Le Colonel, ou l’Honneur militaire, opéra comique en un acte, d’Alexandre Duval, musique de d’Estourmel, 29 novembre1813.
Théâtre de l’Opéra-Comique.
D’après les bulletins de la police secrète, la pièce n’a eu aucun succès. Nicole Wild et David Charlton, dans leur Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 197, confirment cet échec : une seule représentation. Ils proposent aussi des titres alternatifs : le Jeune Colonel, mais aussi l’Honneur militaire, ou le Colonel.
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Titre :
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Colonel (le), ou l’Honneur militaire
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Genre
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opéra-comique
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ?
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en prose, avec des couplets en evrs
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Musique :
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oui
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Date de création :
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29 novembre 1813
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra-Comique
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Auteur(s) des paroles :
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Alexandre Duval
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Compositeur(s) :
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d’Estourmel
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Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome VI, p. 412 :
[Juste après l’annonce de la chute de Théodore et Constance, ou la Prisonnière.]
Le Colonel, ou l'Honneur militaire, opéra comique en un acte, joué le 29 novembre.
Chûte encore mieux méritée que la précédente. Petit drame imité de l'allemand, aussi mal conduit qu'ennuyeux.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XII, décembre 1813, p. 273-277 :
[Le Colonel, ou l’Honneur militaire a un défaut rédhibitoire : son héros ne peut nullement susciter l’indispensable intérêt sans lequel une pièce ne peut réussir. L’intrigue montre un colonel qui ne peut participer à une bataille parce qu’il a été endormi par une mystérieuse (et invraisemblable) potion soporifique. Bien sûr, avec le secours d’une femme généreuse, il pourra rétablir son honneur, et tout finit heureusement. Le premier reproche fait à la pièce est de choisir un héros qui suscite la révolte plus que l’attendrissement. Le choix de la potion soporifique pour expliquer la perte de son honneur est présenté comme un mauvais moyen, à la différence d’une pièce allemande dont le héros connaît aussi le déshonneur, mais pour une raison bien plus acceptable. Reste à parler de la musique, meilleure que le livret, et dont plusieurs morceaux méritent d’être signalés. Les auteurs n’ont été nommés ni pour les paroles, ni pour la musique, bien que « cet heureux essai fasse honneur » au jeune compositeur anonyme comme à Nicolo Isouard qui l’a formé et conseillé.]
Le Colonel ou l’Honneur Militaire, opéra en un acte.
« Faites choix d'un héros propre à m'intéresser, »
a dit le maître aux poëtes épiques. Il n'eût pas dédaigné de le dire à l'auteur d'un opéra-comique ; car, du petit au grand, ce précepte s'adresse à tout le monde dans l'empire des lettres : c'est le bon sens lui-même qui l'a dicté. Dans une pièce de théâtre, le choix du héros, c'est le choix du sujet : nous allons voir si celui de la petite pièce qui vient d'être jouée à Feydeau, permettait à l'auteur d'en espérer plus de succès qu'il n'en a obtenu.
Le comte Léon, colonel d'un régiment qui fait partie d'une armée prête à rencontrer l'ennemi, se permet d'accepter un dîner dans un château situé sur sa route. Des scélérats apostés par une belle-mère qui l'abhorre, lui font boire d'une liqueur soporifique, dont l'effet est tel, que lorsqu'il se réveille, son corps est déjà éloigné de vingt lieues. Il se hâte de le rejoindre; mais la bataille est donnée quand il arrive. Les lois de l'honneur militaire sont inflexibles : le comte se voit en butte au mépris général, et prend la résolution d'aller s'ensevelir dans une habitation champêtre, avec un vieux soldat qui lui reste fidèle. Il se trouve néanmoins dans le voisinage un être compatissant qui entreprend d'adoucir ses peines : c'est une jeune et jolie veuve, nommée Alphonsine. Il se croit en état d'oublier désormais le genre humain tout entier, lorsque son oncle le général, avant de prendre un parti définitif à son égard, conçoit le projet de venir l'étudier dans sa retraite. Il se fait introduire comme artiste universel: il parle au comte, avec enthousiasme, de ses tableaux de bataille ; et, passant tout-à-coup à la musique, il chante la gloire dont se couvrent les guerriers intrépides. Le colonel, qui ne sent que trop bien les allusions, mais qui ne veut absolument point reconnaître son oncle, s'irrite contre cet hôte incivil, au point de le défier en combat singulier. La tendre Alphonsine intervient comme une épouse, ou plutôt comme une mère ; mais elle est obligée, pour affaires pressantes, de se rendre sur l'heure à la ville. Pendant son absence, une nouvelle querelle se rallume entre Léon et le voyageur, qui, cette fois, ne se donne plus pour artiste, mais pour l'ami intime du général. Il remet au colonel une lettre, où cet oncle inexorable le somme de renoncer à son nom, à ses biens, à sa patrie, s'il ne veut se voir flétrir publiquement. Léon est sur le point de succomber sous l'excès de son désespoir, quand Alphonsine revient, fort à propos, lui remettre une dépêche ministérielle qui le déclare innocent et lui rend son grade. Il reconnaît enfin son oncle. et celui-ci reconnaît à son. tour le colonel pour son neveu et Alphonsine pour sa nièce.
La position d'un homme qui ne parle et auquel on ne parle que de déshonneur et d'opprobre, afflige et révolte même les âmes .délicates plus qu'elle ne les attendrit- Un auteur dramatique peut placer ses personnages dans toutes les situations possibles, mais il ne lui est jamais permis de les avilir. D'ailleurs, l'aventure de la potion soporifique, en admettant même qu'elle ne soit pas tout-à-fait hors de vraisemblance, n’a point paru une .excuse suffisante ou assez noble â l'infraction du premier devoir d’un officier. Les Allemands ont une pièce qu'ils pourraient appeler l'Honneur Militaire : c'est Albert de Thurneisen, tragédie du célèbre auteur et acteur Iffland. Albert s'y rend également coupable d'un délit qui entraîne le déshonneur ; mais ce n'est point pour avoir bu d'un vin frelaté, c'est pour être accouru auprès de sa maîtresse, qui lui a fait dire que s'il tardait d'une minute, elle était à jamais perdue pour lui. Pendant l'entrevue, l'ennemi surprend le poste qui lui était confié, et le conseil de guerre le condamne à la mort. Mais cet infortuné est si peu avili, tous ses camarades estiment tellement son courage et pleurent si sincèrement sur sa faute, que le général lui-même vient, à l'instant du supplice, mettre la main de sa fille dans la sienne, et lui donner le nom de son fils.
L'auteur de la musique du Colonel est loin d'avoir partagé la disgrace de celui des paroles; mais on n'a pas cru devoir nommer l'un sans l'autre. Les amateurs avaient cependant distingué dans cette musique plusieurs morceaux d'un très-bon style, tels que l'ouverture, dont le caractère militaire convient parfaitement au sujet; un duo entre l'oncle et le neveu, où les nuances sont fort bien observées, un quatuor d'une excellente facture, une jolie romance, etc. Le compositeur ne se donne modestement que pour un simple amateur, et il est le premier à déclarer que sa partition a été revue par M. Nicolo, qui l'a dirigé dans ses études musicales. Cet heureux essai fait à-la-fois honneur à l'élève et au maître.
Mémorial dramatique ou Almanach théâtral pour l'an 1815, p. 37-38 :
[Le sort de la pièce est fixé dès la première pièce, son intrigue « est fort invraisemblable ». Il suffit ensuite de raconter la fameuse intrigue invraisemblable sans faire d’effort pour en atténuer l’invraisemblance, effectivement assez évidente. Le critique peut ensuite conclure sur la patience du public, qui n’a pas broncher (sans doute dormait-il) et qui n’a même pas demandé les auteurs, ce qui lui aurait permis de les siffler. Pas un mot pour la musique : on sait seulement que « ce petit mélodrame » est « mêlé de chants ». Rien non plus sur les interprètes.]
LE COLONEL, ou L'HONNEUR MILITAIRE, opera comique en un acte.
(29 novembre 1813.)
L'intrigue de cette pièce est fort invraisemblable. On suppose qu'un général a fait nommer colonel son neveu Léon, et que ce jeune homme n'ayant point paru à la première affaire où devait donner son régiment, l'oncle furieux l'a exilé dans une de ses terres. Quelque tems après, il prend envie au général de faire une visite à son neveu ; il arrive déguisé, se fait passer pour artiste, et c'est alors que la pièce commence.
Quoique l'artiste prétendu commette un bon nombre d'inconséquence [sic], et qu'il n'épargne rien pour se faire découvrir, il n'est point reconnu ; il se donne ensuite pour un ami intime du général ; à la faveur de ce titre, il prétend accabler de reproche le jeune militaire ; mais c'est là où on l'attendait, On lui prouve qu'il a été trompé, que Léon est tombé dans le piège que lui avait tendu une méchante belle-mère, pour l'empêcher de se trouver à tems à son poste ; on lui prouve encore que Léon est très-brave, car il a sauvé l'honneur et la vie d'une duchesse, attaquée par des voleurs, Cette duchesse acquitte la dette de la reconnaissance, en plaidant, près du souverain, la cause de son libérateur. L'innocent échappe enfin aux efforts de la perfidie ; l'oncle pardonne... et le mariage est aussitôt conclu entre Léon et la duchesse.
Ce petit mélodrame, mêlé de chants, a été écouté avec une patience et un calme édifiants, les spectateurs semblaient s'être endormis pour ne s'éveiller que quand on a baissé la toile. Les auteurs n'ont pas eu le désagrément d'être nommés, le parterre qui ce jour là était d'une bonté rare, n'a pas demandé à les connaitre, c'est d'autant plus généreux de sa part qu'il pouvait les siffler sans injustice.
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