Le Café des patriotes

Le Café des patriotes, piece épisodique en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, par M. Gabiot, 12 octobre 1793.

Théâtre du Lycée des Arts.

Titre :

Café des patriotes (le)

Genre

pièce épisodique mêlée de vaudevilles

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

12 octobre 1793

Théâtre :

Théâtre du Lycée des Arts

Auteur(s) des paroles :

Gabiot

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 3 (mars 1794), p. 279-284 :

[Comme le titre l’indique, la pièce est patriotique, et le critique indique la situation politique de chacun des personnages. Ainsi Fronsec, le gascon, est un ci-devant abbé qui cherche (et trouve) femme. « Pièce épisodique », la pièce se limite à une intrigue sentimentale et au défilé des clients du café dont les personnages principaux renforcent le zèle pour la patrie, ou qui préfèrent se taire que de courir le risque d’une dénonciation. On voit défiler les questions, militaires, économiques (il y a un beau débat entre un laboureur qui met sa récolte au service de la république, et un épicier qui ne pense qu’au profit. La critique proprement dite porte sur deux points : la présence de longueurs, dont le journaliste ne doute pas que l’auteur saura les faire disparaître, et « des incorrections & une certaine impropriété de termes, qu'il seroit bien à désirer que son auteur corrigeât » : le compte rendu en énumère toute une série, avec le corrigé...]

THÉATRE DU LYCÉE DES ARTS.

Le café des patriotes, piece épisodique en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles ; par M. Gabiot.

'La limonadiere Mme. Dumont aime le gascon Fronsec, habitué de son café ; mais ce n'est pas à elle de le lui dire. Ce ci-devant abbé adore cette veuve ; mais il n'ose le lui déclarer, parce qu'il est très-pauvre & qu'elle est fort riche. Cependant ils sont au moment de faire l'aveu de leur mutuel penchant, lorsque Brusquet entre dans le café & les interrompt ; ils en sont fâchés tous les deux. Ils n'auront pas lieu de l'être long-tems ; car Brusquet, qui a de l’attachement pour Fronsec, parce qu'il est patriote, l'appuie auprès de Mme. Dumont, & leur fait faire à tous deux, dans- une conversation- de quelques minutes,, plus de chemin qu'ils n'en auroient fait peut-être seuls, en huit jours. Quand on n'a pas de tems à perdre, il est heureux de trouver un ami qui nous épargne celui qu'il faut nécessairement dépenser pour filer le parfait-amour. La veuve est maîtresse de ses actions ; Frcnsec, qui n'est plus abbé, ne doit répondre des siennes à personne ; ils savent qu'ils s'aiment, & le mariage se fera quand il faudra.

Mais en attendant, Brusquer & Fronsec veulent débarrasser le Café des patriotes de tous les aristocrates & de tous les indifférens qui osent s'y présenter. Un des premiers qui vient y déjeûner, est un misérable folliculaire, le famélique Griffonet, qui soufflant le froid & le chaud dans sa gazette, y dissimule toutefois les avantages que remportent les troupes de la république, & appuie fortement sur leurs pertes. Le gascon & Brusquet le persifflent, le bernent, & prenant ensuite un ton plus sérieux, le rendent responsable de tout ce qu'il dit & même de tout ce qu'il ne dit pas dans sa gazette ; ce qui est sans doute un peu trop exagéré. Heureusement Fronsec & Brusquet s'expliquent, en disant que « les tyrans & les esclaves seuls ont besoin d'être flattés ; mais que des républicains veulent savoir la vérité. » Griffonet promet la dire, & s'en va.

Un clerc de notaire & un commis de marchand entrent ; ils sont tous les deux de la premiere réquisition, & semblent ne pas trop partager l'enthousiasme de leurs camarades, qui montrent la plus vive ardeur pour la défense de la patrie. Brusquet s'en apperçoit, & secondé par Fronsec, il leur dessille facilement les yeux, & leur prouve combien est juste & politique la premiere réquisition, & combien sont heureux ceux qui en font partie, puisqu'ils seront les premiers au poste d'honneur, & que de la maniere dont cela commence, les seconds attendront long-tems & n'obtiendront peut-être point de gloire : car il est certain que les premiers ne leur laisseront plus rien à faire.

Les jeunes gens promettent non-seulement de partir avec joie, mais d'aller encore faire entendre raison à certains de leurs camarades qui partageoient leur tiédeur. Ils avoient été disposés eux-mêmes à goûter les raisonnemens de Brusquet & de Fronsec.

Au clerc minute & au commis de l’aune, succedent muscadin l'épicier, & un laboureur. Le premier veut gagner autant qu'il est possible sur sa marchandise , & il se fonde sur ce qu'elle est sa propriété, qu'il peut en faire tout ce que bon lui semble, & qu'on est libre de la prendre ou de la laisser au prix qu'il y met. Le laboureur lui répond qu'avec le mot propriété, on fait plus de mal aux François que ne leur en ont jamais fait les canons de l'ennemi, & qu'on finira, au moyen de ce mot, par nous livrer aux horreurs de la disette & de la guerre civile. Ah ! s'écrie t-il, voici ma façon de penser ; puisse-t-elle devenir la vôtre & celle des débitans de marchandises de premiere nécessité !

AIR : Philis demande son portrait.

Du bled qui mûrit dans mes champs
Je fais trois parts moi-même.
La premiere est pour mes enfans
Et la femme que j’aime ;
Au champ que j'ai su préparer
Ma main rend la seconde :
C’est un devoir pour assurer
L'existence du monde.

Ai-je le droit dans mes greniers
D'enfermer la troisieme ?
Et de créer dans nos foyers
Une misere extrême !
Non, non cette part qu'à bon prix
A vendre je m'applique,
Et je le pense, & je le dis,
Èst à la république.

L'épicier n'est point du tout de cet avis ; il prétend au contraire qu'il n'est marchand que pour gagner ; mais il ne veut pas s'expliquer à ce sujet, parce que dans les cafés on est entouré d'espions, de délateurs, & qu'il craint les dénonciations ; aussi cede-t-il la place au laboureur, & le plante-t-il là. Heureusement ce patriote ne peut que se plaire avec des patriotes.

Après l'avoir accablé de caresses, Brusquet & Fronsec reprennent avec Mme. Dumont la conversation que le civisme leur avoit fait oublier pendant quelques minutes ; la veuve se rend, & accorde sa main à Fronsec, qui devra désormais partager tout son tems entre l'amour que lui a inspiré Mme. Dumont & la reconnoissance qu'il doit à Brusquet.

Cette piece, qui présente d'ailleurs quelques longueurs qu'il fera facile à M. Gabiot de faire disparoître, est beaucoup plus soignée que la Bascule, tant pour la prose que pour la poésie. Cependant elle offre. encore des incorrections & une certaine impropriété de termes, qu'il seroit bien à désirer que son auteur corrigeât. En. voici quelques exemples :

Veuve riche est toujours le lot d'un habitant de la Garonne...... Un habitant de la Garonne ne pouvant être qu'un poisson, il faudroit dire pour être exact : « veuve, riche, est toujours le lot d'un habitant des bords de la Garonne.

Va dans le laboratoire le café se renverse, est encore une autre faute. Le café peut verser ; mais on ne sauroit renverser qu'un pot, une marmite, ou si l'on aime mieux, une cafetiere. Qui en attise le flambeau, est impropre; il n'y a que le feu qu'on puisse attiser...... L'hymen patriotique offre aussi des fautes semblables. « Bientôt des despotes l'esclave devant toi fuit épouvanté, » est une inversion forcée, & il devoit y avoir fuira..... Tombe sur vous tout le sang des humains , est pour le moins inexact; pourquoi désirer de voir répandre le sang de tous les hommes ? Heureusement nous nous appercevons que l'auteur a voulu dire : « Tremblez, la foudre est en nos mains ; puisse retomber sur vous tout le sang humain que vous faites verser ! »

(Journal des Spectacles.)

D’après la base César, la pièce, qui est pour elle d’auteur inconnu a connu, au Théâtre du Lycée des Arts, 29 représentations, du 12 octobre 1793 au 20 mars 1794.

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