacun est très-attentif à ce que l'autre tienne sa parole, la dévote veille à ce qu'il n'entre pas de femmes dans le château, et le commandant à ce qu'il n'y entre pas d'hommes. Ainsi, c'est le commandant qui a conseillé à Florettina de se déguiser en homme pour tromper sa sœur, et la sœur a engagé Ambrosio à se déguiser en femme pour plaire à son frère ; et ce qu'il y a d'heureux, c'est que, sous ce costume, il enchante aussi la dévote, et que Florettina, très-bien mise en femme, et très agréable, comme doit l'être Mme. Hervey, n'en paraît pas moins aux yeux de la dévote, le plus joli jeune homme du monde, avec qui elle est très-pressée de faire passer son contrat de mariage. Cette invraisemblance aurait pu nuire à la pièce, si elle n'avait pas déjà été en état de ne rien craindre. Dès la première scène, les équivoques de la soubrette qui, de son côté, fait des coquetteries à Domingo, le nègre de la prison, avaient paru un peu trop gaies à un parterre qui n'était pas disposé à entendre raillerie. L'amour de la dévote n'avait pas non plus paru de bon goût; et je ne vois pas en effet ce que la dévotion ajoute à son rôle. On peut mettre l'amour en contraste avec la pruderie, avec l'orgueil, la fausse dignité qui pourront le rendre plaisant par le genre des combats qu'il aura à soutenir et des victoires qu'il saura remporter ; mais la dévotion, à moins qu'elle ne soit acariâtre, minutieuse ou superstitieuse, ne prête point au ridicule : ses combats avec l'amour, dans le cœur d'une jeune fille, peuvent produire des mots et des mouvemens piquans par leur naïveté ; mais je ne vois pas ce qu'ils peuvent ajouter de comique à l'amour de la vieille. Quand celle-ci, comme elle le dit à son Ambrosio femelle, quitte ses prières pour penser à lui, elle se trouve dans le même cas que Zaïre lorsqu'elle veut prier Dieu :
Mais dans le même instant les traits de ce que j'aime,
Ces traits chers et charmans que toujours je revoi,
Se montrent dans mon ame entre le ciel et moi.
C'est encore ce qui arrive à Phèdre lorsqu'elle offre des sacrifices à Vénus :
J'adorais Hypolite, et le voyant sans cesse
Même au pied des autels que je faisais fumer,
J'offrais tout à ce dieu que je n'osais nommer.
On ne peut tirer de tout cela que de la passion, et la passion est peu du ressort du vaudeville ; le triomphe d'un amant sur un directeur pourra offrir quelque chose de plaisant ; mais dès qu'il s'agit seulement de Dieu, il n'y a pas le mot pour rire. Avec tout cela, ou malgré tout cela, Florettina est parvenue à s'introduire dans le château et même à parler à son mari. Le commandant a fait appeller le prisonnier pour tenir sa partie dans un concert ; mais cette rencontre, qui a fourni à Florettina l'occasion d'instruire son mari des moyens qu'elle prendra pour son évasion, a inspiré de la jalousie au commandant à qui ils ont paru beaucoup trop d'accord, tandis qu'elle n'a fait qu'amuser l'innocente dévote, ravie de voir tout le monde devenir amoureux de son cher Ambrosio. Le commandant qui, je ne sais comment, a deviné tout de suite que Florettina voulait faire enfuir le prisonnier, donne ordre à son nègre Domingo de favoriser leur évasion, afin de pouvoir les surprendre et d'avoir un motif pour punir son rival en le resserrant davantage. Tout se passe comme il l'avait projetté ; et au moment où les époux surpris et consternés déclarent en vain les nœuds qui les attachent l'un à l'autre, sans pouvoir attendrir le commandant, on apporte l'ordre de la liberté du prisonnier. Nous ne savions pas pourquoi il était entré, nous ne savons pas pourquoi il sort ; mais il serait possible, au reste, que cette explication nous eût échappé. La séance était peu favorable aux explications. Accompagnés de sifflets ou de murmures, pendant presque toute la pièce, les acteurs ont tenu bon aussi long-temps qu'il leur a été possible ; mais ils ont senti à la fin que
Quand on a tout perdu , quand on n'a plus d'espoir ;
La vie est un opprobre et la mort un devoir :
Et la chute du rideau, avant qu'on eût pu chanter le vaudeville de la fin, a constaté la chute de la pièce.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome III, p. 382-384 :
[Le critique trouve la pièce ridicule, tant par son intrigue que par ses couplets. Il donne le résumé de l’intrigue, qu’on peut juger en effet insignifiante, et des morceaux de couplets, que chacun appréciera. La pièce a beaucoup fait rire, mais pas par la qualité de son comique.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
La Coquette par nécessité, vaudeville en deux actes, joué le 17 juin.
Il pleut des vaudevilles, ils tombent comme la grêle. La nécessité seule peut faire pardonner- à l'auteur de celui que nous annonçons d'avoir écrit, sans savoir pourquoi ni comment, des scènes aussi insignifiantes, et d'avoir rimé des lignes assemblées huit par huit.
La Coquette par nécessité est une tendre épouse qui s'est introduite dans un château fort, et employe un double déguisement pour sauver son mari prisonnier d'état ; elle veut séduire le commandant de la forteresse et sa sœur ; tantôt elle est une jolie femme, et tantôt un aimable cavalier ; longtemps elle fait à son gré tourner les têtes; mais sa ruse est découverte, et l'ordre de la délivrance de son époux arrive pour finir la pièce. Ce qu'il y a de plus étonnant, ce sont les couplets: nous allons citer la chûte de quelques-uns, pour donner l'idée de la poésie de la Coquette par nécessité. Elle s'écrie, en parlant de son double travestissement :
Moi qui n'ai jamais trompé.
Je trompe en ces lieux tout le monde.
Un autre couplet finit ainsi :
Et tous deux voudront m'épouser
Avant huit jours, je le parie.
Un troisième offre le trait suivant ; elle parle de son confident :
S'il nous faut des parens, je pense
Qu'à lui seul il les fera tous.
Un quatrième ne le cède en rien aux autres. Voici les deux derniers vers :
Mon amour pour le créateur
Se porte sur la créature.
Le Commandant dit à la Coquette qu'il est étonné que sa sœur la prenne pour un homme ; car, dit-il :
Quoiqu'en homme vous soyez bien,
Il vous manque encor quelque chose.
Tout est de la même force: la meilleure comédie a peut-être excité moins de gaieté; les éclats de rire étoient universels : cependant la pièce n'a pu être achevée.
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