Le Cordonnier de Damas, ou la Lanterne magique, pièce curieuse en trois actes, en prose, de Pigault-Lebrun, 24 nivôse an 6 [13 janvier 1798].
Théâtre de la Cité-Variétés.
La pièce a été annonce dans les numéros des 22 et 23 nivôse an 6 [11 et 12 janvier 1798] du Courrier des spectacles. Le 13, le programme précise :
Théâtre de la Cité.
Aujourd., Relâche.
Pour la répétition générale du Cordonnier de Damas, pièce à grand spectacle, mêlée de chants , de danses , de différens morceaux de harpe, exécutés par la cjtov. Nagoiville jeune, musique du cit. Paulet.
Demain , la première représentation.
Même annonce le 24 nivôse an 6 [13 janvier 1798].
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 6 (1798) :
Le Cordonnier de Damas, ou la Lanterne magique, pièce curieuse en trois actes, en prose. Qui n'est pas tirée des Mille et une Nuit, quoiqu'en ayent dit certains Journalistes, qui voudroient passer pour gens érudits. Par le citoyen Pigault-Lebrun. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre de la Cité-Variétés le 24 Nivose, an 6 de la République, 13 janvier 1798, vieux style. Avec les Couplets notés.
La page de faux-titre porte le titre inversé : la Lanterne Magique ou le Cordonnier de Damas. Cette page comporte aussi une soi-disant préface, signée par Martainville :
PRÉFACE
Par Martainville.
Air : Trouver le bonheur en famille.
Un beau jour Pigault mécontent,
Des cordonniers de sa patrie,
Voulut nous prouver le talent
Des cordonniers de la Syrie.
Je n'ai vu qu'un foible ouvrier ;
D'être bien chaussé je me pique ;
Ce n'est pas à son cordonnier
Que je donnerai ma pratique.
Les couplets notés se trouvent p. 9 et 10, à la fin de la scène 2 de l'acte 1. Il n'y a pas d'indication du compositeur.
Courrier des spectacles, n° 327 du 25 nivôse an 6 [14 janvier 1798], p. 3 :
[Après avoir laissé entendre que la pièce ne vaut que par ses décors et ses costumes, le critique résume une intrigue assez invraisemblable dans le genre oriental. Tous les clichés défilent, uques, odalisques, bacha et compagnie. Une intrigue amoureuse aussi confuse que touffue sert de fil directeur en même temps que les rêves de pouvoir d'un cordonnier mégalomane. Le public a d'abord paru apprécier la pièce, mais « des longueurs, sur-tout des expressions triviales et obscènes » l'ont irrité. Et le critique voudrait bien que le rôle titre ne soit pas un personnage secondaire. Sinon, de belles tirades, de jolis morceaux de harpe, un « pas de nègre bien dansé », les interprètes ont été applaudis.]
Théâtre de la Cité.
Si de belles décorations , si de riches costumes pouvoient assurer le succès d’une pièce dramatique, celle représentée hier pour la première fois sur ce théâtre, sous le titre du Cordonnier de Damas, aurait dû complètement réussir.
Morad, cordonnier à Damas, a reçu depuis peu, en qualité d’apprenti, Herside, fils du gouverneur de Tamar, qui, amoureux d’Atalide, enfermée dans le serrail, n’a pu échapper aux poursuites des gardiens de son amante, qu'en se jettant dans la boutique du cordonnier. Morad a la tête exaltée ; il se croit bien au-dessus de son état, et ne désespère pas, dans son extravagance, de devenir un jour Bacha. Sa femme se moque de lui, le traite de fou ; mais le cordonnier, qui depuis long-tems s’ennuie de l’avoir pour compagne, rompt entièrement avec elle, et déjà il tranche du Bacha. Nadir, gouverneur de Damas, entend les folies qu’il débite, et pour s’amuser aux dépens du crédule Morad, il se dit officier chargé par le Bacha de l’emmener au serrail, et de lui rendre tous les honneurs dus à un homme, le premier dans son art. Bientôt la musique du Bacha est envoyée par là-même pour accompagner Morad. Celui-ci accepte tout sans cérémonie ; il croit que c’est un hommage rendu à son mérite, et il part, porté sur un palanquin magnifique, et abandonnant la boutique et la clef à Herside. Celui-ci voyant la générosité du Sultan envers le cordonnier et sa femme, à laquelle il a confié la garde des Odalisques, avoit, dans l’espoir d’approcher d’Atalide, demandé et obtenu une place, celle de jardinier du terrein extérieur du serrail ; mais cet amant a un rival puissant, c’est Nadir, qui, presse et ordonne, mais rien ne peut déterminer Atalide aàlui donner la main ; elle lui a déclaré qu’elle ne souhaitoit que de retourner près de sa mère infortunée ; mais l'opiniâtreté de ses refus éveille les soupçons jaloux dans le cœur de Nadir ; il lui arrache le fatal secret, qu'elle en aime un autre : furieux, il se retire pour faire chercher le malheureux amant, sans savoir cependant que c'est Herside. La musique annonce l’arrivée de Morad, a qui on donne une fête superbe, et pour qui, comme pour un connoisseur, une jeune Odalisque tire les sons harmonieux de sa harpe. Après la fête, Morad qui s'attend à une éminente dignité, se voit proposé pour remplir les emplois de Cadi, de chef des Eunuques, etc. Toutes ces charges exigent des lumières qu’il n’a pas, des formalités qui le font trembler ; bref il refuse. Reste un dernier emploi vacant, celui d'aide dans les Cuisines du Bacha.
Trompé dans son espoir, il s’exhale en injures contre le chef des Eunuques, qui le fait emmener de force à la cuisine. D’un autre côté, Herside qui est jardinier dans le palais, a escaladé les murs des jardins, et pénétré jusques dans les bosquets du serrail ; il y retrouve son amante qui n’a que le tems, à l’approche du Bacha, de le faire échapper par un chemin détourné : c’est Pirrha, femme de Morad, qui leur suscite ces traverses, parce que, amoureuse d'Herside, et dédaignée par lui, sa jalousie la porte à tourmenter sa rivale. Cependant elle a su taire au Bacha et le nom et la présente d’Herside ; celui-ci ayant acheté sa discrétion à prix d’or. Nadir a cru trouver Atalide sensible un moment, Il a tout ordonné ; tout est prêt ; l’hymen va se célébrer, lorsque Herside rentre dans le serrail sous le costume d'un Eunuque noir, rencontre Atalide seule et désespérée. Tous deux alors, pour éviter l’un une mort certaine, l’autre un hymen odieux, s’arment de poignards : ils vont se percer : le Bacha survient avec Pirrha, fait arrêter le jeune homme, et ordonne son supplice. Atalide est. évanouie, Nadir s’approche et lui trouve un portrait, c’est celui de son père et c’est le sien ; il reconnoît sa fille, fait arrêter le supplice, et unit les deux amans. Le Cordonnier entre malgré les gardes, et le Bacha lui ayant donné auparavant une place de cadi, il en fait les fonctions.
Le chef des eunuques lui a manqué ; il demande au Bacha la permission de le punir : il l’obtient et pardonne ; puis pour quelques dés-agrémens que lui a causé son ignorance des loix et de la chicane, il se démet de sa place, se réconcilie avec Pirrha, et reprend son premier métier.
Tel est le sujet de cette pièce qui a obtenu dans le commencement des applaudissemens mérités ; mais des longueurs, sur-tout des expressions triviales et obscènes ont excité les huées du public à plusieurs reprises. Si l’auteur veut que sa pièce soit que sa pièce soit supportée, qu’il en écarte ce qui a déplu, et qu’il ne fasse pas du héros de la pièce (le Cordonnier) un personnage secondaire, et qui ne soit qu'accessoire. Du reste, il y a de belles tirades, surtout celles qu'a rendues la citoyenne Dama. La jeune citoyenne Navoigille a ravi tous les spectateurs par son talent à pincer de la harpe, et le citoyen Després dans le pas de nègre, a obtenu sa part d'applaudissemens.
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