Le Chevalier errant, opéra en un acte, de Désaugiers, musique de Lemière de Corvey, 2 nivôse an 14 [23 décembre 1805].
Théâtre Montansier.
Coauteur proposé par les Archives du spectacle : Hyacinthe-Madeleine Dorvo, mais sans doute une confusion de la pièce de Désaugiers avec le Chevalier errant ou le Palais enchanté, opéra-comique en trois actes (1787), attribué à Dorvo.
Courrier des spectacles, n° 3254 du 4 nivôse an 14 [25 décembre 1805], p. 2 :
[L'article s'ouvre sur un point sur le répertoire du Théâtre Montansier, composé d'opéras à succès, « au milieu des frivolités, des niaiseries et des pasquinades » qu'on y joue le plus souvent. Le nouvel opéra enrichit ce lot d'opéras (des opéras comiques, à nos yeux) par sa gaîté et la qualité de sa musique. Il est « une sorte de contre-épreuve bouffonne » du fameux Ma Tante Aurore. Au lieu d'une fanatique de romans, on a un jeune homme au « cerveau […] dérangé par la lecture des romans », un nouveau Don Quichotte qui retrouve en toute chose l'occasion de montrer sa volonté de se montrer preux chevalier. Il est bien sûr accompagné d'un valet aussi lâche que Sancho Pança. Il vient chez un ami de son père faire connaissance de celle qui pourrait devenir son épouse. Celui-ci a été prévenu de la lubie de son futur gendre potentiel, et il s'amuse à entrer dans ses fantaisies, en compagnie de sa fille et de sa servante transformée en duègne hors d'âge. La plaisanterie n'a qu'un temps : le jeune homme épouse sa promise, et son valet épouse la duègne redevenue jeune et accorte servante. L'article s'achève par des compliments pour les interprètes, qui servent fort bien une musique agréable. « L'auteur des paroles » est le très connu Désaugiers, mais le compositeur a préféré ne pas être nommé;]
Théatre Montansier.
Le Chevalier errant.
Ce théâtre possède plusieurs petits opéras, que l’on voit avec plaisir surnager de tems en tems au milieu des frivolités, des niaiseries et des pasquinades qui forment la plus grande partie de son répertoire. Le Diable conteur de rose, le Bouffe et le Tailleur, la Prisonnière, comptent autant de succès que de représentations. A côte de ces productions, qui réunissent le mérite de la gaieté à celui de la composition musicale, on peut placer le nouvel opéra du Chevalier errant : c’est une espèce de contre-épreuve bouffonne de Ma Tante Aurore, qui a dû son brillant succès à des scènes plaisantes, a des morceaux de musique gracieux, piquans, légers et analogues au sujet.
M. de Verneuil envoie à son ami Germont, père d’une fille charmante, son fils, jeune homme plein de mérite, mais dont le cerveau est depuis quelque tems dérangé par la lecture des romans, et par l'enthousiasme d’une vieille tante pour les contes bleus. Le jeune chevalier ne rêve que combats à livrer, que châteaux à escalader, que tyrans à pourfendre, que princesses à secourir : bref, l’épée au côté, la lance en arrêt, et nouveau Don Quichotte, il court le monde, menant à sa suite son pesant écuyer, aussi tremblant que Sancho-Pança. Germont, prévenu de l’arrivée et de la folie de Verneuil, l’attend de pied ferme dans son castel, après avoir pris quelques mesures pour le mystifier. Sa fille et sa suivante prennent des rôles ; l’une doit être une princesse abandonnée, l’autre une duègne mécontente ; lui-même se transforme en tyran. Verneuil arrive, reconnoît les lieux, apperçoit un château à tourelles ; il ne doute plus qu’il ne renferme une héroïne, et il fait soudain ses dispositions pour l'attaquer. Une romance bien tendre, bien plaintive, ) chantée par Mlle. Germont, achève de lui tourner la tête ; il n’hésite plus, il veut délivrer la belle. Une duègne sort du château, implore son secours, apperçoit le valet, le trouve de son goût, et s’engage à seconder le chevalier, si son écuyer consent à l'épouser. Ce dernier répugne à s’immoler. La vieille conduit Verneuil dans une tour isolée, et l’enferme sous la clef, jusqu’à ce que l’écuyer ait promis de satisfaire à ses vœux. Le valet souscrit au fatal sacrifice : la porte s'ouvre aussi-tôt, Verneuil sort, et son amante s’offre a ses regards.
Tomber à ses genoux, lui jurer un amour éternel, lui proposer un enlèvement, tout cela est l’affaire d’une minute. Mais le papa Germont se présente ; une longue flamberge arme sa main, une riche cuirasse couvre sa poitrine, sa perruque blanche est défendue par un casque étincelant, dont le panache cache mal la bourse qui tombe sur ses épaules. L’écuyer tremble ; Verneuil seul est intrépide ; seul il affronte et le guerrier et les deux soldats qui composent sa garnison : mais après ce beau tapage Germont rit de la mystification, Verneuil reconnoit en lui l’ami de sou père, la princesse redevient à ses yeux Mlle. Germont, et le rajeunissement de la duègne dissipe les frayeurs du valet.
Parmi les morceaux les plus applaudis, on a remarqué particulièrement un duo très-bien chaulé par Mlle. Caroline et par Bosquier-Gavaudan, qui ont d’ailleurs joué avec beaucoup de gaieté, ainsi que MM. Dubois, Aubertin et Joly, et Mlle. Cuisot.
L’auteur des paroles est M. Desaugiers. Celui de la musique a désiré garder l'anonyme.
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