Le Castel du lac, ou les Amans piémontais, pantomime en 3 actes, à spectacle, de J.-G.-A. Cuvelier et Curmer, musique de Rochefort, 10 Germinal an 7 [30 mars 1799].
Théâtre Cité Variétés, et de la Pantomime nationale.
Almanach des Muses 1800.
Courrier des spectacles, n° 768 du 11 germinal an 7 [31 mars 1799], p. 2 :
Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.
Le Castel du Lac, ou les Amans Piémontois, pantomime donnée hier à ce théâtre, y a obtenu un succès flatteur. Nous donnerons demain l'analyse de cette piece.
Courrier des spectacles, n° 769 du 12 germinal an 7 [1er avril 1799], p. 2-3 :
[Comme annoncé la veille, le critique donne une analyse fort longue de la pièce, en ayant soin de donner tous les détails, tous les rebondissements, tous les coups de théâtre dont la pièce est faite. Le dénouement n'est en rien une surprise : Aurelli, qui aurait pu se poser en rival de Carlo, montre sa reconnaissance de son aide, et l'unit à Javotta dont il est « l'amant préféré ». Rien ne manque dans ce résumé, ainsi, la façon de s'emparer des clefs du château est détaillée avec soin au risque d'enlever tout effet de surprise pour les spectateurs. Après tous ces détails, le critique porte un jugement positif sur les « situations neuves et ingénieuses » que la pièce comporte, et c'est la scène de la récupération des clefs qui lui sert d'exemple. Il évoque aussi la richesse des décors pour les actes 1 et 3 (l'acte 2 se passe dans le château d'Aurelli) : deux sites naturels impressionnants, un lac, « une chaine de montagnes coupées par des torrents » au pied desquellles on voit « quelques vestiges de vieux château et des souterrains profonds ». Il n'a plus qu'à citer les auteurs d ela pantomime et de la musique (dont il n'a d'ailleurs rien dit). Sa dernière remarque est plus intéressante, parce qu'elle manifeste une préoccupation pas si courante : le ballet final aurait dû selon le critique être placé à un autre moment (et il suggère un emplacement possible). Ce simplement déplacement aurait évité qu'il soit exécuté devant un public refroidi pressé de quitter le théâtre au point d'oublier « presque de témoigner aux auteurs sa satisfaction en les demandant » (faut-il supposer que les auteurs n'ont pas été demandé, ou presque ?]
Théâtre de la Cité-Variétés, et de la Pantomime nationale.
Deux jeunes habitans des montagnes du Piémont, Carlo et Javotta parcourent les campagnes : une marmotte et une vielle sont leurs richesses. Javotta, jolie paysanne, est poursuivie par un certain Roberto, seigneur piémontois qui, à la tête de ses vassaux met à contribution tout le pays et qui est l’ennemi d’Aurelli, autre seigneur piémontois. C’est sous les murs du château de ce dernier que les deux amans fugitifs cherchent un asyle. Aurelli, encore dans la force de l’àge, conçoit, à la vue de Javotta, les sentimens de l’amour le plus vif : il lui fait les plus douces caresses, étale à ses yeux des bijoux et des pierreries. Mais c’est envain, Carlo est l’amant préféré. Irrité de ce refus, Aurelli enleve de force et entraîne dans son chateau la jeune paysanne ; Carlo désespéré, voit tout-à-coup arriver le farouche Roberto, qui se prépare à assiéger le chateau de son ennemi. Le jeune homme effrayé du danger que court son amante, si elle tombe au pouvoir de Roberto, donne l’allarme au chateau d’Aurelli, qui sort à la tête de ses troupes et revient triomphant après avoir repoussé Roberto. Un vieux concierge, porteur des clefs du chateau, avoit été forcé par Carlo de les lui remettre, et celui-ci s’étoit sur-le-champ introduit auprès de sa maîtresse. Déjà il l’enleve, lorsque qu'Aurelli se présente ; Carlo le contient, lui et sa troupe, avec un pistolet ; mais on parvient à le lui enlever, et les deux amans rentrent dans leur prison.
Carlo, séparé de Javotta, trouve une issue ; mais le concierge l'enferme sous clef dans l’appartement voisin où il vient de pénétrer. Aureli fait alors venir près de lui Javotta, à qui il renouvelle ses protestations d’amour et ses offres. Nouveaux refus de la part de Javotta, qui ne s’occupe que de son malheureux amant. A peine Aurelli rébuté l’a-t-il laissée seule, que Javotta entend un bruit léger près d’elle, Carlo s’est échappé de sa prison et descend par la cheminée. Le concierge est près de les surprendre : Carlo se cache derrière un paravent, tandis que le concierge et la gouvernante cherchent à distraire, par des lectures leur jolie prisonnière. Bientôt ils s’endorment, la gouvernante sur un fauteuil, le concierge sur son grand livre, non sans avoir eu la précaution de cacher ses clefs dans le tiroir de la table sur laquelle il est appuyé. Javotta a tout remarqué, et à l’aide de Carlo, qui leve doucement le livre, et par la même raison le concierge assoupi, elle attire la table , la retourne, et ouvre alors facilement le tiroir, d’où elle enleve les clefs. Ils parviennent à ouvrir une fenêtre grillée. Javotta s’échappe, Carlo la suit, mais une décharge de mousqueterie l’arrête, et le force de rentrer : c’est Roberto qui se saisit de Javotta et qui est entré dans le château de son rival par la fenêtre ouverte. Aurelli est fait prisonnier. Carlo après le départ de Roberto, s’arme de l’épée d’Aurelli, et suivi du concierge, il vole sur les pas des ravisseurs de son amante.
Il a su rallier les soldats d’Aurelli qu’il con duit vers les défilés qui servent de retraite â leurs ennemis. Lui-même prend une cuirasse, cache ses traits sous de larges moustaches, place son monde en embuscade, et, de concert avec le concierge, il feint de l'attaquer à la vue des brigands, et de vouloir le dévaliser. Roberto, qui de loin reconnoit à ce trait que ce jeune homme a du courage, l’enrôle dans sa troupe. Bientôt on amene devant lui Aurelli, prisonnier avec Javotta. Aurelli est condamné à mort et l’arrêt va s’exécuter, lorsqu’on apperçoit au loin sur les montagnes, défiler un convoi. Roberto et sa troupe marchent à sa poursuite. Deux de ses officiers se disputent la possession de Javotta, et se battent pour elle : l’un d'eux meurt de la main de son compagnon, qu’un coup de fusil étend mort à son tour. C’est Carlo qui, du haut de la montagne, a vu ses brutales intentions et qui les a prévenues par son courage. Soudain il vole au lieu qui sert de cachot à Aurelli ; il enfonce les portes et le délivre : puis à la vue de Roberto qui revient vainqueur, il le fait cacher avec ses gens dans leur première embuscade. Roberto arrive sans défiance avec sa troupe et à un signal que donne Carlo, il est pris par Aurelli, qui le fait conduire en prison avec les complices de ses brigandages. Sa reconnoissance pour son jeune libérateur l’emporte sur la passion qu’il a conçue pour Javotta. Il les unit et les emmene à son château.
Tel est le fonds de la pantomime en trois actes donnée avant-hier pour la première fois à ce théâtre sous le titre des Amans Piémontais.
Il y a beaucoup de situations neuves et ingénieuses que le public a généralement applaudies, et entr’autres celle de la table, du tiroir de laquelle il falloit retirer les clefs du concierge.
Les décorations des premier et troisième actes ont paru pittoresques. Celle du premier, représentant un lac spacieux dont les eaux baignent le château d’Aurelli : celle du troisième acte offrant une chaîne de montagnes coupées par des torrents, et communiquant par des ponts ; sous ces montagnes quelques vestiges de vieux château et des souterrains profonds
Les auteurs ont été demandés : le citoyen Gougy est venu annoncer les citoyens Cuvelier et Curmer pour la pantomime et le citoyen Rochefort pour la musique.
Nous observerons que le ballet qui a eu lieu à la fin auroit dû être exécuté au milieu d’un acte : par exemple, au moment ou Roberto victorieux vient offrir son hommage et des consolations à sa prisonnière. Mais à la fin de la piece il est tard, chacun est pressé de se retirer ; et un ouvrage eût-il dans ce genre tout le mérite possible, le spectateur refroidi oublie presque de témoigner aux auteurs sa satisfaction en les demandant
Louis Henry Lecomte, Histoire des théâtre de Paris : le Théâtre de la Cité, 1792-1807, (Paris, 1910), p. 184-185 :
10 germinal (3o mars) : Le Castel du lac, ou les Amants piémontais, pantomime en 3 actes, par J.-G.-A. Cuvelier et Curmer, musique de Rochefort.
Carlo et Javotta, montagnards du Piémont, parcourent les campagnes en dansant ou chantant pour gagner leur vie. Le hasard les met en présence de Roberto, seigneur ennemi d'Aurelli, autre seigneur dont il vient de mettre les vassaux à contribution. Roberto s'éprend de Javotta, qui, le fuyant, rencontre Aurelli qu'elle tente au point qu'il la fait enlever et conduire dans son château. Roberto bientôt l'y attaque. Pendant le combat qui s'engage, Carlo pénètre près de Javotta ; tous deux vont fuir lorsqu'Aurelli, vainqueur, reparaît et enferme les amants dans deux cachots distincts. Javotta, qui vient de refuser encore les richesses offertes par Aurelli, voit soudain Carlo descendre près d'elle par la cheminée. Ils bernent leurs gardiens et s'évadent, pour tomber cette fois entre les mains de Roberto, vainqueur à son tour d'Aurelli. Carlo peut s'échapper et s'enrôle dans la troupe de Roberto pour trouver l'occasion de sauver son amie. Aurelli, condamné par son rival, va subir un cruel supplice, mais un convoi passant au haut de la montagne voisine excite la cupidité de Roberto qui suspend l'exécution pour marcher au butin. Profitant de l'incident, Carlo, qui a rallié les partisans d'Aurelli, délivre ce dernier. Roberto, revenant avec sa prise, tombe sous les coups de son ennemi. Javotta est rendue à Carlo par Aurelli, guéri de son caprice, et les amants deviennent époux.
Situations accumulées, dont quelques-unes intéressantes et neuves, décorations d'un grand effet, musique soignée : demi-réussite. — Non imprimé.
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