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La Création du monde

La Création du monde, oratorio, tets français de Ségur jeune, musique de Haydn. 3 nivôse an 9 [24 décembre 1800].

Théâtre de la République et des Arts

Titre :

Création du monde (la)

Genre

oratorio

Nombre d'actes :

 

Vers ou prose ,

en vers

Musique :

oui

Date de création :

3 nivôse an IX [24 décembre 1800]

Théâtre :

Théâtre de la République et des Arts

Auteur(s) des paroles :

Ségur jeune pour le texte français

Compositeur(s) :

Haydn

Almanach des Muses 1802

Spectacle d'un genre qui nous est peu familier.

Une représentation très-brillante donnée le jour même où la vie de Bonaparte fut menacée par l'explosion d'un baril de poudre, placé sur son passage, rue Saint-Nicaise.

Succès qui n'a pas eu de suite.

Courrier des spectacles, n° 1397 du 6 nivôse an 9 [26décembre 1800], p. 2-3 :

[Ce compte rendu fleuve ne con tient que des éloges dithyrambiques de l'oratorio et de son interprétation. Le critique est totalement sous le charme de ce qu'il a entendu. Aucune réserve.]

Théâtre de la République et des Arts.

ORATORIO :

La Création du Monde.

Trois faits à jamais mémorables auront illustré la fin du dix-huitième siècle : le Passage des Alpes, l’Inauguration de l’Apollon du Belvédère, et l’Oratorio la Création du Monde, ainsi que son exécution sur le théâtre de la République et des Arts.

Pour entendre ce dernier chef-d’œuvre, tout ce que la société renferme de plus brillant, tout ce qu’elle offre de professeurs et d’amateurs, a montré un empressement qui déjà est un hommage tout-à-la fois à l’art et aux artistes. Mais qu'elle [sic] peut-être la plume assez hardie pour entreprendre aucun détail authentique d’une production de cette nature ? Indiquer les beautés qui ont fait le plus d’impression, voilà tout ce qu'il est permis d’essayer

Le poëme est simple en lui-même, et doit être très-beau, si l’on en juge par la traduction. Quant à celle-ci, elle nous a paru beaucoup au-dessus de l’idée trop modeste que son auteur, le citoyea Ségur jeune, en a voit donnée. La prosodie en est pure, elle a du nombre et de la facilité. Envain chercheroit-on quelque ordre dramatique dans cet ouvrage, entièrement d’exaltation ; il consiste en images qui suivent l’ordre de la Création. Ces images sont grandes, fortement exprimées, dignes du sujet.

L’introduction peint le Cahos. C'est le Néant qu’il auroit fallu dire ; car dans l’idée comme dans la composition qui la rend sensible, il n’y a rien de confus, il y a seulement absence de tout, et peu à peu les objets naissent, se succèdent, se développent. Haydn a peint bien heureusement ces progressions, par le genre et les tons de son orchestre ; ils sont foibles, obscurs, peu déterminés. Quoique le motif soit entièrement sur une mesure fixe, il a développé toutes les parties en mesures composées et sur-tout pour les instrumens à vent. C’est déjà là le début d’un grand maître ; quant aux instrumens à cordes, c’est le triomphe des sourdines : mais après ces mots : Dieu voulut la lumière et la lumière fut, les sourdines ont disparu, tout reprend son éclat par un son plein, brillant, prolongé, et ce bel effet règne encore dans le chœur placé ensuite.

On remarque plus loin l’air de Gabriel : Surprise d’un pouvoir si grand, qui est d’une harmonie vraiment céleste, et qui revient en chœur par une rentrée admirable de hautbois. A quelques traits de là le récitatif du même personnage pour peindre la Création du Globe, est neuf autant que pur, et l’admiration est commandée bientôt par la douceur et la belle simplicité du motif qui précède l'air : La terre étale ses attraits.

Ce tableau amène le sublime chœur des Anges : Prenons la lyre, etc. C’est l’accent de l’enthousiasme, c’est le sentiment auguste de la. Contemplation ; et pour le rendre, quel beau ton de fugue ! quelle énergie dans les basses-tailles dont les jets précèdent si naturellement les dernières phrases !

A la création du firmament, le récitatif d’Uriel a ses beautés à part. Toutes les inter-phrases en sont majestueusement prononcées, tout indique et prépare la naissance du Soleil, tous traits nobles caractérisent alors la ritournelle qui conduit à ces mots : Un astre immense et radieux, etc. et l'opposition n’en est que plus belle lorsqu’il s’agit de peindre le premier éclat de la Lune. Ce sont presque les seules contrebasses qui accompagnent ces deux vers heureux :

Tranquille et doux dans l'ombre et le silence,
L’astre du soir lève un front argenté.

Cet effet est unique. Nous voici à l’une des plus étonnantes productions du génie, au chœur final de cette première partie. La plume échappe aux effets de ce morceau encore agissant sur les fibres de la mémoire. Au ressouvenir de cette progression lente des demi-tons de basses en chromatique soutenant tout le reste, qui est en jeu de fugue, on cherche a recomposer intérieurement un tel chef-d’œuvre ! on jouit encore, on admire et l’on ne décrit pas.

La création des animaux constitue la seconde partie. Les premières paroles de Dieu rapportées par Raphaël, sont sur un ton qu’on peut appeler divin, qui roule sur un accompagnement d’altos, de violoncelles et contre-basses, dont l’harmonie présente le plus bel ensemble de sons.

L’Ange bientôt exprime son ravissement à la vue du Lion qu'on croit entendre rugir, du tigre qu’on voit s’élancer, du Cerf dont un ton de chasse annonce l’arrivée, du Cheval bondissant, des Bœufs mugissans, des Insectes qui bourdonnent, du Serpent qui rampe, tous effets rendus sur une modulation qui caractérise l’objet créé, et l’inverse de l’usage reçu, le pittoresque de l’harmonie précède la phrase du récitatif, parce qu’ici l’Auge nomme et admire successivement ce qu’il voit ; c’est, dans le compositeur, une grande preuve de jugement.

Mais quand ce vient à l’homme, brillant de grâce et de beauté, il faut vraiment se prosterner devant tonte cette composition et admirer l’art avec lequel à une phrase de violoncelle, déjà pleine de mélodie, s’amalgame en quelque sorte la réponse néanmoins belle des violons. Le chant d’Uriel joint à ces deux parties, et toutes trois réunies en un même motif, sous une perfection d’harmonie dont on n’avoit pas encore eu d’idée. Que dire de l’effet d’une transition en harmonique sur ces mots : le génie éternelle, etc., effet si beau, si riche, qu’il a été senti même par ceux qui pouvoient en ignorer le méchanisme ? Avec quelle ame et quelle habileté le citoyen Garat a rendu tout ce morceau ! Quand [sic] au chœur final de cette seconde partie, on ne balance pas à dire que son motif de fugue, sur lequel s’établit le motif de la contre-fugue, suffiroit pour immortaliser un compositeur, et est en un mot le nec plus ultra du génie.

La troisième partie ne recèle pas moins de richesses  ; mais un morceau singulièrement remarquable est le premier Duo d’Adam et Eve, conçu avec une mélodie délicieuse, et avec des accompagnemens d’orchestre surprenans par leur pureté ; c’est le tableau du charme de l’existence au séjour des délices ; c’est l’extase et le senti ment de toutes les jouissances. Et qu’il faut bien remarquer ici un léger frémissement de timballes dont l’effet ne peut que se sentir, mais ne sauroit se concevoir ; c’est la première fois que cet instrument est employé pour peindre le bonheur : quel trait de génie !

On a cru devoir abréger un peu cette troisième partie, mais nous savons qu’on se propose de rétablir un duo et un chœur qui n’ont pas été entendus.

Honneur aux artistes qui nous ont fait jouir de ce chef-d’œuvre dont l’exécution a été superbe ! honneur aux Steibelt, Kreutzer, Rode, Sallentin, etc., etc., etc., et en particulier à l’homme infatigable qui a donné en cette occasion une preuve nouvelle et bien éclatante de son mérite, en laissant les auditeurs dans l’impossibilité de décider ce qui l’emporte en précision, en aplomb, en expression ou des voix ou des instrumens : c’est assez désigner le cit. Rey, qui conduisoit ce grand ensemble, et qui prépare au célèbre Haydn une jouissance que certainement il n’aura pas encore goûtée dans sa vie On dit que ce compositeur est en route pour venir entendre exécuter son Oratorio.

Les citoyens Chéron et Garat, et madame Walbonne ont tout exprimé parfaitement avec les moyens heureux et l’habileté qu’on leur çonnoît ; iis ont été toujours très-applaudis.

B ***.          

Mercure de France, tome troisième, N° XIV (16 Nivose An 9), p. 123-125 :

THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE ET DES ARTS.

Le fameux Oratorio de la Création du Monde, quoique protégé par des noms célèbres et des annonces magnifiques, n'a désarmé ni la critique sévère de la raison, ni la satire indiscrète de l'esprit et de la malignité. On a dit très-légèrement que Paris était. aujourd'hui la ville du monde où l'on était le plus en état de sentir et d'apprécier le chef-d'œuvre de Haydn ; il est beaucoup plus certain que c'est le pays où trois heures de musique sans action produiront toujours le plus d'ennui pendant le concert et le plus d'épigrammes le lendemain.

Ceux qui prétendent à des connaissances approfondies dans la musique, reprochent à cet Oratorio si vanté, de n'être qu'une symphonie savante et riche dans les détails, mais sans caractère et sans poésie dans l'ensemble de la composition. On a remarqué, dès le commencement, de très-beaux effets d'harmonie, surtout à ce passage :

Dieu voulut la lumière et la lumière fut.

Mais il s'en faut de beaucoup que le désordre, la confusion, le choc des éléments, cet amas informe de matière, qu'Ovide appelle

rudis indigestaque moles ;

et dont la peinture devait nécessairement précéder le prodige de la création, soient présentés à l'esprit d'une manière convenable dans une introduction où tout est calme et tranquille. En général on reconnaît que la facture de ce morceau doit inspirer la plus haute estime pour le talent de Haydn dans le technique de son art ; mais l'on ajoute qu'il en a méconnu le beau idéal, en négligeant, dans la partie de son ouvrage, qui pouvait être la plus poétique, ce qui distingue éminemment la musique des grands maîtres, l'avantage de peindre par les sons. Salieri, dans le prologue de Tarare, paraît avoir beaucoup mieux conçu les effets que le musicien devait produire pour exprimer l'idée du chaos.

Haydn a cherché ce mérite de l'harmonie îmitative, qui, dans son art, est peut-être le premier de tous, lorsqu'il a chanté la création des animaux. Ici, l'intention est clairement annoncée, et l'exécution souvent ingénieuse. Cependant des critiques d'un goût difficile, prétendent qu'au lieu d'une expression simple et noble, qui devait caractériser l'ensemble de ce tableau, le compositeur a multiplié les détails minutieux, froids et communs, et que ce fragment bizarre n'est pas digne de la grandeur et de la majesté du sujet. Enfin la partie vocale de l'ouvrage a paru très-opposée au génie et au goût dominant des Français, qui veulent presque toujours retrouver, dans la musique, la déclamation théatrale et l'accent des passions. Mais on s'accorde généralement à dire que toutes les richesses du savoir musical y sont prodiguées, et l'enthousiasme contagieux des artistes doit triompher de. la sévérité des censeurs. L'orchestre, composé des hommes les plus célèbres de la capitale, dirigé par un musicien du plus rare talent, a contribué beaucoup au succès de cette production singulière, sur laquelle il serait peut-être-aussi juste que difficile de réconcilier la critique et l'admiration. Au reste, les parodies de l'Oratorio se succèdent avec rapidité sur tous les petits théâtres ; l'Opéra-Comique n'a pas dédaigné d'en accueillir une très-ingénieuse et très-piquante. Ces ouvrages, d'un jour, font à l'amour-propre des blessures profondes qui laissent un long souvenir. Peut-être serait-il utile de bannir de la scène, avec les pièces qui blessent le gouvernement et les mœurs, toutes celles qui n'ont pour objet que de livrer à la malignité publique des hommes vivants et connus.

E.

L’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome V, pluviôse an IX [janvier-février 1801], p. 222-224 :

[La création du fameux oratorio de Haydn en version française et « arrangé par un compositeur distingué »a attiré la foule, à défaut de la convaincre. Le critique en souligne la difficulté: il fait l’écouter plusieurs fois pour l’apprécier, et il insiste sur la différence de réaction des artistes et du public. Sa première a eu lieu le jour même de l’attentat de la rue Saint-Nicaise, et le critique montre le trouble que cet événement a eu sur cette représentation. Il analyse ensuite la prestation des divers interprètes, deux chanteurs, plutôt inégaux, puis l’orchestre, excellent, et qui a montré lors d’une répétition l’enthousiasme qu’a fait naître chez lui l'œuvre de Haydn. Une médaille d’or a été votée pour le compositeur.]

THÉATRE DES ARTS.

L'Oratorio du célèbre Haydn, intitulé : la Création du Monde, exécuté dans toute l'Allemagne, où il est l'objet d'une admiration universelle & soutenue, apporté en France par Stebelt, arrangé, & traduit de la prose allemande en vers français, par le C. Ségur jeune, vient d'être entendu au Théâtre des Arts, devant l'assemblée la plus nombreuse & la plus brillante.

Cet Oratorio est une des plus belles productions que l'on puisse entendre , mais il faut l'entendre bien plus d'une fois pour le pouvoir apprécier. Ce n'est pas à l'égard d'un ouvrage où les beautés sont toutes du premier ordre, & en quelque sorte prodiguées, que l'imagination presque fatiguée d'en avoir été frappée sans relâche, peut te flatter de les avoir assez distinguées pour les retenir & les analyser. Aussi l'enthousiasme des artistes qui avoient acquis l’habitude de cette production, & qui ont eu le moyen de la détailler, a-t-il encore surpassé celui du public dont l'admiration croîtra pour ce chef-d'œuvre à mesure qu'un intérêt de l'art bien entendu lui ménagera les moyens de l'entendre, & sur lequel nous ne pouvons donner encore que cette foible notice.

On exécutoit l'introduction, & vingt mesures ou à peu près, venoient d'être marquées lorsque le bruit lointain de l'explosion se fit entendre sans qu'on sût encore à quoi devoir l'attribuer. Un moment après l'arrivée du premier consul, le bruit du danger épouvantable auquel il venoit d'échapper , en se rendant à l'opéra, circuloit de bouche en bouche, & ne laissoit plus au spectateur l'attention & le calme nécessaires pour bien entendre ; aux artistes, l'assurance indispensable pour bien exécuter. Aussi les premières parties ont-elles éprouvé un peu d'incertitude & d'indécision.

Madame Barbier Walbonne, revenue d'une première & bien juste émotion, a chanté les airs dont elle étoit chargée, avec ce goût, cette méthode & cette pureté qu'elle a en partage.

Une manière moins facile, moins brillante, un goût plus sévère, des moyens plus prononcés, eussent été peut-être nécessaires à Garat dans la plupart des morceaux qui lui sont confiés, si l'on en excepte l'air de la création de l'homme & de la femme, dans lequel il n'a rien laissé à désirer.

La partie instrumentale a été constamment au-dessus de tous les éloges qu'on pourroit lui
donner.

On cite le trait suivant : A la dernière répétition, l'orchestre cédant à un mouvement d'enthousiasme, s'est levé tout entier en laissant échapper un cri unanime d'admiration. Frédéric Rousseau, violoncelle distingué, a saisi cette occasion pour improviser quelques expressions de reconnoissance pour Haydn ; sur sa proposition, une médaille d'or a été sur le champ votée en l'honneur de l'auteur de la Création du Monde & des plus belles symphonies connues. Elle lui sera décernée au nom des artistes musiciens français.

Carrière à l'Opéra :

1 représentation en 1800 (24/12).

1 représentation en 1801 (02/01).

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