Le Curtius Français, ou le Chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp

Le Curtius Français, ou le Chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp, pièce en trois actes, de Dubois, 17 mai 1792.

Théâtre du Marais.

Mercure universel, tome 15, n° 445 du vendredi 18 mai 1792, p. 287-288 :

[La pièce illustre un « trait de générosité » qui est bien oublié de nos jours : qui connaît encore le chevalier d'Assas et la bataille de Clostercamp (Kloster Kampen, en Westphalie, 15-16 octobre 1760, pendant la Guerre de Sept ans) au cours de laquelle le chevalier d'Assas a perdu héroïquement la vie ? Dans la nuit du 15 au 16 octobre, le chevalier d'Assas est surpris par des troupes ennemies qui le menace s'il signale leur présence. Héroïquement, d'Assas a crié, dit-on : « À moi, Auvergne, c'est l'ennemi ! ». L'acte d'héroïsme est montré dans une gravure célèbre, que beaucoup devaient connaître. En tout cas, le critique n'a pas besoin d'expliquer le dévouement du chevalier. Il se contente de voir dans cet épisode d'une guerre d'Ancien régime un « panégirique de la vertu », préfigurant « la guerre d'un peuple libre [qui] sera celle des héros en patriotisme et en courage ». Mais ce sujet riche d'héroïsme patriotique, l'auteur de la pièce l'a gâché, selon le critique, en y ajoutant « une intrigue amoureuse » qui détruit la simplicité de l'acte de courage de d'Assas. Et plus grave, il a eu le tort de « placer à côté de la patrie l'idée d'un roi » comme si les services rendus « à l'un et à l'autre » pouvaient se comparer. Le critique invite les auteurs dramatiques de « purger leurs ouvrages » de ce genre d'idées. L'article cite l'auteur, un acteur de province, et l'interprète du rôle principal, le talentueux Baptiste (sans préciser de quel membre de cette famille il s'agit).

Autre allusion qui n'est plus guère connue, qui est Manlius Curtius ? Un autre exemple du sacrifice héroïque d'un jeune soldat qui meurt pour sa patrie : une crevasse étant apparue sur le forum, un oracle a annoncé qu'elle se fermerait quand quelqu'un se serait sacrifié pour la patrie. Manlius Curtius n'hésite pas à se jeter avec son cheval dans la crevasse. Il existe un grand nombre d'images reproduisant cet acte de dévouement patriotique.]

Theatre du Marais.

Lorsqu’un auteur annonce l'intention de consacrer par un ouvrage théâtral une action héroïque, ou un trait de générosité, qui doit passer à la postérité ; alors la critique s’évanouit, l'indulgence fait place à la sévérité, et l'on ne sait plus qu’applaudir au panégirique de la vertu.

Tels sont les sentimens qu'à [sic] excités en nous la représentation du nouveau Curtius François, ou le chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp, donné avant-hier avec succès pour la première fois. Les deux premiers actes ne sont que préparatoires, et le troisième est une exécution fidelle de la gravure, qui représente un dévouement d'autant plus à l’ordre du jour que, sans doute, l’histoire de la guerre d’un peuple libre sera celle des héros en patriotisme et en courage.

En cousant une intrigue amoureuse au trait du chevalier d'Assas, l’auteur en a détruit la simplicité. Les belles actions n’ont pas besoin d’entourage ; mais ce reproche est moins grave que celui de placer à côté de la patrie l’idée d’un roi, et de peser dans la même balance, les services que l'on rend à l’un et à l’autre. Quand donc nos auteurs dramatiques sauront-ils purger leurs ouvrages ? Celui de cette pièce est M. Dubois, acteur de province.

M. Baptiste a rendu le rôle du chevalier d’Assas avec le talent qu’on lui connoît.

Chronique de Paris, n° 141 du samedi 19 mai 1792, p. 558 :

[La pièce nouvelle (dont le titre ne fait pas référence à Curtius) a eu du succès, malgré une action assez mal conduite : elle a trouvé un grand intérêt du fait de l'actualité, la guerre qui s'annonce. Elle contient en abondance « des détails militaires » qui deviennent intéressants du fait « de ce qui se passe aux frontières ». Le critique reconnaît la qualité des costumes et des décors, mais il regrette le réalisme excessif du jeu de l'acteur jouant « l'agonie longue et généreuse » de d'Assas : illusion trop parfaite, spectacle trop déchirant qui a incommodé de nombreux spectateurs. L'auteur a été nommé : c'est un « comédien d'un théâtre des départemens ».]

SPECTACLES.

Théâtre du Marais,

La pièce, en trois actes, intitulée :.le chevalier d'Assas au camp de Clostercam. a eu du succès. Cet ouvrage n’est pas un chef-d’œuvre de conduite ; on trouveroit même l’action un peu languissante sans l’intérêt qu’inspire le héros : cet intérêt s’accroît encore dans ce moment où nos amis, nos frères d’armes vont combattre les mêmes ennemis que lui, mais pour le soutien de la liberté. L’auteur a donné beaucoup de développement à des détails militaires qui auroient fatigué dans un autre tems, & qui intéressent aujourd’hui, parce qu’ils sont une leçon vivante de ce qui se passe sur les frontières. Il parle de guerre en homme qui la connoit, & qui sûrement a fait des campagnes. L’ouvrage est très-bien établi pour les costumes & les décorations. La mort de d’Assas & la bataille qui la suit sont très-bien rendues. L’agonie longue & généreuse de ce brave guerrier est d’un effet terrible ; mais il faudroit ou abréger cette scène , ou que M Baptiste tâchât de diminuer l’illusion parfaite que produit son talent trop vrai, trop admirable. Beaucoup de personnes n’ont pu soutenir jusqu’au bout un spectacle aussi déchirant. On a nommé l’auteur, M. Dubois, comédien d’un théâtre des départemens.

On voit que le jugement porté sur la prestation de Baptiste, l'acteur qui jour d'Assas, varie fortement d'un journal à l'autre.

La base César ne connaît pas Le Curtius François, ou le Chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp, mais la Mort du chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp, pièce en trois actes, d'Alexis Dubois, créée à Lille le 3 mars 1788, reprise le 15 décembre 1790 au Théâtre de l'Ambigu-Comique où elle est jouée 10 fois jusqu'au 30 décembre 1790. Elle aurait été reprise au Théâtre du Marais le 17 mai 1792, pour 6 représentations, dont les dates coïncident à celles des représentations du Curtius français. Faut-il confondre les deux pièces ? Ce que le critique du Mercure universel prend pour une nouveauté pourrait bien être une reprise sous un titre nouveau de la Mort du chevalier d'Assas à la bataille de Clostercamp.

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