Le Cantatrice villane, opéra en deux actes, livret de Giuseppe Palomba, musique de Valentino Fioravanti, 30 janvier 1806.
Théâtre de l’Opéra-Buffa.
Il s’agit de la première représentation parisienne d’une œuvre créée en 1798 ou 1799 à Naples (voir l'article le Cantatrici villane dans le Wikipedia italien ou anglais)..
Le pluriel attendu pour l’italien cantatrice serait cantatrici, mais c’est bien cantatrice qu’on rencontre dans les documents français concernant cette pièce.
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Titre :
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Cantatrice villane (le)
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Genre
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opéra
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Nombre d'actes :
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Vers ou prose ,
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en vers ?
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Musique :
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oui
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Date de création :
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30 janvier 1806
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra-Buffa
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Auteur(s) des paroles :
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Compositeur(s) :
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Fioravanti
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Julien Louis Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition, tome 5 (Paris, 1825), p. 465-468 :
[Geoffroy n'aime pas le récitatif, et il le fait clairement savoir : ou on chante, ou on parle, mais cet « intermédiaire entre la parole et le chant » lui est insupportable. Il en profite pour dire que l’opéra-comique français montre bien que l’alternance de parole et de chant n’est absolument pas gênante. Il devrait n’y avoir dans l’opéra que des airs et des morceaux d’ensemble. Ce ne serait pas si fatigant pour les chanteurs, qu’on pourrait d’ailleurs moins solliciter en faisant des opéras plus courts (une obsession de Geoffroy, mais aussi de bien d’autres : les œuvres lyriques et plus généralement théâtrales sont souvent jugées trop longues). Les Italiens sont d’ailleurs présentés comme ceux qui montrent le mieux « tous les travers de la mélomanie », et Geoffroy prend l’exemple de l’ Impresario in angustie pour dénoncer un monde de l’opéra bien peu glorieux. Le résumé de l’intrigue qui suit ces considérations générales permet de mesurer la faiblesse de l’intrigue, même si Goeffroy a la générosité de trouver « le fond du sujet [...] assez agréable ». Après ce récit, une phrase suffit à juger la musique, jugée digne de son auteur.]
FIORAVANTI.
LE CANTATRICE VILLANE.
Cela est bien gai, bien bouffon, bien fou; beaucoup de fracas et de mouvement, une musique vive et brillante : c'est ce que le genre exige. Quand on renonce à la raison, il faut du moins s'amuser et s'étourdir ; et rien n'est si triste qu'un fou sérieux. Entre les opéras bouffons, il faut distinguer celui-ci comme vraiment digne de son titre : la scène ne languit point ; on n'y sent presque point l'ennui mortel du récitatif, fléau des opéras français et italiens ; la plus grande partie du dialogue est en musique. On devrait bien bannir tout-à-fait des compositions musicales ce récitatif assommant, ce dialecte insipide et monotone dont on a fait mal à propos un intermédiaire entre la parole et le chant. Il ne faut dans un opéra que des monologues et des dialogues en musique : quant au récitatif, qui n'a rien de la musique que le désagrément d'être noté, et qui n'a ni la liberté, ni la variété, ni la vivacité, ni la grâce de la parole, c'est une invention essentiellement vicieuse, qui ne peut avoir d'autre origine que le lutrin et la psalmodie de nos églises ; le plain-chant même est encore moins ennuyeux que le récitatif.
Si l'exemple de notre Opéra-Comique, où personne n'est choqué de l'alternative de la parole et du chant, ne peut engager les autres théâtres à substituer la parole à ces cris vagues qu'on appelle récitatif, je ne vois rien qui empêche que toutes les scènes des opéras ne soient en musique : la plupart des morceaux d'ensemble ne sont autre chose que des conversations musicales. Eh bien ! tout ce qui n'est pas air dans un opéra, devrait être morceau d'ensemble ; seulement on observerait de n'employer qu'une musique simple, légère et facile, dans tous les endroits qu'on a coutume de consacrer aujourd'hui au récitatif. Et si l'on m'objecte que les chanteurs seraient trop fatigués, je répondrai que le récitatif fatigue autant et plus que le chant ; et qu'au reste, le meilleur moyen de reposer les chanteurs, c'est d'abréger les opéras, qui sont toujours trop longs.
Les Italiens, nés pour la musique, enthousiastes de cet art jusqu'à la folie, sont aussi ceux qui ont le mieux réussi à peindre tous les travers de la mélomanie : leurs caricatures, en ce genre, sont plaisantes et originales ; ils ont leur Impresario in angustie (l'Entrepreneur dans l'embarras), tableau très-comique et très-vrai du charlatanisme des entrepreneurs, des intrigues des compositeurs, des ridicules des poëtes, des rivalités et des prétentions des chanteurs et des cantatrices. Dans le Cantatrice villane, on voit un maître de chapelle sot et ignorant, qui, par des contorsions et des grimaces, croit imiter les transports du génie ; un amateur vieux et infirme, qui se sent attaqué de la goutte toutes les fois qu'il chante, et qui cependant veut toujours chanter, et chante toujours faux : à toutes ces extravagances se joint l'extravagance plus grande encore d'être amoureux de jeunes villageoises qui se moquent de sa passion surannée.
Le fond du sujet est assez agréable : le maître de chapelle, passant dans un village, y trouve des jeunes paysannes fort aimables, qui ont la voix jolie ; pour former avec elles une liaison plus étroite, il entreprend d'en faire des cantatrices d'opéra. Il leur promet de leur apprendre la musique en quatre leçons, comme certains charlatans, parmi nous, s'engagent à démontrer la grammaire en six leçons, à montrer toutes les sciences en six mois, pourvu qu'on leur paie le premier mois d'avance. Les villageoises, naturellement vaines, se laissent aisément persuader ; déjà elles s'imaginent briller sur le théâtre d'une grande ville, entourées d'adorateurs et couvertes d'applaudissemens. De ces trois villageoises, Agathe tient cabaret, ce qui n'est pas indifférent pour le musicien; Rose est une veuve, ou qui se croit telle ; Gianetta n'est là que pour faire la troisième. Déjà ces paysannes sont rivales, déjà elles se disputent le titre de premières cantatrices : leurs querelles, leur jalousie animent beaucoup la scène. Il s'agit de mettre leur talent à l'épreuve. Le vieux amateur goutteux, amoureux de Rose, ainsi que le maître de chapelle, entreprend de monter un opéra de Métastase pour le début de cette veuve ; il en fait faire la répétition : c'est une caricature à peu près dans le goût de la lecture que le poëte fait de son opéra dans l’Impresario. Rose, qui ne sait pas une note de musique, lit et chante à livre ouvert l'ariette de Fulvie : elle a le plus grand succès. Le maître, l'amateur, toute l'assemblée est ravie; mais l'ariette est suivie d'un morceau d'ensemble à grand effet, qui forme une catastrophe terrible : un militaire, et plusieurs de ses camarades qui assistaient à la répétition, se lèvent tout à coup, présentent leurs fusils, et couchent en joue les musiciens et les cantatrices. Grand désordre, consternation générale; épouvantables grimaces du goutteux et du maître de chapelle, qui, par parenthèse, s'appelle don Bucéphale, nom très-honorable pour lui qui n'est qu'un âne, puisque c'est le nom d'un cheval.
Ce militaire, qui fait tant de bruit au dénouement, a paru dans tout le cours de la pièce sans qu'on y fit grande attention. C'est le mari de la prétendue veuve Rose : il revient de la guerre, où l'on croyait qu'il avait été tué. Au lieu de se faire connaître tout bonnement à sa femme, il l'observe, il l'épie : il est toujours furieux contre elle, contre l'amateur, contre le maître de chapelle ; mais il n'éclate qu'au moment de la représentation. La terreur qu'inspirent son bataillon et ses fusils est bientôt dissipée par une reconnaissance théâtrale : les époux se réconcilient, l'opéra de Métastase reste là, et les cantatrices redeviennent paysannes. La musique, pleine de feu et de verve, est de Fioravanti : elle est digne de l'auteur de la Capricciosa pentita; c'est en dire assez pour son éloge. (5 février 1806.)
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome III, mars 1806, p. 288-290 :
[Article emprunté au Journal de Paris, n° 33 du 2 février 1806, p. 248.
Le compte rendu commence par l’essentiel : rappeler que les livrets des opéras italiens ne valent pas grand chose : on leur demande seulement d’être un support pour la musique, ce qui est le cas des Cantatrice villane, qui ont en plus le mérite de ne pas blesser le goût (ce n’est apparemment pas si courant). C’est donc de la musique qu’il va être question (on ne saura rien de l’intrigue). Elle est « vive, spirituelle, bien en scène, piquante, originale », et beaucoup de morceaux ont été salués avec enthousiaste par les connaisseurs. Une large place est faite aux interprètes, jugés remarquables, avec une mention spéciale pour une débutante. Le compositeur a été nommé, et le critique précise que c’est un vrai musicien, pas un de ces gens dont le talent se réduit à porter un nom italien.]
THÉATRE DE L'OPÉRA-BUFFA.
Le Cantatrice villane (les Chanteuses Villageoises), ont obtenu beaucoup de succès. La pièce est une de ces farces italiennes, dont les auteurs, inconnus même en Italie, ne sont nullement justiciables de notre critique littéraire, et qui paraissent toujours assez bonnes quand elles ont fourni à un habile compositeur quelques heureux motifs de chant. Non seulement le Cantatrice villane ont eu cet avantage; mais elles y joignent celui d'être par elles-mêmes fort joyeuses, fort divertissantes, et d'animer le spectateur, sans rien faire du moins qui blesse le goût; ceci soit dit sans méchanceté.
La musique en est vive, spirituelle, bien en scène, piquante, originale ; le nombre des morceaux de chant d'ensemble et autres qui ont fourni aux connaisseurs le plaisir de crier alternativement : bravo. brava, bravi, etc., est beaucoup trop considérable pour que nous en fassions ici le détail ; nous ne citerons que le délicieux trio, le beau sextuor, le superbe finale du 1er. acte ; un morceau d'ensemble du genre le plus bouffon, où Barilli imite la contre-basse avec une originalité parfaite; et enfin, le concert en forme de finale, qui termine la représentation.
A l'intérêt de voir un opéra nouveau, se joignait celui d'entendre une nouvelle cantatrice, Mme. Cavanassi, qui avait déjà chanté dans quelques concerts, mais qui n'avait point encore paru sur ce théâtre. Cette débutante a été bien accueillie. Elle possède, nous ne dirons pas un bel instrument, comme font certains amateurs trop peu scrupuleux dans le choix des mots, mais une voix très-belle, dont le timbre est extrêmement flatteur, et qu'elle conduit avec un goût exquis. Mme. Canavassi est assurément une musicienne du premier ordre.
En général, cet opéra della Cantatrice est bien joué et bien chanté, tant par la débutante dont nous parlons, que par le joyeux Barilli, l'un des meilleurs mimes du théâtre ; Mme. Crespi, qui est toujours belle et bonne, l'utile, l'indispensable Carmanini, et Nozzari, le Garat de l'Italie, ont aussi mérité des applaudissemens.
Le compositeur a été demandé et nommé. C'est il signor Fioraventi, qui n'est pas seulement célèbre sur l'affiche, comme tels et tels musiciens en i dont nous n'avions jamais entendu parler. Fioraventi est célèbre dans toute l'Europe.
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