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Le Congrès des rois

Le Congrès des rois, comédie en trois actes, en prose, mêlée d'ariettes, 8 Ventôse [an 2].

Opéra comique national de la rue Favart

Almanach des Muses 1795.

Les rois coalisés tiennent un congrès chez le roi de Prusse ; le pape y envoit Cagliostro ; six femmes patriotes, employent tous leurs charmes pour les séduire, dans le dessein de rire ensuite à leurs dépens. Cagliostro, qui est patriote aussi, les assemble tous dans uns alon obscur, les place chacun dans une cruche, et leur fait voir des ombres, ainsi que des troupes de Sans-culottes, qui viennent prédire la chute de leur tyrannie. Au troisième acte, ils s'occupent du partage de la France : mais on entend le canon ; ce sont les Français qui investissent le camp, et les mettent en fuite. Les vainqueurs brûlent les attributs de la servitude, et plantent l'arbre de la liberté.

Des longueurs, peu de succès. Musique de douze artistes réunis.

 

Le Dictionnaire lyrique de Félix Clément et Pierre Larousse, tome I, p. 173, nous donne la liste des compositeurs associés à ce qu'il qualifie par ailleurs d'« œuvre misérable » : Kreutzer, Grétry, Méhul, Dalayrac, Deshayes, Solié, Devienne, Berton, Jadin, Trial fils, Cherubini et Blasius. Il donne par ailleurs comme date de première représentation la date du 26 février 1793, au lieu de 1794.

 

Le Dictionnaire néologique des hommes et des choses du Cousin Jacques (Louis Abel Beffroy de Reygny), tome III (Hambourg, 1802), p. 464-465, est encore plus sévère : il parle d'« œuvre déshonorante, qui ne pourra qu'à peine s'excuser par le délire du temps et par la peur, qui maîtrisait tout le monde ».

Journal de Paris, n° 427 (Tridi 13 Ventôse, an 2, lundi 3 Mars 1794 vieux style), p. 1728

Un Membre du Comité révolutionnaire de la Section de l'Arsenal dénonce une pièce intitulée, Congrès des Rois, que l'on joue sur un théâtre de cette ville. Il se plaint de ce que l'infâme Cagliostro est décoré du titre sacré de Patriote, & représenté avec toutes les vertus du Républicain ; tandis que l'immortel Marat, cet illustre fondateur de la Liberté, est exposé aux yeux de la malignité, & passe comme une ombre chinoise derrière une toile transparente. Plusieurs Membres appuyent cette observation, & croyent voir dans cette Pièce des intentions perfides. Le Conseil arrête que l'Administration de Police fera un rapport sur cette pièce.

 

Réimpression du Moniteur, tome XIX, Gazette nationale ou le moniteur universel, n° 169 (Nonidi 19 ventôse, l'an 2e, Dimanche 9 Mars 1794, vieux style), p. 645 :

Dans une des séances subséquentes le citoyen Barrucand, membre du comité révolutionnaire de la section de l'Arsenal, a dénoncé une pièce intitulée: Congrès des Rois, qu'on joue depuis quelques jours sur le théâtre de la rue Favart, et où il a vu grand nombre d'aristocrates applaudir des scènes qui l'ont révolté. Il se plaint de ce que l'infâme Cagliostro est décoré du titre sacré de patriote et présenté avec toutes les vertus du républicain, tandis que l'immortel Marat, cet illustre fondateur de la liberté, est exposé aux yeux de la malignité et passe comme une ombre chinoise derrière une toile transparente.

Plusieurs membres ont appuyé ces observations, et ont cru voir dans ces scènes des intentions perfides, un venin caché comme dans l'Ami des Lois.

Le conseil a arrêté que l'administration de police ferait un rapport sur cette pièce.

Réimpression du Moniteur, tome XIX, Gazette nationale ou le moniteur universel, n° 178 (Octidi 28 ventôse, l'an 2e, mardi 18 Mars 1794, vieux style), p. 719 :

Séance du 24 ventose.

L'administration de police fait le rapport qui lui avait été demandé sur la pièce intitulé le Congrès des Rois. Le rapporteur entre dans des détails assez étendus sur cet ouvrage. Il donne lecture de quelques observations de l'auteur sur les reproches qu'on lui avait faits ; les réflexions relatives aux cruches et à Cagliostro ne sont pas fort goûtées du conseil. Il persiste à ne voir dans ce Cagliostro qu'un vil charlatan, un empirique indigne de jouer le rôle d'un patriote, et dans les cruches qu'une mauvaise pasquinade, digne des bateleurs de la foire. Observez de plus que c'était faire injure au bon sens du peuple que de croire qu'on pût l'amuser avec de pareilles sottises.

Des membres ajoutent qu'à cette pièce les aristocrates trouvent leur compte comme les patriotes. Le conseil en conséquence arrête que la pièce ne sera plus jouée, comme favorisant tous les partis.

Le rapporteur dit ensuite qu'il ne faut point donner des chaînes à la presse ; il voudrait que l'administration de police ne fût jamais chargée de l'examen des pièces de théâtre, qui est une espèce de censure.

On observe qu'il est question ici de surveillance, et non pas de censure.

Le conseil arrête que l'administration de police se conformera toujours au sage arrêté du comité de salut public de la Convention, qui prescrit de surveiller l'esprit public, et non de censurer les pièces de théâtre, attendu qu'il ne doit pas y avoir de censeurs littéraires dans une république.

Arthur Pougin, « Méhul, sa vie, son génie, son caractère », Le Ménestrel, journal du monde musical, 2770, 50e année, n° 19 du dimanche 6 avril 1884, p. 147

[Il s'agit du sixième article de Pougin sur Méhul.]

Méhul s'était trouvé mêlé à la confection d'un ouvrage étrange, qui devait voir le jour, sur la scène de Favart, avant celui qu'il préparait en compagnie d'Arnault. Cet ouvrage, plus burlesque encore qu'odieux, avait pour titre le Congrès des Rois et sortait de la plume de Demaillot, inconnu encore, et qui préludait de cette façon singulière au futur succès qu'il était appelé à remporter avec Madame Angot. Le Congrès des Rois était un opéra comique (!) en trois actes, et j'ignore par le fait de quelles circonstances douze compositeurs – pas un de moins – avaient été appelés à en écrire la musique, ce qui n'avait pas dû leur offrir un vif intérêt. Ces douze compositeurs, qu'on avait choisis parmi les plus célèbres et les plus aimés du public, étaient Grétry, Dalayrac, Deshayes, Trial fils, Berton, Méhul, Cherubini, Jadin, Kreutzer, Blasius, Devienne et Solié (1). Cette collaboration musicale brillante ne put sauver d'un naufrage complet l'œuvre de Demaillot, qui était véritablement inepte, et dont le Journal de Paris rendait compte en ces termes : – « En présentant sur la scène la coalition des rois contre la France, on ne peut offrir aux spectateurs que des crimes et non des ridicules ; et ce sujet fait pour causer l'indignation peut difficilement exciter le rire. – Si l'auteur du Congrès des Rois est parvenu à remplir ce dernier objet, c'est en sacrifiant dans sa comédie toutes les convenances de la scène. Cette pièce n'est qu'une suite de caricatures sans liaison et sans motif, quelques-unes piquantes, d'autres, et c'est le plus grand nombre, froides et trop prolongées. Dans le premier acte, les maitresses des rois prennent, et l'auteur ne dit pas pourquoi, le parti de la République Françoise, et complotent la perte des têtes couronnées, avec Cagliostro arrivé de Rome pour représenter le pape au Congrès. Le complot s'exécute pendant le Congrès même, et au moment où chacun est convenu du morceau de la France qu'il prendra pour prix de la guerre, les François arrivent vainqueurs. Les rois abandonnés fuyent et reparoissent l'instant d'après sur la scène, affublés de bonnets rouges et chantant la Carmagnole pour n'être pas reconnus. – La musique de cette pièce, composée en commun par plusieurs auteurs célèbres, a été fort applaudie ; mais vers le milieu du troisième acte le public a commencé à témoigner son impatience; et la mauvaise exécution du dernier ballet a excité un mécontentement général qui a empêché de finir la pièce (2) ». Elle eut deux représentations seulement, accueillies de telle sorte par les spectateurs que la police jugea à propos d'interdire les suivantes, ainsi que nous l'apprennent les Spectacles de Paris: « Pièce mal accueillie, et arrêtée par ordre au moment où nous écrivons. »

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(1) Il ne peut y avoir aucun doute sur ce point, car j'ai consulté à ce sujet les registres manuscrits de l'ancienne Comédie-Italienne, qui relatent, avec tous leurs détails, les spectacles de chaque jour, et voici la note que j'y ai trouvée : « Octodi 8 ventôse l'an 2me (V. st. 26 février 1794). 1re représentation du Congrès des Rois, comédie en 3 actes en prose et ariettes, du Cen Des Maillot, musique des Cens Grétry, Dalayrac, Deshayes, Trial fils, Berton, Méhul, Cherubini, Jadin, Kreutzer, Blasius, Devienne et Solié. »

(2) Journal de Paris, 13 ventôse an II – 3 mars 1794.

César : le texte de la pièce est de Antoine-François Eve, dit Maillot (de Millot, Desmaillot) ; la liste des compositeurs se réduit à Berton, Blasius, Dalayrac, Grétry, Jadin, Lemière (absent de la liste du Dictionnaire lyrique) , Méhul et Trial fils (manquent, par rapport à la liste du Dictionnaire lyrique : Cherubini, Deshayes, Devienne, Kreutzer, Solié).

La pièce n'aurait connu que deux représentations, les 26 et 28 février 1794.

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