Le Chevalier de la Barre, fait historique en un acte et en prose, de Marsollier, 6 juillet 1791.
Théâtre italien.
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Titre :
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Chevalier de la Barre (le)
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Genre
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fait historique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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6 juillet 1791
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Théâtre :
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Théâtre Italien
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Auteur(s) des paroles :
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M. Marsollier
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Mercure universel, tome 5, n° 129, du jeudi 7 juillet 1791, p. 111-112 :
[La pièce, sur le fameux chevalier de La Barre, est source pour les spectateurs d'une très forte émotion, symbolisée par l'évanouissement de mademoiselle Lescot, la grande actrice. La pièce est un « fait historique », et le critique en rappelle l'essentiel, en reliant l'émotion de 1766 à celle de 1791. La pièce est fidèle aux faits à quelques détails près, et le critique en extrait un détail, celui des dernières paroles, un lieu commun de tout récit d'exécution. Il en souligne la force émotionnelle et finit par le paradoxe que cette fidélité aux faits est la garantie de la valeur de la pièce.]
Théâtre Italien.
Encore une victime du fanatisme ! Maintenant on ne peut plus se flatter d’aller au spectacle sans pleurer ou s’évanouir. Une prison est devenue aussi commune qu’un salon..... Au moins il nous reste l’eau de Cologne (1).
Ce début annonce assez qu'il faut en prémunir pour aller voir le Chevalier de la Barre, fait historique en un acte et en prose, donné hier pour la première fois à ce théâtre Voici le trait tel qu’il est arrivé :
Le chevalier de la Barre, jeune homme de 19 ans, de la plus haute espérance, fut condamné à être décapité et son corps jetté au feu, sur le soupçon d’avoir taillé et endommagé le crucifix de bois posé sur le Pont-Neuf d'Abbeville. Le premier juillet 1766 fut le jour de son supplice, comme la journée d’hier fut celui des âmes sensibles. M. Marsollier, en se conformant avec exactitude (si on excepte le personnage de la mère, substitué à celui de la tante) à la vérité des faits, a ajouté un maçon, qui cause avec le chevalier et lui promet bien d'aller le soir voir l'exécution qui doit avoir lieu. Le chevalier conserve jusqu’à la mort le courage le plus héroïque. Reconnoissant le bourreau : c'est vous, lui dit-il, qui avez manqué le général.... Il avoit tremblé,vous ne me manquerez pas.
Telles sont ses dernières paroles : qu'on juge de l'impression qu'elles font sur les spectateurs. Une teinte de révolution, répandue sur l'ouvrage, a contribué à son succès : en général, il n'étoit guères possible de mieux traiter ce sujet ; le seul tort de M. Marsollier, est de l'avoir choisi.
« C'est d'un divertissement nous faire une fatigue. »
(1) Mademoiselle Lescot s'est évanouie, à coté de nous ; il a fallu l'emporter.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 8 (août 1791), p. 340-342 :
[Le compte rendu rend d’abord hommage à une pièce qui offre « des situations neuves & déchirantes » et est bien jouée. Mais il s’ouvre et s’achève sur des propos moins positifs : le critique souligne d’abord qu’il est facile d’« émouvoir la sensibilité & attacher par un certain intérêr », le choix d’un sujet comme celui de cette pièce permettant aisément de faire pleurer. La fin est encore plus clairement amère : il regrette qu’on ne voie plus au théâtre que « les tortures, les échafauds, les confesseurs, les exécuteurs, &c. » et qu’on n’ose plus « mener des dames au spectacle sans craindre de les voir s'évanouir, sans risquer d'éprouver soi-même le même sort ». Le théâtre n’amuse plus.]
THÉATRE ITALIEN.
On a donné, le mercredi 6 juillet, la premiere représentation du Chevalier de la Barre, fait historique, en un acte & en prose , par M. Marsollier.
Quand un auteur sait émouvoir la sensibilité, & attacher par un certain intérêt, il est toujours certain de réussir : aussi le Chevalier de la Barre a-t-il eu du succès. L'auteur a puisé son sujet dans Voltaire, qui a fait la justification de ce jeune homme infortuné. Voici comme il l'a traité.
Le chevalier de la Barre est condamné, pour cause d'impiété, à avoir la tête tranchée. Cette victime du fanatisme n'est point encore instruite de son jugement. Il interroge le geolier, homme sensible & franc ; mais ce dernier ne lui répond que par ses pleurs. Cependant un maçon qui travaille aux toits de la maison voisine, & qui s'entretenoit ordinairement avec lui, mais sans le voir, parvient ce jour-là à détacher un barreau de fer de la grille extérieure de la fenêtre de la prison, pour lui parler plus aisément ; &, tout en conversant avec lui, lui apprend sans le connoître, son inique jugement. Le chevalier de la Barre demeure immobile, mais bientôt il reprend courage. Aidé des conseils d'un vieux religieux, homme pieux & doué d'une ame sensible, il le réconcilie avec l'Être suprême. Sa mere, non instruite de sa condamnation, a la permission de le venir voir ; elle lui fait mille questions sur sa prochaine sortie. Le chevalier de la Barre, sans lui répondre, l'invite à retourner sur le champ dans ses terres, en lui promettant que le lendemain elle le verroit. Elle sort, se fiant à sa promesse. Le chevalier de la Barre demande du café, on lui en donne. Au moment où il est à boire, deux heures sonnent ; le premier mouvement le saisit, mais il reprend ses forces & acheve, sans hésiter, sa tasse de café ; bientôt après la garde arrive, & il marche au supplice avec fermeté & courage. Cette situation cruelle, trop prolongée, a fatigué les ames sensibles sans les intéresser.
Il y a dans cette piece des situations neuves & déchirantes. Le rôle intéressant du geolier, est supérieurement rendu par M. Ménier. MM, Michu & Solié ont réuni tous les suffrages dans les rôles du chevalier de la Barre & du vieux religieux.
Nous n'avons plus de réflexions à faire sur ce genre de pieces, auquel il est malheureux que des gens-de-lettres estimables se livrent : il faut bien prendre son parti sur les tortures, les échafauds, les confesseurs, les exécuteurs, &c. qu'on nous offre maintenant sur la scene. Nous dirons seulement, qu'il est bien désagréable de ne pouvoir plus oser mener des dames au spectacle sans craindre de les voir s'évanouir, sans risquer d'éprouver soi-même le même sort. On n'y va plus pour s'amuser !
D’après la base César, la pièce a connu 6 représentations, du 6 juillet au 30 août 1791.
Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 146, signalent que la comédie de Marsollier a fait l’objet d’une adaptation lyrique, sous le titre d’Asgill ou le Prisonnier de guerre, musique de Nicolas Dalayrac, adaptation qui a connu 8 représentations à partir du 2 mai 1793, et qui a subi une nouvelle métamorphose en opéra-comique en 2 actes, appelé Arnill ou le Prisonnier américain (ou anglais), jouée à partir du 9 mars 1795 jusqu’en 1801.
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