Le Cri de la patrie, opéra en prose et en trois actes, par Moussart, musique de Parenti, 8 nivôse an 2 [28 décembre 1793].
Théâtre de l’Opéra Comique National, rue Favart.
A ne pas confondre avec le Cri de la patrie ou l'Hymne des Marseillois, de Desfontaines, jouée en 1792 au Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Cri de la patrie (le)
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Genre
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opéra
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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8 nivôse an 2 [28 décembre 1793]
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Théâtre :
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Théâtre de l’Opéra Comique National, rue Favart
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Auteur(s) des paroles :
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Moussart
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Compositeur(s) :
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Parenti
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 9 (septembre 1794), p. 247-251 :
[Le compte rendu très sévère de cette pièce est clair : le texte est mauvais, et la musique aussi. Après un résumé très critique, qui est très loin de respecter la neutralité qu’on trouve généralement dans cet exercice obligé, c’est d’abord l’intrigue qui est mise à mal : « Allées & venues sans raison ; poésie lyrique sans rhythme ; caracteres sans développemens ; scenes sans oppositions ; piece sans plan ; trois longs actes, pendant lesquels on mâche toujours à vuide, & au bout desquels il n'y a point de dénouement, voilà ce que c'est que le cri de la patrie, dont l’auteur n'a pas même pris la peine de justifier le titre. » Seul point qu’on peut mettre au crédit du « poëte », des « intentions très-estimables & très patriotiques ». Le compositeur est encore plus mal traité : sa musique est mauvaise, parce qu’elle néglige complètement la mélodie au profit de l’harmonie (« une harmonie vuide de sens au lieu de l'imitation de la nature » : la nature, bien sûr !), et c’est l’occasion pour le critique de remettre mélodie et harmonie à leur place : « la mélodie est la chose principale, & l'harmonie n'est qu'un accessoire nécessaire, indispensable si l'on veut, mais ce n'est qu'un accessoire ». Définition de la musique : « la musique dans sa véritable définition, est la mélodie harmonique & non pas l'harmonie mélodique ». Privilégier l’harmonie, c’est faire comme un poëte qui abandonnerait la poésie pour la prose, ou un sculpteur qui remplacerait le marbre par « le verre et les étoffes ». Parenti, qui est nommé à la différence du « poëte », laissé anonyme, se voit rappeler les règles de la musique, variété des chants, accompagnés d’une « harmonie convenable. l’harmonie est fruit du travail ; quand la mélodie est « le fruit de l’imagination du génie ». « On parvient à force de travail, à faire de l'harmonie, même en n'étant pas musicien ; & sans l'influence secrete dont nous parlent Horace & Boileau, on ne sauroit parvenir à créer un beau chant ».]
Le cri de la patrie, opéra en prose & en trois actes ; par Moussart, musique de Parenti.
Un intrigant, nommé Justinien, met tout en usage pour empêcher la premiere réquisition d'un village de partir. Cependant les habitans en sont si bons patriotes, qu'ils veulent tous voler au secours de la patrie. .Mais c'est sur-tout auprès des femmes que l'agent des puissances étrangeres emploie ses ruses infernales, & il est au moment de les soulever. Le maire, que l’auteur présente comme un homme clair-voyant, & qu'il [sic] ne déjoue pas les complots de Justinien, quoiqu'il en ait presque la certitude, perd deux actes en entrées, en sorties & en paroles inutiles, & à la fin du troisieme, lorsque la générale bat & le tocsin sonne, il court au-devant des insurgés, les ramène à la raison, au véritable patriotisme, & parvient à appaiser le trouble, en faisant arrêter Justinien & quelques-uns de ses satellites.
L'auteur a plaqué dans tout cela une Sophie qui veut empêcher son mari, pere de plusieurs enfans & hors de la réquisition, par son âge, de partir ; mais le mari fermant l'oreille à la voix de sa femme, n'écoute que son zele civique. On y trouve encore enchassé, on ne sait comment, un valet niais, qui n'y est précisément utile qu'à la fin du troisieme acte, pour apporter la gamelle à laquelle mangent toute la réquisition, la municipalité & le village ; & un procureur de la commune invalide, & avec une jambe de bois, on ne fait pourquoi, contre lequel Justinien tire lâchement un coup de pistolet, pendant l'insurrection, on ne sait comment, & que l’auteur appelle le procureur-syndic , quoique celui ci soit au premier, ce qu'un district est à une municipalité.
Mais ce qu'il y a de singulier, c'est une illumination qui a lieu à la fin de la piece, & que très certainement on n'attendoit guere. Elle est toute en beaux globes de papier; ce qui a fait répéter à quelques mauvais plaisans, le proverbe italien où il est question de vendre des vessies pour des lanternes.
Récapitulons. Allées & venues sans raison ; poésie lyrique sans rhythme ; caracteres sans développemens ; scenes sans oppositions ; piece sans plan ; trois longs actes, pendant lesquels on mâche toujours à vuide, & au bout desquels il n'y a point de dénouement, voilà ce que c'est que le cri de la patrie, dont l’auteur n'a pas même pris la peine de justifier le titre. Mais ce qui vaut très-certainement beaucoup mieux que tout le reste, ce sont les intentions très-estimables & très patriotiques, que l’auteur montre depuis le commencement jusqu'à la fin de ce qu'il appelle un opéra.
Nous ne balancerons pas d'assurer, soit que la musique du cri de la patrie ait été faite trop vîte, soit pour toute autre raison, qu'elle est fort au-dessous de celle de l'homme & le malheur. Elle n'offre que des motifs bizarres au-lieu de chant, un grand nombre de notes à la place de l'expression; une harmonie vuide de sens au lieu de l'imitation de la nature ; & les élémens de la déclamation y sont si peu observés, qu'il n'est pas rare d'y entendre couper les mots en deux ou trois morceaux, ce qui n'est rien moins qu'agréable pour des oreilles françoises.
Nous sommes persuadés cependant, qu'on fait aussi bien en Italie qu'en France, que la musique sans chant n'est plus de la musique : comne la poésie sans rhythme, sans intention, sans mètre & sans harmonie, n'est plus de la poésie ; & qu'il n'est jamais permis, sous quelque prétexte que ce soit, d'offrir en musique de ['harmonie dénuée de mélodie. Dans l’art musical, la mélodie est la chose principale, & l'harmonie n'est qu'un accessoire nécessaire, indispensable si l'on veut, mais ce n'est qu'un accessoire. Ainsi donc, soit dit en passant, la musique dans sa véritable définition, est la mélodie harmonique & non pas l'harmonie mélodique : car ce seroit mettre l'accessoire avant le principal. D'après ce principe, la musique ne peut ni ne doit se contenter jamais de n'être qu'harmonieuse, & le morceau le plus symétrique, le mieux facturé, le plus richement modulé, ne sauroit être appellé musique, si les accessoires que nous venons de détailler, ne se montrent pas les très-humbles serviteurs du chant de la mélodie, & ne la laissent pas paisiblement dominer. Quelle que puisse être la situation que le compositeur veut rendre, il faut qu'il la peigne avec la mélodie. C'est son moyen, & il ne doit pas l'abandonner. Le poëte abandonne-t-il la poésie qui est le sien, pour entrer dans la prose ? Le sculpteur abandonne-t-il le marbre qui est le sien, pour employer le verre & les étoffes, dans l'intention d'imiter plus parfaitement les yeux & les habillemens de ses personnages ? Non. Eh bien ! le musicien qui cache son chant, sa mélodie derriere l'harmonie, se comporte précisément comme celui qui, sous prétexte de donner de beaux contours aux draperies, envelopperoit dans une chlamyde, ou si l'on aime mieux dans un grand manteau, les appas divins de la Vénus de Médicis ou les nobles formes de l'Apollon du Belvédere.
Concluons, en rappellant à Parenti une chose qu'il fait très-certainement aussi bien que nous, mais qu'on ne sauroit trop répéter, c'est qu'il faut indispensablement que le compositeur fasse entendre sans cesse des chants séveres ou doux, tristes ou gais, agités ou tranquilles, tendres ou fiers, simples ou sublimes, &c. Qu'une harmonie convenable accompagne ces chants ; que l'harmonie ne doit jamais marcher sans mélodie ; que rien ne peut dispenser de celui-ci, & que si la premiere est le fruit des réflexions du calcul, la seconde est le fruit de l'imagination du génie. On parvient à force de travail, à faire de l'harmonie, même en n'étant pas musicien ; & sans l'influence secrete dont nous parlent Horace & Boileau, on ne sauroit parvenir à créer un beau chant.
(Journal des spectacles, &c.)
La base César connaît le nom du compositeur, Paolo Francesco Parenti, mais ignore celui du parolier. Une seule représentation connue : le 28 décembre 1793, au Théâtre Italien.
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