Le Chat perdu, ou les Fausses Conjectures, vaudeville en un acte ; par le C. Radet, 11 vendémiaire an 4 [3 octobre 1795].
Théâtre du Vaudeville
Date fournie par le site César.
Almanach des Muses 1797.
Un apothicaire, qui se flatte d'être habile observateur, imagine que le chagrin de sa belle-sœur est d'être devenue grosse, et d'avoir été abandonnée par un perfide : la belle-sœur n'avoit perdu qu'un beau chat angora.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an 4, tome septième (vendémiaire-frimaire), n° 54 (30 vendémiaire), p. 173-175 :
[La pièce tire son sujet d'un « conte assez plaisant » ridiculisant « un homme ayant la manie des conjectures ». On y retrouve la veuve crue grosse parce qu'elle est mélancolique, et qui finalement n'a perdu que son chat. Dans la pièce, il y a bien un amant, mais c'est celui de la fille de la veuve, et il épouse sa maîtresse, donnant l'habituelle fin heureuse au vaudeville. La pièce enrichit le sujet, un peu mince, en ajoutant « des rôles accessoires très-gais ». Par contre, le rôle du faiseur de conjectures n'est pas réussi : pourquoi un apothicaire ? Et pourquoi ne pas avoir multiplié les « fausses conjectures » ? Sinon, la pièce est pleine de « jolis traits » : l'auteur, nommé presque incidemment, est un bon faiseur de couplets. La pièce a pu choquer le public à l'annonce de la supposée grossesse de la veuve, mais le critique s'étonne de tant de délicatesse de la part du public d'un théâtre propice à bien des rencontres et affirme que cette « fausse délicatesse » du public le prive de bien des plaisirs en décourageant des « auteurs originaux » d'écrire librement.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Le Chat perdu ou les Fausses Conjectures.
Nos lecteurs peuvent se rappeller un conte assez plaisant que nous leur avons donné dans le n°. 29 de ce journal (20 fructidor, an 2.) c'était celui d'un homme ayant la manie des conjectures, et se croyant un observateur très-habile, qui devinait subtilement que sa belle-sœur veuve depuis long-tems, était devenue grosse et avait été abandonnée dans cet état par son perfide amant. Ce n'était pas tout-à-fait un amant qu'elle avait perdu : c'était un chat angola.
Ce conte a fourni au citoyen Radet, le sujet d'une nouvelle petite pièce en vaudevilles.
Il a supposé que la belle-sœur était une veuve de plus de quarante ans, fort dévote ; que son beau-fière Bonœil était un apothicaire du faubourg Saint-Marceau, et que l'amant prétendu de la veuve était un jeune homme réellement amoureux et aimé de la fille de la veuve. Aussi l'erreur du père reconnue, les deux jeunes gens s'épousent et la pièce finit, comme à l'ordinaire, par un mariage. Il y a joint des rôles accessoires très-gais : c'est un domestique paresseux, et une vieille servante dévote comme sa maîtresse : l'une protégeait Lubin (c'est le nom du chat perdu) l'autre le détestait, et fait des vœux très-sincères pour qu'il ne se retrouve pas. Ce contraste produit des couplets forts piquans, et des détails qui amusent, parce qu'ils ont de la vérité.
Le rôle de Bonœil (l'observateur) n'est pas aussi bien ; d'abord pourquoi en avoir fait un apothicaire ! On sait bien que les gens de ce métier ne doivent pas se piquer de savoir lire sur les visages. Dans le conte original, il était auteur comique et bel esprit : ce qui suppose au moins des prétentions au talent de bien observer.
Et puis, il aurait fallu lui prêter plusieurs fausses conjectures sur différens sujets, avant de le faire tomber dans la très-lourde bévue qui était le fond de la pièce ; il aurait fallu aussi préparer cette bévue, la rendre vraisemblable, comme elle l'est dans le conte.
Nous disons bien ce qui manque à cette petite pièce mais nous ne disons pas tous les jolis traits qui s'y trouvent ; cela nous menerait trop loin. En général le citoyen Radet tourne ses couplets avec plus de grace, plus d'esprit que les auteurs morts les plus vantés dans le même genre.
Sa pièce a paru libre, parce que le beau-frère dit tout uniment en secret à la veuve qu'elle est grosse... Oh! pour le coup la délicatesse des spectateurs n'a pas pu y tenir ; le spectacle du Vaudeville est pourtant scandaleusement peuplé de demoiselles qui viennent y chercher un souper, et d'amateurs qui les marchandent tout haut, sans la moindre façon ; les corridors, dans les entr'actes, ressemblent aux galeries du ci-devant Palais-Royal ; et les oreilles de ce public si difficiles à s'effaroucher de ce qui les touche de si près, ne peuvent supporter dans la bouche de l'acteur une parole un peu scabreuse, mais non pas indécente en elle-même, et dont un poëte comique a besoin pour caractériser une situation vraiment plaisante. Le public ne sait pas combien d'auteurs originaux il décourage, et de combien de plaisirs il se prive, par une fausse délicatesse. S.
César : l'auteur est donné comme inconnu.
15 représentations, du 3 octobre 1795 au 16 mars 1796.
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