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Les Centaures ou la Jeunesse d'Achille

Les Centaures ou la Jeunesse d'Achille, scènes équestres en trois parties et à grand spectacle, de Hapdé, 26 mai 1808.

Cercle Olympique.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, tome VI, 1825, pp. 139-141 :

[Le redoutable Geoffroy, le grand critique du Journal de l'Empire où cet article est paru le 4 juin 1808, fait preuve ici d'une étonnante indulgence pour ce qui est une pantomime faisant appel aux talents équestres des Franconi, les fameux écuyers, dont il souligne que les talents ne s'arrêtent pas à l'art équestre : les hommes sont bons acteurs, et les femmes sont fort belles. C'est une belle idée que d'adapter la légende des Centaures sur ce théâtre particulier. Geoffroy résume ensuite l'intrigue qui met en scène la rivalité de Chiron et d'Achille autour de la conquête de la belle Hippodamie. Il en retient la perfection des situations, des tableaux, des combats. Il signale que les trois grands rôles sont assumés par les membres de la famille Franconi. Le dernier paragraphe est consacré à faire l'éloge de Hapdé dont une note signale la précocité et la fécondité.]

LES CENTAURES.

Il y a autre chose que des chevaux chez Franconi, il y a des hommes qui jouent fort bien la pantomime : il y a des femmes qui sont jolies, et particulièrement madame Franconi. Ainsi, quand on balance entre Franconi et un autre théâtre, ce n'est pas entre des femmes et des chevaux qu'on a à choisir, comme le dit l'Opéra-Comique, c'est entre un spectacle et un autre; et assurément il en est peu qui méritent la préférence sur la pantomime des Centaures, production d'un goût nouveau et d'une invention très-singulière et très-ingénieuse.

C'est déjà une idée fort heureuse, et à laquelle on n'avait pas encore songé, d'appliquer au Cirque de Franconi l'allégorie des Centaures, peuple si habile, dans l'art de monter à cheval, qu'on eût dit que le cheval et le cavalier étaient étroitement unis, et ne formaient qu'un seul tout. De là les poëtes s'avisèrent de représenter les centaures comme des espèces de monstres dont la partie supérieure était de l'homme, et la partie inférieure du cheval. Les frères Franconi sont réellement des centaures; ils en ont toute l'habileté sans en avoir la difformité.

La fable nous peint les centaures comme des sauvages de mœurs féroces, vivant dans les forêts, habitant des cavernes, combattant les ours et les tigres : c'est cependant parmi eux que Thétis choisit un précepteur pour Achille, son fils. Mais Chiron fut un centaure privilégié : il eut dans la Grèce une grande réputation de science et de sagesse ; ce fut lui qui fut chargé de l'éducation du jeune héros destiné à renverser les murs de Troie. Si l'on en croit Euripide, Chiron ne se borna point à faire d'Achille un chasseur intrépide et vigoureux, capable de combattre les lions et de prendre les lièvres à la course ; il en fit un philosophe. Ce même Chiron avait déjà élevé Esculape, Hercule ; tous les grands hommes de l'antiquité étaient sortis de son école. Il possédait tous les arts : il était musicien et médecin. L'auteur n'a point eu égard à ces traditions : il a fait de ce précepteur des héros un homme furieux et féroce ; il a présenté Chiron et Achille son disciple comme deux ennemis, deux rivaux amoureux de la princesse Hippodamie, destinée à épouser Pirithoüs. Achille, encore plus amoureux de la gloire que d'Hippodamie, donne la préférence à Mars sur Cupidon. Il devient le défenseur d'Hippodamie contre Chiron, qui veut la ravir à son époux, et finit par arracher à ce farouche centaure une si belle proie : c'est là le fond de la pantomime, où l'on admire une foule de situations, de tableaux, de combats, qui excitent la plus vive curiosité, et attirent la foule à ce théâtre. L'aîné des Franconi représente Chiron, le cadet Achille ; et madame Franconi, très-belle femme, est parfaitement bien placée dans le rôle d'Hippodamie.

L'auteur de cette pantomime est M. Augustin (1), déjà connu par un grand nombre de féeries et d'inventions dramatiques qui ont eu le plus grand succès sur divers théâtres : ce dernier ouvrage fait beaucoup d'honneur à la fécondité de son imagination; et il peut se flatter d'avoir beaucoup embelli la fable, qui est elle-même en possession d'embellir la plupart des ouvrages de poésie. (4 juin 1808.)

(1) M. Augustin Hapdé. A l'âge d'environ dix-sept ans, il entretenait le théâtre des Jeunes Artistes de fort jolis ouvrages, ayant par fois pour collaborateurs MM. Désaugiers, Jacquelin, etc. Ces légers ouvrages n'étaient pas sans mérite.

(Note de l'Editeur.)          

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