Le Choix d'Alcide

Le Choix d'Alcide, opéra-ballet en un acte, par M. A. F. le Bailly, musique de Langlès avec cette double épigraphe :

Del piacer che i folli allete
E il sentier fiorito et verde ;
Ma tradisce, e vi si perde
Di tornar la liberta.

Metastasio, Alcide al Bivio, sc. vii.

Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire ;
Je n'en veux pour témoins qu'Alcide et ses travaux.

La Fontaine.

Pièce imprimée et non représentée.

Almanach des Muses 1812.

Opéra bien conduit, bien écrit, dont la musique avait été faite par Langlès, auteur de celle de Corisandre, qui avait été mis en répétition, qui allait être joué, et qui n'a pu obtenir les honneurs de la représentation. L'auteur s'est décidé, après bien des dégoûts, à le livrer à l'impression, en se disant vraisemblablement à lui-même :

Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire.

Dans les Quatre saisons du Parnasse, de Fayolle, 3e année, tome 10, été 1807, p. 231-232, une lettre de Langlé, compositeur de la musique du Choix d'Alcide, explique les raisons de l'absence de représentation de la pièce, puis la revue publie le Plan du Choix d'Alcide, p. 233-246.

AU RÉDACTEUR DES QUATRE SAISONS DU PARNASSE.

Paris, ce 14 mai 1807.

MONSIEUR,

J'ai lu dans le dernier volume des Quatre saisons du Parnasse, que vous rédigez avec autant d'impartialité que de goût, j'ai lu, dis-je, le compte avantageux que vous avez bien voulu rendre de mon Traité de la Fugue ; agréez-en, je vous prie, tous mes remercîments, mais permettez-moi aussi de répondre à l'obligeant reproche que vous m'adressez relativement à mon opéra de Corisandre. Vous dites : Il est fâcheux que M. Langlé, qui avoit si heureusement débuté au théâtre de l’Académie impériale de musique, n'y ait point fait donner d'autres ouvrages. Voici la liste de ceux que j'ai composés pour ce théâtre, ouvrages tous reçus et tous restes dans mon portefeuille.

SAVOIR:

Tancrède, en 5 actes.

Tindare, Antiochus, Mahomet II, ou Éronime et Soliman, en 3 actes.

Et le Choix d' Alcide, en un acte.

L'auteur de ces deux derniers ouvrages est M. Le Bailly. Son poëme de Mahomet a été reçu cinq fois depuis 1792, et nous attendons encore les honneurs de la représentation. Quant au Choix d'Alcide, il a été appris, répété, annoncé pendant un mois sur les affiches du spectacle, et tout à coup sa mise en scène a été suspendue. Pour quelle raison ?.... Il seroit trop long et trop ennuyeux de le dire : c'est, au reste, le secret de la comédie. Je serois seulement très fâché, monsieur, que, d'après votre phrase, le public m’accusât de paresse. Je vous serai donc infiniment obligé de vouloir bien insérer ma lettre dans votre prochain volume. J'ai l'honneur d'être avec considération,

Monsieur,

Votre très humble et obéissant serviteur,

LANGLÉ.

P. S. Comme la musique du Choix d'Alcide a été copiée aux frais de l'administration, qu'elle y est restée déposée, ainsi que le poëme, et que, d'après les règlements, les auteurs ne peuvent plus, en pareil cas, disposer de leur ouvrage, je serois fort aise que M. Fayolle voulût bien imprimer, à la suite de ma lettre, le plan ci-joint de la pièce, pour faire reconnoître notre droit de propriété, en tant que de besoin.


 

PLAN

DU CHOIX D'ALCIDE,

OPÉRA-BALLET EN UN ACTE.

Del piacer che i folli allette
    E il sentier fiorito e verde :
    Ma tradisce, e vi si perde
    Di tornar la libertà.

METASTASIO, Alcide al Bivio, scena vii.

Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire ;
Je n'en veux pour témoin qu'Alcide et ses travaux.

LA FONTAINE.

Le théâtre représente une épaisse forêt. Au fond est une échappée de vue qui laisse entrevoir une campagne agréable. On aperçoit dans la perspective les remparts de la ville de Thèbes, où est né le fils de Jupiter et d'Alemène.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le devin Tirésias*, qui a déjà été l'arbitre d'un différent survenu entre Jupiter et Junon, se trouve chargé par le souverain des dieux de veiller sur les premiers pas du jeune Alcide. Il doit le diriger vers les sentiers de la gloire, en lui faisant éviter les pièges de la mollesse. Cet auguste élève touche à sa vingtième année; c'est le moment où Jupiter veut qu'il subisse une double épreuve avant d'entrer dans la carrière de ses travaux. Déjà il semble y préluder par les combats qu'il se plaît à livrer chaque jour aux monstres de ce désert sauvage ; mais ce n'est plus assez, dit Mercure envoyé de l'Olympe auprès de Tirésias,

        Le fils du maître du tonnerre
Doit à ces vains essais renoncer aujourd'hui.
        Aux tyrans déclarer la guerre,
        Des peuples devenir l'appui,
Et fonder sur la paix le bonheur de la terre :
Voilà quels grands exploits son père attend de lui.

TIRÉSIAS.

Si j'ai de l'avenir la science profonde,
Alcide jouira d'un renom glorieux.
        Il sera l'ornement du monde
        Et digne enfin du sang des dieux.

Le fils d'Alcmène paroît à l'entrée de la forêt. Mercure rappelle à son gouverneur les ordres de Jupiter, et il remonte à l'Olympe pour rendre compte de son message.

SCÈNE II.

Alcide est vêtu en léger costume de chasse, avec un carquois sur l'épaule et un javelot à la main. Absorbé dans ses réflexions, il s'avance lentement jusqu'au milieu du théâtre. Quelle peut être cette épreuve à laquelle on doit le soumettre ? En vain cherche-t-il à expliquer les divers mouvements qui partagent son ame, la cause lui en est inconnue ; mais à travers ses discours on voit percer l'instinct d'un grand courage.

Tirésias l'aborde, éclaire son inexpérience, et l'entretient ensuite de ses hautes destinées. Pour les accomplir, il faut qu'il sache faire un digne choix entre deux routes opposées qui vont successivement s'ouvrir sous ses pas. Il lui fait connoître le terme de l'une et de l'autre. C'est à lui de consulter son cœur, de prendre la raison pour guide, car il ne peut plus être le sien en ce moment. Telle est la volonté de Jupiter. A ces mots il l'abandonne à lui-même.

SCÈNE III.

La scène change. Cette partie de la forêt qui étoit à gauche a fait place à un temple de la forme la plus élégante, bâti au niveau du sol. On lit sur le frontispice : Temple de la Volupté. Il est orné des attributs de la déesse. L'accès en est libre, on y arrive par une pente douce et facile ; la route est semée de fleurs, ombragée de myrtes, et couverte de lits de gazon.

Privé des conseils de son gouverneur, Alcide est d'abord inquiet et troublé ; mais soudain, à l'aspect du temple, il éprouve un charme involontaire. Mille objets ravissants attirent à la fois et son cœur et ses yeux.

.     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .
Quels parfums embaument les airs !
Comme au doux murmure de l'onde
L'oiseau mêle ses doux concerts !
Aux tendres baisers du zéphire
Comme la fleur s'épanouit !
Ici, tout se cherche et s'attire ;
Ici , tout s'anime et jouit.

SCÈNE IV.

Euphrosine, suivie d'autres prêtresses du temple, aborde Alcide d'un air de candeur. Elle lui montre la statue de la déesse qu'on y adore :

Fils des dieux, vois le temple où le bonheur réside.
        Vois cette foule de mortels
Apporter leur encens au pied de ses autels.
Si tu veux être heureux, viens , suis-nous, jeune Alcide.

SCÈNE V.

Un chœur annonce l'arrivée de la déesse. Transports d’Alcide à l'approche de la Volupté, qui paroît escortée des Jeux, des Ris et des Amours. Elle est légèrement vêtue, mais cependant parée avec artifice. Après avoir employé tous les moyens de séduction pour gagner son cœur, elle ordonne å ses suivants de les laisser seuls un moment, afin qu'il s'explique devant elle avec moins de contrainte.

SCÈNE VI.

Duo entre Alcide et la déesse, qui lui peint des couleurs les plus riantes les plaisirs de son empire et le repos qu'elle procure à ses adorateurs.

ALCIDE.

Eh quoi ! vous me vantez les douceurs du repos ?
Vous fermez donc ainsi votre temple aux héros ?

LA VOLUPTÉ.

        Non. Je n'interdis pas la gloire
        Aux mortels qui suivent ma cour.
        Combien de héros à l'amour
        Ont dû leur plus belle victoire !

Alcide ne lui oppose plus qu'une foible résistance, et bientôt il cède à l'attrait de tant de charmes. C'est alors que la Volupté rappelle toute sa suite pour achever la défaite d’Alcide.

SCÈNE VII.

CHOEUR DES PRÊTRESSES.

La vie est une mer en naufrages fertile,
Où l'homme ambitieux s'égare en vains désirs.
Venez ici, morte!s! voici le port, l'asile
Où l'homme, exempt de soins , jouit des vrais plaisirs.

Pendant ce chœur la déesse présente la main à Alcide, qui lui donne la sienne en tremblant. Elle le conduit vers un banc de gazon, et l'y fait asseoir à ses côtés. Ballet. Tous les suivants de la Volupté forment différents groupes devant Alcide, et vont ensuite déposer des corbeilles de fleurs aux pieds de la statue où fume l'encens.

Malgré l'enchantement où il paroît plongé, Alcide exprime de temps en temps une certaine inquiétude. Il se lève enfin spontanément, ce qui suspend la danse. La déesse se lève à son tour, et observe tous ses mouvements. Nouveaux moyens de persuasion employés par elle.

        Je t'offre le bonheur suprême.
        Craindrois-tu de porter mes fers,
        Quand j'ai soumis Jupiter même,
        Lui qui commande à l'univers ?

Ce langage opère l'effet qu'elle désire, et elle reprend la main d'Alcide.

SCÈNE VIII.

On voit alors à l'entrée des bosquets un groupe d'Amours qui l'invitent à y pénétrer, les uns en lui faisant des signes de tête, les autres en posant le doigt sur leur bouche. Il se laisse enfin entraîner au son des instruments les plus mélodieux.

SCÈNE IX.

Tirésias reparoît au fond du théâtre. Il frémit du danger qui menace son élève. Indigné de sa foiblesse, il veut rompre ses chaînes, s'il est encore possible.

SCÈNE X.

Nouveau changement de décoration. Au moment où Alcide est prêt à entrer dans les bosquets mystérieux, tout le reste de la forêt qui occupe encore le côté droit est remplacé par un temple dont l'architecture est simple, mais noble. Il est situé au sommet d'un mont sourcilleux. On lit au frontispice : Temple de la Gloire. Les avenues sont ornées d'arcs de triomphe, d'obélisques, et l'on y voit croître le laurier. Les sentiers qui y conduisent sont âpres, étroits, coupés par des torrents et des précipices.

On entend un bruit de trompettes du haut du temple. Soudain le courage d’Alcide se réveille ; il rompt ses chaînes de fleurs, et s'avance vers le mont pour le gravir. En vain la Volupté cherche-t-elle à l'en détourner, en lui exagérant les dangers de la route. Le cœur d'Alcide connoîtroit-il l'effroi ? non.

Plus le péril est grand, plus s'accroît mon audace.

SCÈNE XI.

La déesse de la gloire paroît au sommet du mont, précédée et suivie d'une foule de héros, et entourée du brillant cortège des sciences et des arts. Elle descend avec dignité, ayant le casque en tête, la lance à la main, le bouclier au bras, et réglant ses pas sur une marche guerrière.

Pour mieux la contempler, Alcide revient au milieu du théâtre. Il témoigne à la Volupté tout l'enthousiasme que lui inspire la présence de cette nouvelle déesse. La Volupté, qui espère l’emporter sur sa rivale, affecte de lui en parler avec dédain.

La déesse de la Gloire adresse ces paroles à ses favoris :

        Au joug honteux de la mollesse,
C'est à vous d'arracher les aveugles mortels.
        Venez combattre une déesse
Qui menace en ce jour l'honneur de mes autels.

Après quelques évolutions, la déesse de la Gloire se trouve enfin placée auprès du jeune Alcide, et de manière qu'il est placé lui-même entre les deux déesses. A leurs côtés sont rangés les suivants de l'une et de l'autre.

Trio, où chacune d'elles fait valoir ses avantages aux yeux d'Alcide.

LA GLOIRE.

C'est moi qui des guerriers enflamme le courage.

LA VOLUPTÉ.

C'est moi qui des guerriers enchaîne les fureurs.

LA GLOIRE.

        Le temps respecte mon ouvrage.

LA VOLUPTÉ.

        Sur le temps je sème des fleurs, etc.

LA GLOIRE.

Contre les coups du sort j'affermis les grands coeurs.

LA VOLUPTÉ.

Moi, j'apporte aux humains l'oubli de leurs malheurs, etc.

Combats dans le cœur d'Alcide. Il admire la noble fierté de l'une, qu'il préfère à l'air d'abandon de l'autre ; cependant la Volupté a je ne sais quel charme dont il ne peut se défendre. Celle-ci dit à ses sujets :

        Venez assurer ma victoire,
Venez à ma rivale opposer vos plaisirs.

La déesse de la Gloire dit en même temps à sa suite :

        Et vous, montrez comment la Gloire
Sait, après ses travaux, occuper ses loisirs.

Alors les deux déesses se placent de chaque côté de la scène , et donnent le signal.

Les athlètes qui sont à droite prennent une attitude martiale, frappent un seul coup sur leurs boucliers, et restent immobiles, tandis que les Jeux, les Ris et les Amours forment des danses voluptueuses. Le cœur d'Alcide s'enflamme par degrés ; ces divers tableaux l'enchantent, et il ne respire bientôt plus que pour l'amour.

La danse cesse de ce côté. Les athlètes exécutent à leur tour des pas guerriers, entremêlés de combats au ceste, au pugilat, etc. A ce spectacle imposant, Alcide sent renaître, son courage, et ne respire plus que pour la gloire.

La lutte devient générale entre les suivants des deux déesses. L'embarras d’Alcide redouble. Comment ne pas suivre l'une ?.... comment pouvoir quitter l'autre ?....

Le ballet fini, les figurants reprennent leurs places sur les côtés, et Alcide se retrouve, au milieu du théâtre, entre les deux déesses.

Une des plus jeunes prêtresses de la Volupté se détache du groupe, et vient lui offrir une couronne de myrtes et de roses.

Un athlète vient en même temps, du côté opposé, lui présenter une épée et un casque.

Alcide ne peut plus différer son choix. Il s'élance sur les armes, en disant :

Gloire, guidez mes pas ! fuis, Volupté perfide !

SCÈNE XII.

Tirésias accourt ; il embrasse son élève et le félicite sur son triomphe.

SCÈNE XIII.

Mercure reparoît au milieu des nuages. Il lui annonce que le souverain des dieux applaudit à son choix, et que la plus belle récompense l'attend au bout de sa carrière. Jupiter a même permis que le livre des destinées fût ouvert aux yeux d'Alcide.

SCÈNE XIV.

En ce moment les nuages remontent jusqu'au cintre, et laissent voir le dieu du Temps, qui est assis sur un rocher. Il a les ailes déployées, tient sa faux d'une main, un sablier de l'autre, et a le coude appuyé sur une urne. Autour de lui sont confusément épars des tronçons de colonnes, des chars rompus, des débris de trophées, etc.... Le dieu du Temps adresse la parole au fils de Jupiter :

        L'univers entier te contemple ;
C'est à toi, jeune Alcide, à lui servir d'exemple.
        Vois, quels travaux te sont prescrits,
Et quelle gloire immense en doit être le prix.

A ces mots, il frappe un coup de sa faux, et semble déchirer le rideau qui nous cache l'avenir. Au même instant on voit paroître au milieu du théâtre, et dans l'endroit le plus élevé, un globe de feu ou étoile rayonnante, emblème de l'immortalité. Au-dessous, et dans les parties latérales, on aperçoit quatre grands tableaux magiques, où sont figurés les quatre principaux travaux d'Hercule, savoir :

La défaite du lion de Némée, qu'il terrasse d'un coup de massue ;

Son combat avec Anthée, qu'il soulève et étouffe dans ses bras ;

Son retour des enfers, au moment où il a délivré Alceste, et enchaîné Cerbère à l'entrée de l'Averne ;

Enfin, la jonction des deux mers, où il est représenté debout sur les ruines de Calpe et Abyla, avec la devise Nec plus ultrà.

A ce nouveau spectacle, Alcide est transporté d'admiration et de joie. Il brûle de signaler son bras. Thèbes t'a donné la naissance, lui dit la Gloire ; Thèbes subit un joug honteux ; cours donc la délivrer d'un indigne esclavage ; et aussitôt elle l'arme d'un bouclier**.

ALCIDE, avec enthousiasme.

Où sont les ennemis ? l'armée est-elle prête :

LA GLOIRE.

Vois déjà les Thébains sortir de leurs remparts.
C'est à toi de combattre et de vaincre à leur tête.

ALCIDE.

        Je vole sous leurs étendards.

SCÈNE XV ET DERNIÈRE.

On entend un bruit de clairons et de timbales. C'est la milice thébaine qui vient, ses enseignes déployées, se ranger sous les ordres du fils d'Alcmène.

CHOEUR DE GUERRIERS.

        Honneur au choix du jeune Alcide!
On le vit dès l'enfance étouffer des serpents ;
        Mais quels exploits plus éclatants
Nous promet aujourd'hui son courage intrépide !
        Qu'il soit lui-même notre guide !
        Marchons sur ses pas triomphants.

Alcide accepte le commandement; mais il ne veut rien entreprendre sans avoir adressé de nouveaux hommages à sa divinité protectrice. Il jure de lui rester à jamais fidèle. Tous ses compagnons d'armes imitent son exemple. Après ce serment solennel, l'armée se met en ordre, ayant Alcide à sa tête. Elle défile sous les yeux de la déesse de la Gloire, et vole à la défense de la patrie.

FIN.

Nota. Le Choix d'Alcide n'est, pour ainsi dire, que le prélude d'un autre ouvrage lyrique plus étendu, intitulé Hercule au mont Oëta, que le même auteur a fait recevoir par le jury de l'Académie impériale de Musique, le 21 frimaire an 9.

* Strabon rapporte, livre ix, que son tombeau fut au pied du mont Thilphosse, et que les Thébains lui instituèrent des honneurs divins.

** Erginus, roi des Miniens, avoit effectivement imposé un tribut à la ville de Thèbes. Alcide, encore adolescent, fut nommé général de l'armée thébaine, pour con:battre le roi et affranchir son pays, ce qu'il exécuta. Apollodore qui cite ce fait, livre ii de son histoire, ajoute que Minerve donna des armes à Alcide pour cette expédition.

Fayolle, les Quatre saisons du Parnasse, 3e année, tome 10, hiver 1808, p. 161-163 :

[Extrait de l’éloge funèbre de Langlé, avec retour sur le fait que le Choix d’Alcide n’a pas été représenté.]

Familiarisé de bonne heure avec les chefs-d'oeuvres des plus grands maîtres de l'Italie, Langlé avoit acquis un goût très difficile, et louoit rarement les compositeurs modernes. Son suffrage n'en avoit que plus de prix pour ceux qui en étoient l'objet ; mais son silence à l'égard des autres valoit une épigramme, et devoit accroître le nombre de ses ennemis.

C'est à ces derniers qu'on doit attribuer entièrement les dégoûts et les tracasseries qu'il essuya relativement à ses opéras de Mahomet II et du Choix d’Alcide. Il ne put parvenir à les faire représenter, malgré plusieurs ordres supérieurs qui en, avoient arrêté la mise au théâtre.

Langlé avoit fait preuve assurément d'un vrai talent dans Corisandre. Comment a-t-on pu répandre qu'il ne pouvoit réussir dans la composition du Choix d'Alcide, poëme du genre gracieux, et qui prêtoit beaucoup au génie du compositeur* ? Au surplus, un jury a été chargé de prononcer sur cet ouvrage, et il l'a jugé digne de la scène.**

Si la malveillance a beaucoup nui au Choix d'Alcide, il est juste aussi d'en accuser un peu Langlé. Il avoit toujours à combattre un certain fonds de paresse, d'incurie même, qui ne lui permettoit point d'apporter une activité suivie dans les démarches que nécessite pourtant la mise en scène d'un ouvrage lyrique. Enfin, Langlé avoit quelque roideur dans le caractère : il ne craignoit rien tant que l'affront d'un refus ; et il se consoloit de n'avoir rien obtenu, parce qu'il n'avoit rien demandé. Il en étoit venu à parler de ses ouvrages de théâtre avec une grande indifférence. Je fais, disoit-il à un de ses amis, je fais des opéras qu'on ne joue point, et des enfants qui ne vivent pas.

Nous ne connoissons qu'une circonstance de sa vie où il ait montré une fermeté soutenue ; c'est à l'occasion de son Choix d'Alcide, qui fut appris, répété et même annoncé pendant plus d'un mois sur les affiches du spectacle. Une cabale puissante étoit liguée contre cet ouvrage. Un jour que Langlé s'étoit rendu au théâtre pour en faire une répétition, il vit qu'il manquoit au moins un tiers des instruments nécessaires. On vouloit cependant commencer. Messieurs, dit-il, pourriez-vous bien exécuter ainsi ma musique ? Ce seroit prétendre faire danser un homme avec une jambe de bois.

Au sortir de cette répétition, tant bien que mal exécutée, quelqu'un l’aborde et veut le complimenter sur sa musique. Il répond brusquement : Vous n'avez pu l'entendre, puisque je ne l'ai pas entendue moi-même.

Au milieu des contrariétés de tout genre que lui suscitoit cet ouvrage, un administrateur l'exhortoit à la patience ; car, ajoutoit-il, il faut pour arriver à l'opéra une patience surnaturelle. J'en ai eu pendant dix ans, dit Langlé ; mais il faut que mes allées et venues aient aussi un terme; et l'on ne m'a pas choisi , sans doute , pour prouver la possibilité du mouvement perpétuel.

Je savais bien, disoit-il une autre fois, que ľon n'avoit jamais voulu que l'inquisition s'établit en France; mais ce que je ne savois pas, c'est que les juges de cet aimable tribunal se fussent réfugiés à l'opéra pour prononcer ses oracles. Là, on vous accuse un auteur, sans le prévenir de l'accusation ni du délit, sans le confronter avec ses accusateurs, et on vous le juge en dernier ressort et sans appel. C'est charmant.

* Nous avons inséré une analise de ce poëme, avec une lettre de Langlé, dans le volume de l'Été 1807, page 231 et suivantes.

** Certificat des membres composant le jury de l'Académie impériale de musique, relativement à la musique du Choix d'Alcide.

Nous soussignés, après avoir entendu la musique du Choix d'Alcide, au jour indiqué (le 26 vendémiaire an XI), et nous être ensuite rassemblés au lieu des séances du comité, avec le directeur, pour y émettre notre opinion, conformément à sa lettre d'invitation du 25 de ce mois ;

Attestons que la musique de M. Langlé nous a paru généralement bien faite et qu'elle a réuni tous nos suffrages ; que nous avons seulement proposé à l'auteur quelques coupures faciles à faire, avec certaines modifications dans quelques parties d'orchestre ; que ces légers changements, qui n'exigent qu'une matinée de travail, ont été laissés à la disposition de M. Langlé, et que nous avons enfin jugé son ouvrage digne du théâtre des Arts et susceptible de plaire au public.

Paris, le 27 vendémiaire an XI (19 octobre 180i1)

Signé, Gossec, Monsigny, Daleyrac, Martini.

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